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Retour à Gorée, de Pierre-Yves Borgeaud
Youssou Ndour remix
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 27/03/2008

Retour à Gorée
LM Documentaire de Pierre-Yves Borgeaud, Suisse / Luxembourg, 2007
Sortie France : 2 avril 2008

Les musiciens africains attirent les caméras des Européens. Après le Malien Ali Farka Touré, le Guinéen Momo Wandel vu par le Français Laurent Chevallier, c'est au tour de Youssou Ndour d'apparaître dans un documentaire suisse. Il est vrai que "L'enfant chéri de la Médina" de Dakar, devenu vedette internationale, ne pouvait manquer de susciter un portrait. Mais Retour à Gorée de Pierre-Yves Borgeaud, est moins un regard sur la personnalité du musicien sénégalais, que le récit d'un projet de concert, relayé par Youssou Ndour.

La rencontre entre le pianiste de jazz Moncef Genoud, né en Tunisie et élevé à Genève, avec le Sénégalais dont il adapte quelques chansons en concert, leur donne envie de collaborer davantage. Le fondateur d'un festival de jazz qui les rassemble, propose de produire un disque mais ils préfèrent un film. Il ne reste plus qu'à choisir un réalisateur et Youssou Ndour désigne Pierre-Yves Borgeaud. Ce Suisse est un passionné de jazz, batteur et journaliste, auteur de documentaires dont Retour à GoréeIxième, primé au Festival de Locarno 2003, Retour à GoréeFamily Music, 2004. Il se glisse aux cotés de Youssou Ndour et Moncef Genoud près d'un mois, pour capter les moments forts de leur démarche et de leurs rencontres.

Le film débute à Gorée où Youssou Ndour visite la Maison des esclaves, s'inspirant de l'esprit des ancêtres avant de concrétiser ses démarches pour rassembler des musiciens d'horizons divers. Moncef Genoud le rejoint pour un périple en Amérique qui démarre à Atlanta chez les Harmony Harmoneers, un groupe de gospel. Ils font étape à la Nouvelle Orléans, New York et une halte au Luxembourg. Le batteur Idris Muhammad, le contrebassiste James Cammack, la chanteuse Pyeng Threadgill joignent le band. Grégoire Maret, joueur d'harmonica, Ernie Hammes, trompettiste, Wolfgang Muthspiel, guitariste, colorent la troupe. Après leurs ajustements respectifs autour des chansons de Youssou Ndour qu'ils investissent sur le mode jazz, tous convergent vers Gorée pour le concert événement.

Retour à Gorée prend alors le sens d'une reconnaissance des valeurs africaines par les musiciens afro-américains qui accomplissent le voyage. Ils sentent sur le marché ou dans les percussions qui résonnent en plein air, l'écho des rythmes qui influencent leur pratique du jazz. Et quand le groupe visite la Maison des esclaves, c'est un hommage aux ancêtres qu'ils effectuent en retour. "C'est un film très symbolique", admet le réalisateur. "Déjà par rapport à l'idée de partir de l'Ile de Gorée et d'y revenir. De ramener le jazz sur le lieu d'où il est parti." Le mérite en reviendrait à Youssou Ndour qui se fait le chantre du dialogue musical par ses échanges avec les jazzmen autour de ses chansons.

Ambassadeur de sa culture, maître de ses studios de Dakar où il reçoit les musiciens étrangers, Youssou Ndour s'impose face à la caméra comme un homme simple, un artiste inspiré. Les plus beaux moments du film sont ceux où le chanteur, accompagné par le pianiste aveugle, Moncef Genoud, esquisse des morceaux avec les jazzmen qu'ils approchent. C'est là où Pierre-Yves Borgeaud épouse le mieux les notes qui volent, les chants qui rebondissent dans le jazz. "Ce que j'ai essayé de faire, c'est de montrer que le message est dans la musique", explique le cinéaste. "Donner la parole à la musique, comme dans la plupart de mes films. Laisser la musique investir le sens."

On regrette alors qu'il ne laisse pas plus couler les moments intenses où les artistes essaient, échangent, composent des interprétations jazz. Leurs paroles dans des entretiens posés, viennent rompre le rythme du film qui balance entre documentaire musical et réflexion sur les relations à la culture africaine. "Des messages, il y en a plusieurs", reconnaît le cinéaste suisse. "Pour moi, il y a la contribution de l'Afrique à l'humanité. Du point de vue artistique déjà, si on considère l'art comme essentiel à l'homme. Au-delà, le film porte aussi sur la force de la musique et la possibilité de vivre ensemble."

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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