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La mort de l'Auteur
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 06/04/2008

Plusieurs événements célèbrent le cinéma et la jeunesse ces derniers temps. Souvent, très souvent, cela se passe dans une atmosphère d'euphorie et de complaisance. Dans ces moments de remue-ménage, le critique démêle son monde et essaie de faire le bilan. Or, celui-ci n'est pas du genre à rassurer dans la complaisance. Au risque de déplaire à ceux qui se laissent aller à la facilité, notre cinéma, bien qu'il y ait beaucoup de faiseurs de films, connaît un déficit horrible en "auteur", j'entends en esprit et posture intellectuelle d'auteur.

Il est toujours très facile de se hasarder dans toutes formes de réflexions théoriques, cela devient une vraie gageure quand il s'agit de la notion de cinéma d'auteur. Le plus difficile reste toujours d'être à l'écoute de la posture d'auteur telle qu'elle se traduit dans des oeuvres, d'en repérer les manifestations concrètes. Le critique de cinéma est tout le temps confronté d'une façon ou d'une autre à cette notion aux contours très complexes et compliqués. Cela est autant plus difficile pour les générations actuelles qui est livrées au matraquage d'une image de plus en plus aplatie, vidée et nourrit d'une culture de plus en plus nivelée par le bas.

La critique et la création par définition puisent dans la même source. Le critique part toujours à la recherche de la trace de l'auteur ou d'un auteur potentiel. Quand il n'y parvient pas, il est alors dans un tel embarras intellectuel qu'il ne peut que s'interroger sur les raisons de cette absence, sur les symptômes d'une crise. Il est porté en cela par l'espoir que peut-être en indiquant les mauvaises orientations il finirait par en désigner les bonnes.

C'est cela même, sans vouloir pour autant s'ériger en donneur de leçons, à quoi je suis confronté dès qu'il s'agit pour moi de réfléchir sur ce qui se fait comme cinéma en ce moment en Tunisie, et notamment celui d'une nouvelle génération de cinéastes en herbe : Ttute une génération serait à mon sens perdue, égarée, ou peut-être est-elle en train de se chercher.

La situation actuelle du cinéma en Tunisie peut être analysée en terme de disparition de la "race des auteurs". En effet, on évoque souvent le passé, proche ou lointain, non pas sans un sentiment de nostalgie dès qu'il s'agit d'ébaucher une appréciation générale de ce qui se fabrique comme image, ou encore de saisir les contours du profil de ceux qui en font la pratique. Parfois, le même réalisateur est jugé à l'aune de son propre passé.

Or, à qui profite le désordre, pour ne pas dire le chaos, sinon au plus fort, c'est-à-dire les avantagés socialement, économiquement et politiquement. Tous ces paramètres, dans le contexte tunisien, reviennent au même. L'on voit apparaître donc des jeunes réalisateurs au profile plus ou moins saisissable : Ils viennent d'un milieu plutôt aisé, un peu petite bourgeoisie ayant accès aux rouages de l'administration et disposant des outils de consommation d'une culture moyenne de l'image, celle véhiculée par les télévisions satellitaires. Ceux-ci ne passent pas par la formation "académique".

Le deuxième profil est celui que produit l'école au sens le plus large. Les étudiants sortis des instituts de formation en audiovisuels, qu'ils soient privés ou étatiques sont de plus en plus nombreux. Les plus chanceux intègrent les quelques télévisions privées qui bourgeonnent. Les autres, par choix ou par nécessité, se lancent dans l'aventure de la production audiovisuelle toutes formes confondues : spots publicitaires, films institutionnels, courts métrages,...

L'impression est que l'on devient trop vite professionnel de l'image. Diplôme à la main, disposant du matériel nécessaire, on peut alors se laisser aller à l'illusion du tout possible.
Il reste toutefois que l'essentiel n'est acquis. Aussi bien ce profil que l'autre sont amputés du fond culturel nécessaire, celui de la cinéphilie. D'une part il y a une formation sauvage à l'image qui fait que l'on se croit toujours dans son milieu en reproduisant la même image que celle dont on a été nourri, de l'autre une formation académique caduque à cause de l'orientation générale de l'enseignement et partant de la nature du savoir acquis. Nous assistons dès lors à une dynamique provoquée par une jeunesse très active en termes de production, mais très peu soucieuses de la qualité et de la teneur culturelle du "produit". D'une façon générale, les films que l'on voit, et ils sont de plus en plus nombreux, témoignent dans leur quasi-totalité d'une maîtrise technique discutable mais en même temps d'un manque terrible de culture proprement cinématographique. Est-ce la mort de l'Auteur ?

Hassouna Mansouri

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