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Serge Alain Noa : "Le cinéma est une affaire d'équipe. Il faut se donner la main si on veut faire de notre cinéma une industrie"
Interview de Serge Alain Noa
critique
rédigé par Martial Ebenezer Nguéa
publié le 15/04/2008
Martial E. Nguéa
Martial E. Nguéa
Affiche du film Le don involontaire.
Affiche du film Le don involontaire.
Le réalisateur Serge Alain NOA.
Le réalisateur Serge Alain NOA.
Affiche Festival Pan Africa Internation (Vues d'Afrique), Montréal.
Affiche Festival Pan Africa Internation (Vues d'Afrique), Montréal.
Charles Nyatte
Charles Nyatte

Né le 17 février 1971 à Akonolinga - Cameroun, Serge Alain Noa ; est formé à l'INA (Institut National de l'Audiovisuel (Paris). Il multiplie les stages d'écriture aussi bien comme formateur en écriture et réalisateur.
Depuis 2004, il s'est lancé dans la carrière de producteur, scénariste et réalisateur, avec à son actif une série de films, court et moyens métrages. En novembre 2007, il signe son premier long métrage Le don involontaire, une adaptation cinématographique de la pièce de théâtre d'un dramaturge camerounais Wakeu Fogaing.

C'est plutôt intrigant "le don involontaire", comme titre de film qu'est-ce qui l'a motivé ?
Le titre de ce film est inspiré de ce que la nature même du don est volontaire… lorsqu'on donne c'est généralement en toute âme et conscience qu'on le fait. Mais du moment où on donne son bien alors qu'on se trouve dans un état second, dans une sorte d'inconscience, le don devient involontaire.


C'est une adaptation d'une pièce de théâtre camerounaise, Le Don du Propriétaire, qu'est-ce qu'il y a de différent dans l'adaptation cinématographique que vous proposez par rapport à la structure du dramaturge ?

Effectivement Le Don Involontaire est une adaptation, je le reprécise, libre d'une pièce de théâtre camerounaise, Le Don du Propriétaire de Wakeu Fogaing.
Ce qui est commun aux deux projets, c'est l'idée qu'un homme qui a perdu une bonne partie de ses facultés mentales sombre dans la confusion totale. Par contre la grosse différence réside dans ce qui s'est passé antérieurement pour plonger l'homme dans cette sorte d'amnésie et qu'on appelle au cinéma l'enjeu. Si une partie de personnages, en l'occurrence le propriétaire de la villa, Akinopoulos et sa jeune épouse Eléonore ont été maintenus au même titre que le voleur, il n'en demeure pas moins qu'il a fallu introduire une autre sous-intrigue pour faire évoluer l'histoire et qui est incarnée par le personnage de Bébé. Par ailleurs, les dialogues au théâtre ne sauraient être convaincants au cinéma, d'où l'énorme travail qui a été fait pour concevoir des dialogues adaptés au cinéma. Enfin, il y a le problème de la chute. Il fallait trouver une chute à l'enjeu énoncé au début du film. Voilà entre autres autant de différences qui existent entre la pièce de théâtre et le film qui y a été tiré. Bien évidemment il faut ajouter les différents décors qu'il a fallu recréer…


Vous abordez le problème de détournement des deniers publics et de la justice punitive, quel parallèle faites-vous avec l'actualité camerounaise ?

Vous n'êtes pas sans ignorer que les problèmes de la corruption et des détournements des deniers publics sont la gangrène qui mine la société camerounaise et africaine de l'heure. C'est un problème d'actualité et tous nous savons le combat acharné par exemple que mène l'État du Cameroun pour juguler ces fléaux. Le cinéma étant aussi un moyen de communication, j'ai choisi d'apporter ma part de pierre à l'édifice au travers du film Le Don Involontaire.


Dès lors quelle fonction veut occuper le cinéaste ?

Le cinéaste que je suis appartient à une société. Et chacun dans la société a une partition à jouer. Sans vouloir m'ériger en donneur de leçon, à travers Le Don Involontaire, j'ai présenté les faits tels que vécus quotidiennement dans nos pays africains, dans une comédie caustique, afin que chacun à son niveau en tire les conséquences…


Pour son interprétation, vous faites appel à Charles Nyatte, un vieux comédien qui a quitté les planches depuis une vingtaine d'années, son retour sur le plateau a été facile ?

D'abord, Monsieur Charles Nyatte n'a jamais quitté les planches. Un artiste ne quitte pas l'art. Il peut être à court d'inspiration ou de contrat (en ce qui concerne les comédiens), mais il reste et restera à jamais un artiste. Et pour preuve, le rôle de Akinopoulos a été interprété magistralement par Charles Nyatte, et je crois que personne d'autre ne l'aurait interprété mieux que lui. Est-ce que son retour sur le plateau a été facile, jugez-en vous-même par sa prestation…. ?


Face à la nouvelle vague des comédiens, quel était le climat ?

Dans une production, tous les comédiens ont leur place, pour peu que le rôle aille avec eux.
Il y avait dans le film le rôle d'un sexagénaire et on ne peut pas prendre un jeune acteur pour l'incarner. Alors chacun a sa place dans une production. Pour confier un rôle à un comédien, il y a plusieurs paramètres qui sont pris en compte. Loin donc de penser qu'un autre peut vous chiper votre place… Conclusion, l'ambiance a été globalement détendue, hormis les début qui sont généralement difficile parce que les uns et les autres doivent se familiariser, quand on y ajoute le stress, allez-y savoir… Mais tout a été très vite maîtrisé et nous avons fait le film dans une ambiance conviviale.


Le film a bénéficié d'un soutien technique impressionnant, est-ce l'explication que le budget répondait massivement ?

Bien évidemment que nous avions un bon budget pour un film africain de court métrage (Environ 30 000 000 de francs Cfa), et l'argent étant été mis en place pour faire le film, il fallait justement que cela se ressente dans l'environnement et dans les matériels et techniciens employés sur le plateau…

Vous êtes scénariste, réalisateur, producteur. Est-ce par souci de porter seul le projet ou c'est le système de production en Afrique qui favorise cet état de fait ?

Cela ne peut guère être par souci de porter le projet tout seul, loin de là. Dans Le Don Involontaire, je suis scénariste et réalisateur. Le producteur, qui est une femme, c'est Madame Elisabeth Kounou. Ceci dit, il est vrai que faire des films en Afrique avec le contexte socio-économique qui est le nôtre relève d'une véritable gageure, surtout que le cinéma n'est pas encore une industrie ici. On comprend pourquoi beaucoup de projets qui ne sont pas subventionnés sont gardés dans les placards même s'ils sont très bons, par manque de financement. Le cinéaste en Afrique est donc généralement, de la base de son projet à son aboutissement, voire à la distribution, au four et au moulin. Conséquence, on fait un seul projet tous les cinq ou sept ans. Ce qui est regrettable, parce que le cinéma est affaire d'équipe.


Le film est très engagé sur le plan social. En même temps, vous tentez des styles très propres pour évoquer ces situations. Comment doit-on comprendre ces options pour un créateur.

C'est de l'art. L'art, une chose inexplicable. On le sent et on l'assume.


Le film est sorti en novembre 2007, quelle suite lui est réservée ?

En fait, le film est sorti en avant-Première au Centre Culturel Français de Yaoundé le 06 janvier 2008 et globalement les réactions ont été favorables. En attendant (faute de moyens) la grande campagne publicitaire qui sera faite pour les sorties en salles et dans l'arrière pays du film, je dois avouer que je suis satisfait du travail fait parce que le film est sélectionné en compétition officielle au Festival Vues d'Afrique à Montréal au CANADA qui se déroule du 10 au 20 avril 2008, de même que le film sera présent au Festival de Cannes en mai prochain dans la le pavillon cinémas du Sud, ce qui témoigne d'une carrière internationale du film prometteuse.

Il se murmure que la jeune maison de production VYNAVY Productions que vous représentez est campée sur plusieurs projets en ce moment. Lesquels ?

VYNAVY Productions voudrait se placer en pôle position des maisons de productions cinématographiques au dynamisme avoué au Cameroun. Nous avons des projets pour les mois à venir dont le premier est le tournage de mon prochain Long métrage intitulé ''MUNA NYUE''. Nous allons aussi produire le premier long-métrage de Augustine Fouda provisoirement intitulé ''MARIAMA'', il y a également la co-production du film ''RACINES PERDUES'' produit par Avit Nsongan Mandeng sous le label Bonifilms, et deux courts-métrages de jeunes réalisateurs.

C'est plutôt énorme pour une jeune maison de production, d'où vous viendront les moyens pour réaliser tous ces projets ?

C'est immense et onéreux, c'est vrai. Mais il faut déjà avant tout avoir de la volonté et une bonne dose de folie. Les moyens suivront.


Aujourd'hui, les réalisateurs et producteurs, du moins la jeune génération de cinéastes camerounais travaille davantage en commun. Est-ce la fin de l'aventure personnelle ?

Je dis et redis le cinéma est une affaire d'équipe. Il faut se donner la main si on veut faire de notre cinéma une industrie. On nous a longtemps laissé croire que l'individualisme au cinéma est source de préservation des acquis, mais moi je dis non. C'est absolument faux ! Les organismes de financement ne donnent pas de l'argent à la tête de l'individu, mais on finance les projets bien montés et qui ont un réel potentiel. Nous qui sommes de la nouvelle vague voulons rompre avec l'égoïsme dont nous avons été victimes face à nos aînés. Nous avons pour ambition de concurrencer les grandes nations du cinéma en Afrique comme le Burkina Faso, et ce n'est pas en y allant en rangs isolés que nous le ferons.


Votre prochain film MUNA NYUE sera-t-il toujours une adaptation ?

C'est une écriture originale que le public aura à découvrir. Je peux dire que c'est une histoire de banditisme en zone urbaine.

Propos recueillis par Martial E. Nguea

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