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Cinéma africain : Qui se souvient du MOGPAAFIS ?
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 20/04/2008
Azzedine Mabrouki (Africiné Magazine)
Azzedine Mabrouki (Africiné Magazine)

Petite chronique de ce qui se passait à Mogadiscio. J'y suis allé en tant que jeune reporter pour l'ancienne revue 2 Ecrans.

À Mogadiscio, théâtre de dérives meurtrières impossibles et sans fin, il existait pourtant un festival panafricain de cinéma [Mogadishu Pan-African and Arab Film Symposium / Mogpafis, organisé par la Somali Film Agency, NDLR] dans les années 80.
Avec films, colloques, symposium, comme à Ouaga et Carthage. La Somalie existait alors. C'était l'époque de Syad Barré.
Au Mogpafis, on croisait Lionel Ngakane, Tahar Chériâa, Johnson Traoré, Souleymane Cissé, Brahim Babaï, Ola Balogun et plusieurs autres personnalités du 7° art africain, d'autres aussi de la diaspora américaine, brésilienne.



Pour aller en Somalie, certains parmi nous étaient forcés d'aller à l'aéroport de Rome et d'attendre des heures sinon des jours le vol de la Somalia Airlines, car personne ne pouvait dire quand arrivait et repartait l'unique avion de la compagnie.
À Modagiscio, on logeait à l'hôtel Uruba, au bord de l'océan. Là se déroulaient les projections et les rencontres. La Somalie était passée peu de temps avant de l'ère soviétique à l'ère américaine. Washington avait récupéré la base de Berbéra et inauguré au coeur même de Modagiscio un Centre culturel avec terrain de basket et affiches de propagande collées sur les murs extérieurs.
À l'hôtel Uruba, on éteignait les néons de la salle du premier étage, on tirait les rideaux et on passait les films, sur un écran de poche, qui venaient du Burkina,du Mali, de Tunisie, du Kenya ou du Nigéria... Pas de film somalien dont je me souvienne. Les organisateurs du Mogpafis témoignaient d'une attitude anticonformiste par rapport au pouvoir, c'étaient des artistes somalis qui voulaient célébrer le cinéma africain.

Un jour, suivis des photographes officiels, les invités étaient introduits dans le bureau même de Syad Barré, après une fouille insistante et gênante pour les femmes présentes.
Le président ne savait quoi faire, quoi dire devant nous. Au bout de cinq minutes, il est parti faire sa prière ou peut être téléphoner à sa banque en Suisse...

Comme tant d'autres organisations panafricaines, le Mogpaafis militait pour une coopération sud-sud. Ou plutôt pour des échanges nord-sud,est-ouest et réciproquement dans tous les sens au sein du grand continent. Il y avait à Mogadiscio des délégués de l'Afrique du Nord, Australe, Est et Ouest. Chacun faisait part de ses réflexions et de ses espoirs. Chacun avait l'ambition de faire du cinéma africain un art majeur.
Le dernier jour,il y avait toujours un volumineux rapport de synthèse lu par le regretté Lionel Ngakane. Anglophones, francophones, italophones, arabophones (Egyptiens et Soudanais présents aussi) se faisaient mille promesses. On pouvait rêver.
Au moment du départ, les femmes invitées recevaient toutes des caisses de bananes ! Pour une Algérienne ou une Tunisienne, c'était un cadeau précieux, les bananes étaient rares chez nous à l'époque...
Puis, on partait à l'aéroport et on voyait devant nous un oiseau irréel : l'unique avion de la Somalia Airlines...

Azzedine Mabrouki

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