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Dr Karsten Dümmel : "Les habitants de la RDA ne pouvaient pas lire la vérité sur leur existence…"
entretien avec le Dr Karsten Dümmel, Fondation Konrad Adenauer (Dakar)
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 21/04/2008
La vie des autres
La vie des autres
Wielser (Ulrich Mühe)
Wielser (Ulrich Mühe)
Dreyman (Sebastian Koch) et Christa Maria (Martina Gedeck)
Dreyman (Sebastian Koch) et Christa Maria (Martina Gedeck)
Docteur Karsten DÜMMEL
Docteur Karsten DÜMMEL

Le Représentant-Résident de la Fondation Konrad Adenauer (KAS) à Dakar, le Dr Karsten Dümmel, est un témoin de cette époque sombre de l'ex-RDA ou, pour être plus précis, de la vie des citoyens de cette République répressive. Pendant de longues années, il lui a, lui-même, fallu souffrir la folie d'un régime que rien d'humain - si l'on peut oser le mot - ne pouvait faire plier, puisqu'à la longue tout était bon pour que se maintienne le silence, sorte de "sêve" nourricière de la Stasi et de ses pères.
Il revient sur le film La vie des autres de Florian HENCKEL VON DONNERSMARCK (Allemagne).

Africiné : Dr Dümmel, quelle lecture vous faites de ce film ?
Dr Dümmel :
De ce film, on peut comprendre beaucoup de choses. Ça aide à mieux cerner la réalité de la vie des gens qui ont vécu en ex-RDA, avec les terreurs de la Stasi, et la difficulté à user de la liberté d'expression.

Pendant la période des Socialistes, quels étaient les rapports entre les artistes et le pouvoir ?
Entre 1949 et 1961, la Stasi ne s'intéresse pas vraiment aux intellectuels, aux artistes et aux écrivains. C'est à partir de 1961 que cela a commencé à changer, et de façon extrême à partir de l'année 1968. Pourquoi cette date ? C'est l'année des mouvements d'humeur à Prague, à Paris, à Berlin aussi, et ailleurs avec la grève des étudiants. À partir de cette date, la Stasi a commencé à ficeler un dossier sur chaque écrivain, chaque interprète et chaque journaliste en RDA. On a observé et surveillé les artistes dans ce pays. Et ce, jusqu'à la chute du mur de Berlin.

Quelles en étaient les conséquences ?
Vous avez vu que dans ce film, il est difficile d'user de la liberté d'expression. Dans La vie des autres, il y a un metteur en scène à qui l'on interdit de travailler. Entre la Stasi, les artistes et les écrivains, il y a eu beaucoup de problèmes. Il était difficile pour les créateurs de trouver des éditeurs pour la publication de leurs œuvres portant sur les réalités de la vie en RDA. Il fallait alors cacher les manuscrits, les envoyer en cachette en Allemagne de l'Ouest, en France, aux États-Unis, en Suisse pour pouvoir les éditer. Ce qui veut dire que les habitants de l'ex-RDA ne pouvaient pas lire la vérité sur leur existence contenue dans les livres édités à l'étranger et parlant de la situation de leur pays.

Durant cette période de répression, comment les réalisateurs travaillaient-ils ? Arrivaient-ils à produire des films ? Et si oui, comment s'y prenaient-ils ?
Pendant l'époque de la RDA, il y a eu plusieurs censures. Plus d'une soixantaine de films ont été gardés dans les tiroirs de la Stasi. Cela a duré trente ans. Après la chute du mur de Berlin, on les a récupérés pour les montrer au public.

Comment progresse la création artistique en ex-RDA de l'Est depuis la réunification des deux Allemagnes ?
Il faut dire qu'il n'y a malheureusement pas beaucoup d'activités artistiques du côté de l'ancienne RDA. Là-bas, on ne trouve pas de pièces de théâtre au sujet de la République socialiste. La vie des autres est réalisé par un cinéaste de l'Allemagne de l'Ouest où d'ailleurs l'on trouve beaucoup d'œuvres parlant de cette même question.

Vous-même avez vécu en Allemagne de l'Est et avait été victime de persécution. Pouvez-vous revenir sur cet épisode de votre vie ?
La Stasi m'a observé de 1976 à 1989, à l'Est comme à l'Ouest. J'ai été arrêté quatre fois. Et à la fin, j'ai été libéré grâce aux députés de l'Allemagne de l'Ouest. Ils ont payé une caution pour me libérer. C'est ce qui a fait que j'ai été en Allemagne de l'Ouest 18 mois avant la chute du mur de Berlin. J'ai été condamné à six ans de travaux forcés, et j'avoue que ça a été très difficile. On disait République Démocratique d'Allemagne, mais, en vérité, c'était pour cacher la vérité. Ce n'était pas de la démocratie. Ils ont fondé la Stasi pour garantir l'existence de la RDA, avec plus de 300.000 employés à son service.

Aujourd'hui, que compte faire la Fondation KAS pour véhiculer le message de vérité contenu dans La vie des autres et dans d'autres films du même genre ?
L'une de nos tâches, c'est de renforcer la démocratie dans le monde. Au Sénégal, nous nous battons contre tout ce qui s'oppose à la liberté d'expression en travaillant avec les députés, les politiciens qui sont aux fondements mêmes de la démocratie.

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