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Un cinéma des temps de la mondialisation…
Whatever Lola wants, de Nabil Ayouch (Maroc)
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 27/04/2008
Affiche
Affiche
Nabil Ayouch
Nabil Ayouch
Nabil Ayouch
Nabil Ayouch

Sortie France : 16 avril 2008

Le nouveau film de Nabil Ayouch, Whatever Lola wants, ouvre de nouvelles pratiques au sein d'un paysage cinématographique marocain déjà marqué par la diversité. En termes médiatiques en vogue, on peut dire que c'est un film, du point de vue de son mode de production comme dans sa dimension discursive, qui s'inscrit dans l'ère du temps, celui de la mondialisation. Le film surfe en effet sur des vagues qui traversent les frontières dans un aller-retour occident/orient. Mais ce sont surtout les barrières culturelles qui l'intéressent pour les transcender au bénéfice d'une valeur commune, l'amour; c'est un film à l'image de son héroïne, Lola. Elle trouve toutes les difficultés matérielles à payer son billet New york- Le Caire pour rejoindre un amour en fuite mais ne recule devant rien pour affronter les frontières psychologiques qui se dressent entre les hommes, entre les hommes et les femmes, entre les différences qui font le quotidien de l'humanité. C'est une battante des temps modernes qui choisit une arme inédite, celle de la danse pour parler, aux autres, un langage universel.

Tout commence à New york où nous découvrons Lola dans son univers intime et professionnel. C'est une belle jeune femme de 25 ans, encore indécise sur les choix de sa vie. Elle travaille à la poste comme facteur intérimaire ; son temps libre elle le passe entre les cours de danse orientale et ses rêveries avec son ami Youssef, un Egyptien, gay, qui travaille dans un bar. Les parents de Lola ont été eux aussi des postiers…une perspective peu réjouissante pour cette femme qui rêve d'évasion, de voyage et de prince charmant. Le rêve, il est nourri par le récit que lui fait Youssef du destin d'une danseuse qui a envoûté tout un peuple, Ismahane. Les deux amis passent leur temps à en parler et à visionner des images de cet ailleurs... Le prince charmant, comme dans un joli conte oriental, elle le croise tous les matins, au pied de l'immeuble, à la livraison du courrier. Il s'appelle Zak c'est le coup de foudre. C'est le début d'une idylle qui bute rapidement sur un premier malentendu…culturel. Ismahane, Zak…les cours de danse orientale, c'est l'exotisme à portée de main. Mais Lola est sincère. Quand elle se rend compte de son erreur d'interprétation des signes envoyés par l'autre, elle culpabilise et décide d'aller chercher son amour et l'objet de sa passion. Elle décide de voyager en Egypte, d'aller vers l'autre: la définition même de l'acculturation qui, au sens étymologique, signifie ac/culture : aller à l'autre. La trame du film est ainsi tracée. Toute la trame du film est ainsi tracée.

Lola arrive au Caire. Les premières images sont impressionnantes, c'est un autre monde. Lola va vivre l'expérience inverse de celle de New york. Elle va fonctionner comme une icône exotique. Sa rencontre avec Ismahane va en être le déclic et l'ancienne star de la danse le lui lance au visage: "on t'applaudit, parce que tu est différente, une danseuse blonde". L'objectif de Lola est alors de casser cette image clichée, comme l'objectif du film est de remettre en question les stéréotypes sur les uns et les autres.

Pour ce faire, le récit bouge beaucoup et circule entre les "différentes adresses" comme porté par l'image inaugurale du facteur qui fait lien. C'est la métaphore fondatrice du récit de Ayouch. Lola ne cesse d'être ce lien. Le film s'articule entre deux grandes parties. La première se déroule à New york. Elle est la plus réussie du film, d'un point de vue strictement cinématographique. La seconde est plus didactique. Nous sommes entre deux univers qui font appel à deux traitements presque symétriques. À New york, le film nous parle plus cinéma. Les images sont soignées, chargées de signes puisés dans l'espace de la ville: on y voit beaucoup de ponts, des panneaux de signalisation (il y a un stop prémonitoire derrière Lola et Zak). Cette séquence inaugurale se clôt d'ailleurs par un magnifique plan de Lola qui monte dans un bus qui file vers l'aéroport, la caméra le prend par derrière pour le prendre dans le même axe que le pont de Brooklyn. Nous sommes dans la métaphore du pont. Dès que le récit arrive au Caire, changement de tonalité, les couleurs passent du froid au chaud. La caméra est appelée souvent à franchir des remparts, des murs, des enceintes…un univers d'enfermement. C'est fou combien de portes Lola est appelée à franchir…pour retrouver Ismahane ou finalement pour faire réconcilier Ismahane et son amant…Car cette Lola fonctionne finalement comme une fée des temps modernes et Ayouch la suit : tout ce que Lola veut la caméra de Ayouch le peut. Pour nous faire rêver, et souvent émouvoir.
Par les temps qui courent, c'est une bouffée d'oxygène. Car le cinéma c'est le moment d'une utopie toujours possible.

Mohammed Bakrim

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