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Française, de Souad El Bouhati
Maroc racines carrées
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 19/06/2008
Française 2008
Française 2008
Souad EL BOUHATI
Souad EL BOUHATI
Hafsia HERZI ("Sofia")
Hafsia HERZI ("Sofia")
Cheb, 1991
Cheb, 1991
Rachid BOUCHAREB
Rachid BOUCHAREB
Hexagone, 1994
Hexagone, 1994
Bye-Bye, 1995
Bye-Bye, 1995
Karim DRIDI
Karim DRIDI
Vivre au paradis, 1999
Vivre au paradis, 1999
Bled Number One, 2006
Bled Number One, 2006
Rabah AMEUR-ZAÏMÈCHE
Rabah AMEUR-ZAÏMÈCHE
La Graine et le mulet, 2007
La Graine et le mulet, 2007
Abdellatif KÉCHICHE
Abdellatif KÉCHICHE
Hafsia HERZI ("Sofia")
Hafsia HERZI ("Sofia")

LM Fiction de Souad El Bouhati, France / Maroc, 2008
Sortie France : 28 mai 2008

Il y a longtemps que les cinéastes qui vivent en France et sont issus de l'immigration maghrébine, interpellent leurs racines par des fictions à cheval entre les continents. De Malik Chibane (Hexagone) à Rabah Ameur-Zaïmeche (Bled Number One), en passant par Rachid Bouchareb (Cheb), Karim Dridi (Bye Bye), Bourlem Guerdjou (Vivre au paradis), les réalisateurs se retournent fréquemment vers les valeurs communiquées par leurs parents, en questionnant l'identité des Maghrébins d'aujourd'hui. C'est autour de ce regard introspectif, que se déroule le premier long-métrage de Souad El Bouhati, Française. Un titre indiquant bien l'axe de travail de la cinéaste aux origines marocaines, qui a toujours vécu en France. Elle y a d'ailleurs entièrement planté le décor de son premier court-métrage, Salam, qui accompagnait les préparatifs de départ d'un immigré à la retraite, décidé à regagner son pays d'origine.

Française établit un lien direct entre la France et le Maroc en suivant les émotions et les mouvements de son héroïne, Sofia. La première partie du film se déroule dans la cité de province française où la fillette est née. Tandis que ses parents, venus du Maroc, se sentent exclus, la jeune écolière s'affirme résolument française. Elle se prépare sagement à l'avenir en effectuant de bons devoirs scolaires tout en revendiquant fièrement ses origines marocaines auprès de ses copines. Mais le destin de Sofia bascule à 10 ans, quand ses parents, usés et dépités par la vie en France, repartent brusquement au pays.

Le film prend alors des couleurs chaudes pour s'attacher au sort de Sofia, quelques années plus tard. La famille, revenue travailler à la ferme, semble avoir trouvé un regain d'énergie. Tandis que le père s'active aux champs, secondé par Sofia, la mère s'épanouit dans les préparatifs des repas, tout en orchestrant le mariage de sa fille aînée. Le fils cadet réfrène ses questions en fréquentant l'école. Mais la quiétude familiale est menacée par l'impatience de Sofia qui s'acharne à préparer son bac, pour pouvoir repartir en France quand elle aura 18 ans. Cette aspiration tenace est contrariée par le père qui garde le passeport français, et la mère, échaudée par l'exclusion qu'elle a vécue en France.

La grande question qui agite Sofia est qu'elle ne se trouve pas à sa place dans la société marocaine car elle se sent d'abord française. Forte de cette nationalité acquise à la naissance, elle bouscule ses proches, fonce au milieu des garçons, secoue ses copines de pension pour accélérer le mouvement qui la mènera en France. "Sofia est victime d'un traumatisme d'enfance. Elle a été enlevée, arrachée par une séparation brutale et inexpliquée à son monde", commente Souad El Bouhati. "Le pays d'origine qui lui manque tant n'est pas la France, c'est son Enfance. Française est l'histoire d'une jeune fille en quête d'elle-même qui se réalise. L'enjeu pour elle est de comprendre que l'Enfance est un "pays", qui est une part d'elle-même, et qu'elle devra quitter pour se construire en tant qu'adulte."

La réalisatrice illustre ses réflexions par une histoire étroitement construite, renforcée par un découpage sec et des plans souvent fixes. L'énergie repose sur le jeu nerveux et le corps charnu de Hafsia Herzi, révélation de La Graine et le mulet de Abdellatif Kéchiche. Elle explose littéralement dans le personnage de Sofia qui cherche ses marques entre deux cultures. "Sofia n'est ni française, ni marocaine, elle est les deux", souligne Souad El Bouhati en s'appuyant sur une coproduction franco-marocaine. "Cette double appartenance n'a pas de nom." Son film interpelle pourtant la part "française" de l'héroïne en l'inscrivant résolument dans la société marocaine. La maturité prend alors le sens d'une double inscription dans la société d'où est issue la famille.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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