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Che, de Steven Soderbergh
Retour sur Che : un film mensonger
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 20/06/2008
Steven SODERBERGH
Steven SODERBERGH
Photo du film
Photo du film

Il y a mille raisons de ne pas aimer le dernier film présenté à Cannes par l'Américain Steven Soderbergh consacré à Ernesto Che Guevara, au delà même de sa durée interminable (4h30).
La principale raison, c'est que c'est un faux film, comme on dit un faux en écriture. Tout le travail de Soderbergh est une dangereuse tromperie sur le sujet.
Soderbergh a rayé tout ce qui est le vrai Che Guevara et qui a fait sa célébrité, sa légende. Il a centré sur l'individu en oubliant le côté héroïque. D'abord indiquer, insister lourdement sur la maladie, le handicap de Che Guevara qui était asthmatique comme on le sait.Est-ce un élément fondamental pour expliquer la personnalité du Che ? C'est comme si on évoquait Camus uniquement à travers sa tuberculose ou Sartre pour son oeil droit de travers...

Le vrai Che Guevara n'est pas dans ce film, tout son engagement politique, son dévouement à son pays d'adoption et au reste du monde où la révolution est en cours. Si on n'inscrit pas Che Guevara dans cette réalité internationale historique, économique, sociale, on ne peut rien comprendre à son personnage. Et l'Américain Soderbergh n'a rien compris.
Le parti- pris de Soderbergh est de réduire Che Guevara à un homme ordinaire, à n'importe qui,alors que justement le Che n'était pas n'importe qui. Sinon, il ne serait pas une légende du XX° siècle !

Dans la forme aussi, le film de Soderbergh est tellement pesant, mal fichu que le spectateur lambda (on pense ici au public américain) risque fort de s'y ennuyer souverainement et de déserter la salle.
Un autre parti pris injuste de Soderbergh, c'est la longue et effroyable séquence de la mort de Che Guevara, filmé comme un chien qu'on abat.
On a les larmes aux yeux quand on voit de quelle cruelle manière Soderbergh assassine le Che une seconde fois.
Celui dont Jean-Paul Sartre disait en 1960 :" Che Guevara est l'être humain le plus complet de notre époque ", est ici réduit à rien.

À travers un regard un peu plus bienveillant, Richard Fleischer en 1969, avec Omar Sharif dans le rôle du Che, et Richard Dindo en 1994 dans un documentaire sur Le Journal de Bolivie, ont évoqué la vie du Che de manière différente, plus honnête.
Pas Soderbergh qui a tenté de faire oublier que l'illustre "Commandanté" de la Sierra Maestra a dirigé la Réforme Agraire à Cuba, présidé la Banque Nationale (les billets portaient sa signature), occupé le haut poste de Ministre de l'Industrie. Et pendant ce temps Che Guevara s'employait à casser le verrou, à desserrer l'étau impérialiste autour de Cuba, en créant la Tricontinentale, en lançant son fameux appel pour faire "deux, trois Vietnams !"

Dans le film de Soderbergh il n'y a aucune trace de tout ça. Ni de ses voyages en Chine, au Japon, en Afrique, en Algérie à plusieurs reprises, l'Algérie où il a prononcé son dernier discours public le 24 Février 1965.
Si on enlève tout ça à Che Guevara, personne ne peut comprendre la suite, ni pourquoi il a décidé de tout laisser à la Havane pour partir en Bolivie aux côtés des révolutionnaires qui voulaient renverser le régime pourri de Barrientos.

En 2006, le jour même où il a été élu à la tête de la République de Bolivie, le Président Morales a mis un grand portrait d'Ernesto Che Guevara dans la suite présidentielle du palais de La Paz. Preuve que l'héroisme, le sacrifice, la bravoure du "commandanté" demeurent comme un point d'ancrage très fort pour toute l'Amérique latine. Mais allez demander au pauvre Soderbergh de comprendre tout ça !

Azzedine Mabrouki

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