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Ezra, de Newton Aduaka
La renaissance par la paix intérieure
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 10/07/2008
Newton ADUAKA
Newton ADUAKA
Bassek BA-KOBHIO, directeur du festival Ecrans noirs
Bassek BA-KOBHIO, directeur du festival Ecrans noirs
J.-M. MOLLO OLINGA
J.-M. MOLLO OLINGA

Ezra du Nigérian Newton Aduaka, Etalon de Yennenga au Fespaco 2007, a été projeté en ouverture du 12ème festival Ecrans noirs au palais des Congrès de Yaoundé.

Les films les plus remarquables ne sont-ils pas ceux qui continuent de susciter des interrogations quand bien même ils sont achevés ? Le long métrage de Newton Aduaka, Ezra, obéit incontestablement à cette affirmation interrogative. "Ezra" est-il un film de guerre ou un film d'amour ? Ezra Gelehun est-il coupable des faits qui lui sont reprochés ou est-il innocent ? A-t-il réellement tué ses parents ou non ? Autant d'interrogations qui se bousculent dans la tête du spectateur, sans que le film d'Aduaka se termine à la façon de Jean Renoir, où chacun peut le poursuivre à sa convenance.

Lorsqu'il décerne le Grand prix du Fespaco à Ezra, l'Etalon de Yennenga, le jury l'explique par "son actualité et la pertinence de son propos". Mais, ce film brille aussi par son côté technique, notamment son montage et la manière dont son réalisateur s'approprie le langage cinématographique, pour construire son récit.

Le film s'ouvre sur un plan d'ensemble, où apparaît un paysage presque lunaire coupé par un pont qui donne sur une école. D'emblée, au travers de ces images, le réalisateur nous situe quant au côté descriptif, privilégié dans son œuvre. Une fois à l'école, le spectateur se retrouve en présence du rapt de petits enfants par des forces rebelles. Le réalisateur en isole un, dont on va suivre la mésaventure. Là s'arrête la séquence d'exposition. L'essentiel de la suite du film se déroule dans la tête de Ezra Gelehun, d'où ses très nombreux flash-back, et en un seul lieu, la Haute Cour de Justice, où se tiennent les auditions de la Commission Vérité et Réconciliation. Au sujet de cette Haute Cour, il nous est donné d'admirer l'utilisation de la caméra par rapport à la préhension du cadre, où ce qui apparaît à l'avant est tout aussi important que ce qui est montré au fond.

Par ailleurs, ce n'est pas un hasard si, ici, Newton Aduaka ressert ses plans. Le film bascule dans le psychologique, et explore le subconscient, le passé qu'il faut remonter à la surface, pour la paix intérieure de cet enfant et le repos de l'esprit de ses parents. Les gros plans du président de la Haute Cour, de Ezra, de Ezéchiel et de Naïm interviennent pour l'illustrer. Appelé à témoigner dans ce "processus de guérison", Ezra doit raconter ses maux pour les soulager. Et au fur et à mesure du déroulement du drame qu'il a vécu, celui-ci fait rejaillir une histoire d'amour entre lui et Mariam ? Outre la dénonciation des enlèvements de gamins transformés en enfants soldats sur fond de trafic de diamants, Aduaka ne veut-il pas montrer l'humanité qui subsiste en ces êtres, innocents pris malgré eux dans le piège des adultes ? L'amour convoqué dans ce récit ne participe-t-il pas, heureusement, à la progression dramatique du film ? "La guerre est finie pour moi, je vais aller chercher ma femme", dit Ezra, par exemple, à sa sœur Onitcha. Bien que ne se souvenant pas de bout en bout des faits qu'il lui est demandé de rapporter (l'oubli n'est-il pas une manifestation inconsciente de haine ?), la confession publique de Ezra ne lui a-t-il pas permis de renaître à la vie ? Pour la première fois, on le voit souriant, un jour de Noël. Noël pris dans le sens latin du terme, c'est-à-dire jour de naissance.

Le film de Newton Aduaka semble très proche de Blood Diamond de Edward Zwick par certains côtés, surtout vers la fin. Mais, ceci n'enlève rien à sa qualité, surtout que le réalisateur gratifie le spectateur d'une caméra subjective où, avant d'être extrait de son trou, Ezra amène les spectateurs à vivre avec lui l'atterrissage d'un hélicoptère. Son film, incontestablement, est aussi remarquable techniquement.

J.M.M.O

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