AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Triomf, de Michael Raeburn
L'alternative sud-africaine
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 10/07/2008
Triomf
Triomf
Goodbye Bafana, 2007
Goodbye Bafana, 2007
Rhodesia Countdown, 1969
Rhodesia Countdown, 1969
Jit, 1991
Jit, 1991
Home Sweet Home, 1999
Home Sweet Home, 1999
Michael REABURN
Michael REABURN
Lyndon PLANT, producteur
Lyndon PLANT, producteur
Michel AMARGER
Michel AMARGER

LM Fiction de Michael Raeburn, Afrique du Sud / France, 2008
Sortie Afrique du Sud : 16 juillet 2008

C'est l'une des perles glanées en marge des sélections officielles du Festival de Cannes 2008. Triomf, le nouveau long-métrage de Michael Raeburn, est un des signes les plus vivifiants du cinéma qui peut se faire en Afrique du Sud aujourd'hui. Enfin un film tourné en numérique, résolument fait pour le grand écran ! Avec des images bien construites, des couleurs nuancées, des cadrages singuliers et des acteurs dirigés de main de maître, Triomf est le résultat d'une expérience de production indépendante qui peut régénérer le paysage standardisé du cinéma sud-africain commercial.

En adaptant le roman homonyme de Marlene van Niekerk, écrit comme une chronique, sur les habitants d'un quartier sud-africain, peu avant l'élection de Nelson Mandela, Michael Raeburn sait s'en écarter pour mieux en restituer l'esprit caustique. Il se concentre sur la famille blanche et pittoresque des Benade, qui se débat dans un quotidien sordide et un avenir fumeux. Pop's, le père alcoolique, Mol, la mère déphasée, Lambert, le fils dégénéré, Treppie, l'oncle provocateur douteux… Les personnages principaux sont aussi truculents que touchants. Des comédiens fameux les habitent. Lionel Newton, vu dans Jump the gun de Les Blair, est Treppie. Vanessa Cooke, rompue au théâtre, est Mol. Edwan Van Jaarsveldt, à l'affiche de GoodBye Bafana de Bille August, est Lambert. Et l'oncle met le feu aux poudres quand il décide d'offrir une fille facile pour dépuceler le fils coincé, épileptique, désaxé par son entourage.

Triomf s'égrène alors comme une marche vers l'implosion familiale. La tension est constante, tenue de bout en bout. Autour, les voisins métissés s'agitent. Les Latinos ripostent, les Noirs préparent avec ferveur l'élection de Mandela. La grande Histoire de l'Afrique du Sud sonne comme une caisse de résonance aux péripéties de la famille blanche en crise. Le temps de l'apartheid est fini. L'Afrique du Sud change de visage. Le propos de Michael Raeburn éclate alors avec force. Il ne s'agit pas de dévaloriser les Sud-africains d'aujourd'hui en leur renvoyant l'image de l'animalité qui court dans certaines zones urbaines, mais plutôt de confronter les spectateurs aux troubles de leurs pulsions, de leurs émotions incontrôlées.

Avec ses images corrosives, ses scènes délirantes, Triomf peut piquer comme un électrochoc, le public habitué aux écrans lisses des productions télés ou des fictions commerciales qui tournent dans les salles. En osant Triomf, Michael Raeburn secoue les normes du cinéma usuel de l'Afrique du Sud. Le cinéaste, né au Caire, a déjà bousculé le cinéma du Zimbabwe où il a grandi, avec Rhodesia Countdown, un brûlot de 1969 sur les derniers jeux de la colonisation. On lui doit aussi la première comédie musicale du pays, Jit, en 1990, un succès réjouissant. Après quelques documentaires nomades dont Home sweet home, 1999, il enrichit le cinéma de l'Afrique du Sud avec Triomf. Cette rencontre insolite avec des personnages en rupture, s'éprouve comme un spectacle explosif. Un film décapant pour frisson de cinéma garanti.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés