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Tabataba, de Raymond Rajaonarivelo
Madagascar se rebelle
critique
rédigé par Bineta Diagne
publié le 27/07/2008
Raymond Rajaonarivelo
Raymond Rajaonarivelo
Tabataba, 1988
Tabataba, 1988

En 1947, Madagascar est secouée par une révolte. Ce fut le germe d'une révolution qui, quelques années plus tard, mena à l'indépendance. Comment cette révolte est-elle née ? Comment a-t-elle été perçue ? Tabataba apporte des éléments de réponses à ces questions.

Une forêt verdoyante à perte de vue, des habitations authentiques, des sons tamisés par le calme de la nature... La scène se déroule en 1947, au cœur d'un village traditionnel malgache. C'est dans ce lieu reculé que se fomente la révolte contre le régime colonial. Tabataba nous plonge dans l'obscurité d'une case, où un "étranger" porteur des principes du Mouvement Démocratique de la Rénovation Malgache (MDRM) tient un débat clandestin avec les hommes du village. Quelle voie emprunter pour l'indépendance ? "La lutte armée ?", "le vote démocratique ?". Débordant de fougue, Léhidy, le leader du groupe et ses congénères s'adonnent à la prise de décision. Des divisions naissent au sein du groupe. Au final, Léhidy et les siens optent pour les armes et entrent dans le maquis. Dans Tabataba, Rajaonarivelo dépeint de jeunes révolutionnaires guidés par leurs instincts. Vêtus de culottes courtes et munis de lances, les révolutionnaires s'attaquent spontanément aux cantonnements français. Une bataille perdue d'avance : les maquisards feront à peine le poids face aux fusils des métropolitains.

Les personnages de cette fiction sont pétris de clichés de l'époque coloniale. C'est le cas du représentant des colons qui exagère sa fermeté vis-à-vis des villageois insoumis. Il incarne une France figée sur des principes et des lois et, d'un ton autoritaire, oblige les villageois à voter pour élire les députés à l'Assemblée nationale française. Mais ces ordres n'impressionnent guère ces paysans malgaches, plus préoccupés par la culture du "pavy", interdite par les colons. Rajaonarivelo fait allègrement allusion à l'exploitation des richesses économiques de l'île par la Métropole. Au milieu des villageois, le colon insiste : les paysans doivent cultiver le café, en vue de "l'exporter" vers la métropole et abandonner la culture du "pavy". Derrière cette rivalité entre les colons et les paysans assoiffés d'indépendance, se profile un conflit d'intérêt entre français et américains. Du moins, d'après les rumeurs qui rappellent tout le long du film, que ces villageois peuvent compter sur le soutien des Américains.

Seulement, Tabataba n'approfondit pas cet aspect politique. La vision "innocente" de Solo se substitue à l'idéal politique de son grand frère Léhidy. Car le réalisateur a choisi de montrer la révolte différemment. En se concentrant sur les aventures de Solo, Rajaonarivelo gomme la lutte armée engagée par les maquisards. L'on s'attendait peut-être à suivre le fil directeur des étapes de cette révolte longtemps restée taboue à Madagascar. Cette révolte s'apparente à une rumeur. C'est par exemple, à l'aide de messages accrochés à des arbres ou d'un morceau de papier incéré dans une bouteille flottant sur les eaux du fleuve, que Solo recueille des informations. L'on murmure que son frère est devenu général, grâce au soutien des Américains. Une information confirmée publiquement par le chef de village. L'on raconte aussi que Léhidy et ses amis ont vaincus l'ennemi, que "maintenant Léhidy a des canons"… Pourtant, parmi les armes saisies par les colons et rassemblées dans la cour du village en guise de trophée, ne figurent que des lances. L'essentiel de l'intrigue se focalise sur l'imaginaire de la révolte. Rajaonarivelo indique ainsi la naïveté des révolutionnaires malgaches. Cette absence visuelle des héros du film, lui permet d'idéaliser ces personnages. La fiction montre une jeunesse marquée par ces idéaux, ces modèles révolutionnaires. C'est le cas du jeune Solo, qui aperçoit l'ennemi incendier des villages sur son chemin et donne l'alerte auprès des siens. Seule la grand- mère de Léhidy ne suivra pas ce signal. Elle trône sur un siège impérial et symbolise la résistance passive qui défie l'autorité.

Bineta Diagne

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