AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 373 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Décès du cinéaste égyptien Youssef Chahine
Adieu maître !
critique
rédigé par Mohammed Bakrim
publié le 29/07/2008
Youssef Gabriel CHAHINE (يوسف جبريل شاهين)
Youssef Gabriel CHAHINE (يوسف جبريل شاهين)
Gare centrale, 1958
Gare centrale, 1958
Le Chaos, 2007 (coréalisé avec Khaled Youssef)
Le Chaos, 2007 (coréalisé avec Khaled Youssef)
En 1996, le Festival de Locarno a organisé une rétrospective Chahine
En 1996, le Festival de Locarno a organisé une rétrospective Chahine
En 1997, Chahine reçoit à Cannes le Grand Prix du 50ème anniversaire du Festival pour l'ensemble de son œuvre.
En 1997, Chahine reçoit à Cannes le Grand Prix du 50ème anniversaire du Festival pour l'ensemble de son œuvre.

Le cinéma, la planète cinéphile, les artistes sont en deuil. La mort de Youssef Chahine dimanche dernier à l'âge de 82 ans est, en effet, une immense perte pour l'ensemble des gens qui travaillent dans le cinéma, pour tous ceux en fait qui aiment le cinéma. Tout simplement parce que Youssef Chahine aimait le cinéma… il en a fait sa raison de vivre, le moyen par lequel il s'adressait au monde. Chahine, big Jo pour les intimes, c'est le cinéma jusqu'au bout. Le cinéma comme art, comme expression d'un point de vue, comme communion avec le monde et avec les autres.

Le cinéma chez lui était un choix de vie; et il a vécu - et il est mort - en symbiose avec ce choix qui fut un véritable "destin". Sa biographie est ainsi inséparable de ce désir né très tôt de faire du cinéma comme son cinéma est inséparable de l'évolution de son pays et de son époque. Dans ce sens, on peut dire que Chahine fait partie de ces artistes complets dont le travail artistique est en symbiose avec leur temps. Il est aussi par ses films et son comportement public l'illustration du type même de l'intellectuel qui brasse le local et l'universel dans une parfaite harmonie qui ne manquait pas bien sûr de finir par se confronter au fanatisme et à l'intégrisme de toutes sortes. Ce qu'il détestait d'ailleurs le plus, c'est ce qu'il appelait la "stupidité" qui amenait des gens à s'enfermer dans des schéma dogmatiques, ouvrant la voie à l'exclusion de l'autre. Lui, il était l'incarnation de deux immenses qualités : l'amour de la vie, et le refus des a priori. C'est ce qui nous semble résumer une grande et brillante carrière. Deux qualités portées par une ouverture d'esprit, fidèle en cela au "programme" culturel de la ville qui l'a vu naître, Alexandrie dont le cosmopolitisme, le pluralisme et la diversité culturelle ont constitué son bain idéologique de départ et ont nourri son horizon d'espoir pour une humanité plus humaine.

Cinématographiquement parlant, Chahine a réussi ce pari idéal de faire du cinéma d'auteur ouvert sur le grand public. Même quand, il retournait la caméra vers sa propre biographie, cela a donné des films d'une grande émotion s'adressant au plus grand nombre. Ses récits de vie sont des récits de la vie tout court: amour, passion et dépit. Avec le recul, on peut dire qu'il est l'un des trois ou quatre des plus grands cinéastes que les cent ans du cinéma égyptien ont produit. Il est certainement aussi l'auteur de ce qui peut être le meilleur film égyptien de ces cents ans, à savoir l'inoubliable La terre (1968). Il est également l'auteur du film qui a marqué toute une génération dont la cinéphile était nourrie de choix politiques, ou les choix politiques étaient nourris de cinéphilie, c'est le film Le moineau. Il est encore l'auteur d'un film culte Gare centrale où ses qualité d'acteur égalaient voire transcendaient ses atouts de cinéastes. Nous sommes, en fait en présence d'un riche patrimoine, près de 40 films dont plus de 35 longs métrages à commencer par Papa Amin (1950) jusqu'à l'ultime Chaos (2007). On y trouve des chefs d'œuvre, des films de commande, des films "alimentaires"… mais ce sont toujours "des films de" et non des "films par". Trois constantes traversaient ces films : des textes forts au départ; une mise en scène dynamique et une grande direction d'acteurs. Chahine aimait beaucoup les acteurs et ils le lui rendaient bien. Pour notre bonheur, aujourd'hui suspendu. Adieu cher maître !

Mohammed Bakrim

Films liés
Artistes liés