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Muna Moto, de Jean-Pierre Dikongué Pipa
1/10 - Série : les dix succès du cinéma camerounais
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 20/08/2008
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Muna Moto
Bassek ba KOBHIO
Bassek ba KOBHIO
Jean-Marie MOLLO OLINGA
Jean-Marie MOLLO OLINGA

Sur 10 numéros du quotidien Le jour, nous proposons une série relative aux 10 films camerounais à succès. Il y est question d'anecdotes et de petites histoires ayant émaillé leur tournage. Vous allez certainement vous interroger sur les critères retenus pour sélectionner ces 10 films. De but en blanc, nous vous répondrons qu'ils sont subjectifs. Néanmoins, qu'il vous plaise de savoir que certains journalistes basent leur système d'évaluation sur le total des entrées, d'autres sur le nombre de prix remportés, et les derniers sur la qualité intrinsèque des œuvres produites. Nous avons tenté le pari de prendre en compte tous ces critères. Et si nous ouvrons notre série par Muna Moto de Jean-Pierre Dikongué Pipa, ce n'est guère parce qu'il est le meilleur d'entre eux ; c'est tout simplement parce qu'il faut bien commencer quelque part, bien que ce film fasse partie, aujourd'hui, des œuvres majeures de la cinématographie africaine ; un classique en somme..
J-M.MO.

Première œuvre cinématographique camerounaise à avoir été distinguée sur le plan international, le film de Jean-Pierre Dikongué Pipa a remporté l'Étalon de Yennenga au Fespaco de Ouagadougou en 1976.

Parlant un jour de lui, Bassek Ba Kobhio, un autre cinéaste camerounais, président du festival Ecrans noirs, dira : "C'est un film qu'on doit enseigner dans toutes les écoles de cinéma". Peut-on attendre meilleur compliment de la part d'un collègue ? Il se trouve que Muna Moto ou L'enfant de l'autre force l'admiration, tant par le sujet qu'il développe que du processus utilisé. Pourtant, que de problèmes pour le réaliser !

Lorsqu'il décide de tourner Muna Moto, Dikongué Pipa est confronté au désintérêt de la presse. Celle-ci ne se fait l'écho que des films de Sembène Ousmane. Heureusement, raconte la chef monteuse Andrée Davanture, au ministère français de la Coopération, seul pourvoyeur de fonds du cinéma africain, à l'époque, il y avait un certain René Debrix. Passionné de cinéma et très libre d'esprit, il s'est débrouillé pour trouver les financements nécessaires à la fabrication de Muna Moto. Une fois ces fonds réunis, trois personnes dudit ministère vont, quand même, considérer le film comme "inmontable". À cause d'une panne de magnétophone, dit Davanture, une grande partie du film était sans son et sans parole. Dikongué Pipa, qui avait écrit les dialogues, car c'était un homme de théâtre, les avait à nouveau enregistrés six ou sept mois plus tard. Et tout a été re-synchronisé à la table.

Muna Moto, c'est l'histoire de Ngando et Ndomé, deux jeunes gens de la campagne, qui s'aiment d'amour. Ngando demande Ndomé en mariage, mais il doit d'abord s'acquitter de la dot. Orphelin, ne comptant sur personne, il travaille comme un forçat. Tout au long du film, Dikongué Pipa décrit les sacrifices consentis par le jeune homme pour accumuler cette richesse nécessaire. Il exerce, tour à tour, le métier d'artisan, de pêcheur, de bûcheron. Cependant, ses activités professionnelles ne lui permettent tout juste que de subsister, d'entretenir sa force de travail. Au bout de ses vains efforts, il fait appel à son oncle, Mbongo, déjà marié à trois femmes. Celui-ci les accuse d'ailleurs toutes de stérilité. Animé d'un désir d'héritiers, l'oncle décide alors d'épouser la jeune fille, qui attend pourtant un enfant de Ngando. Désespéré, le jeune homme, le jour de la fête traditionnelle du Ngondo, enlève sa propre fille.

Muna Moto est donc un film qui explore non seulement les fondements traditionnels de la dot, mais aussi du mariage forcé. Et d'après le système matrilinéaire dans lequel se déroule cette fiction, c'est l'oncle maternel qui est habilité à exercer l'autorité juridique sur son neveu. Ce neveu qui hérite de ses biens et lui succède, en cas de disparition. Si Ngando se rapproche de son oncle Mbongo, cela peut apparaître comme une manière de réclamer, par avance, ce qui devrait, tôt ou tard, lui revenir.

Par ailleurs, Dikongué Pipa amène le spectateur à s'interroger sur la conviction et le sens de la parole donnée dans un contexte de l'oralité. Lorsque les deux jeunes amoureux envisagent de se marier, une cérémonie coutumière est organisée. À l'issue de celle-ci, le père de Ndomé accepte le vin d'alliance apporté par la famille de Ngando. Il bénit sa fille, comme pour manifester son acquiescement au mariage. C'est une façon traditionnelle de "fermer l'enclos". Ndomé ne devait donc plus être promise à quelqu'un d'autre.

Étalon de Yennenga, autrement dit, le Grand prix du Festival panafricain de cinéma et de la télévision de Ouagadougou en 1976, Muna Moto, qui a été sous-titré en 25 langues, a aussi remporté le Grand prix Georges Sadoul en 1975. Son réalisateur avouait un jour que c'est ce film qui le fait vivre aujourd'hui. Comme quoi, travail bien fait nourrit son homme.

Jean-Marie Mollo Olinga

Article paru dans le quotidien Le jour (www.lejourquotidien.net)

Fiche technique
Titre : Muna Moto (L'enfant de l'autre)
Film camerounais en noir et blanc
Réalisateur : Jean-Pierre Dikongué Pipa
Année : 1975
Durée : 1 h 30
Acteurs : Gisèle Dikongué Pipa, David Endéné, Arlette Din Bell, Philippe Abia
Langue : français
Genre : drame
Type : fiction
Format : long métrage
Date de sortie : 26 mai 1976
Distinctions : Étalon de Yennenga / 1er Prix Organisation Catholique Internationale du Cinéma, FESPACO 1976, Ouagadougou (Burkina) ; Tanit d'argent, Journées cinématographiques de Carthage 1976 (Tunisie) ; Grand Prix Georges Sadoul 1975 (France) ;. Grand Prix Festival International du Film de l'Ensemble Francophone, Genève 1975 (Suisse) ; Sélection Officielle, Biennale d'Arte Cinematografica, Venise 1975 (Italie).

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