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Mascarades, de Lyes Salem
Lyes Salem réinvente le genre de la Comédie
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 17/10/2008
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
Lyes Salem
Lyes Salem
Lyes Salem, alias Mounir, dans son film Mascarades
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Mascarades, 2008
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Cousines, de Lyes Salem, 2003, César du meilleur court métrage (France)
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Clan Destin, de Lyes Salem, 1999
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Jean Farès, de Lyes Salem, 2001
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Munich, de Steven Spielberg, USA, 2006 (avec Lyes Salem: acteur)
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Mascarades, le long métrage de l'Algérien Lyes Salem, fait bien figure d'une bonne surprise au Festival Euro-Asiatique d'Antalya par ses qualités autant de fond que de forme. Ce long métrage porte bien son titre : il renvoie au genre de drame dans le sillage duquel l'auteur a choisi de s'inscrire et en même temps il annonce le ton de la dérision qui donne au film sa fraîcheur, son réalisme et sa poésie. À la suite de Cousines, le court métrage qui reçût le César du court métrage, Mascarades continue sur la même voie, celle de porter un regard amusé mais profond sur les blocages de la société, qui plus est, vus du point de vue des femmes.

L'histoire en elle-même n'a vraiment pas grand-chose de nouveau. Une histoire d'amour entre deux jeunes algériens brimés pas le contexte du petit village de l'intérieur du pays dans lequel ils vivent. Le conflit qu'ils vivent face à un ensemble de traditions et d'usages. Le scénariste, Lyes Salem lui-même, complexifie un peu plus le drame en présentant l'amant comme l'ami intime de l'aimée. Mais tout cela n'est que pour raconter une énième histoire d'amour.

Le réalisateur se fait fort aussi de donner de la profondeur à son histoire en la dotant d'un arrière plan politique et social. Heythem est l'incarnation même de tous les maux qui rongent la société. Le costume blanc et l'air hautin cache un fond de petit brigand qui vit comme une charogne de la chair des pauvres. Il est aussi la partie émergeante de l'iceberg, sous les eaux on devine un classe politique et militaire qui tient les rênes du pouvoir et qui fait du pays une petite scène où chacun fait son spectacle, comme ces voitures du "Colonel" qui, de temps à autre, occupent la place du village en y faisant des tours et des tours comme pour signifier la main mise sur le sol.

Bien sûr tout ceci est du sérieux. Certes, mais le traitement qu'en fait Salem lui donne encore de la profondeur en même temps qu'une légèreté comique qui impose l'adhésion du spectateur. Il est des moments de comédie de situation qui se présentent comme des signatures. Lorsque Heythem est furieux contre Mounir, il exhorte les villageois contre ce dernier. Dans un moment d'extrême excitation, il le qualifie de pieds-nus. Et la caméra de cadrer les pieds des villageois en plongés dans la poussière. On ne peut s'empêcher de penser à ces politiques qui veulent entraîner les peuples rien que pour les utiliser comme moyen. Lyes Salem semble rappeler que la démagogie a ceci de stupide qu'elle finit par se dévoiler elle-même.

Le ridicule de Mounir construisant le fantasme d'un riche australien demandant la main de sa sœur ou celle de Khlifa criant son amour pour Rym aussi bien que les interventions des personnages âgés qui, contrairement aux attentes, cautionnent la relation amoureuse ; tous sont à mettre sur le compte d'un comique à l'italienne. C'est dans ces moments où les personnages se déchaînent, qu'ils sont les plus vrais.

Il en va de même avec ces scènes de dispute entre les deux amis ou leur course poursuite. Celles-ci sont vues comme des échappées à la tension dramatique. Le spectateur est transporté comme par amusement loin du drame et se laisse aller au plaisir du spectacle. Mais en même temps. À l'égal de ces moments que jouent les morceaux de danse ou de chanson dans les music-halls, des pauses mais en même temps des instants où les âmes des personnages sont mises à nu. Ce sont aussi comme les situations rocambolesques à la Jacques Tati. Le burlesque est là pour que les personnages se découvrent et se comprennent réciproquement.

En fait le style de Lyes Salem aurait ceci d'intéressant qu'il réussit un mariage heureux entre la profondeur du propos ainsi que l'intelligence et la subtilité de la forme. Il revisite les thèmes traités et les entiers battus qu'ont pris beaucoup de cinéastes algériens et maghrébins. La force de Mascarades, en effet, est de dire la même chose, mais de manière différente et surtout plus percutante. En plus le réalisateur choisit de ne pas verser dans le drame social ou psychologique auquel la trame de fonds de son histoire pourrait se prêter très facilement. Il opte pour un choix plus difficile, mais plus riche en trouvailles de mise en scène et de spectacle, celui de la comédie la plus joyeuse et la plus profonde. Bref tout ce qu'il faut pour redonner espoir en une relève du cinéma algérien.

Hassouna Mansouri

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