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Interview avec M. Michel OUEDRAOGO Délégué général du FESPACO, par Bassirou Niang
"Avec l'espace démocratique que nous connaissons, les cinéastes africains assument de plus en plus leurs responsabilités…"
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 09/11/2008
Bassirou Niang
Bassirou Niang
Michel OUEDRAOGO, délégué général du FESPACO
Michel OUEDRAOGO, délégué général du FESPACO
Michel Ouédraogo
Michel Ouédraogo
Sembène Ousmane
Sembène Ousmane

Le Festival du film et de la télévision de Ouagadougou 2009 arborera de nouveaux habits puisqu'il lui faut naturellement aspirer à changer dans un sens meilleur. Ce à quoi son nouveau Délégué général, Monsieur Michel Ouédraogo, travaille depuis sa nomination. Le thème retenu de la prochaine rencontre "Cinéma africain : tourisme et patrimoines culturels", va contribuer à revaloriser les richesses du Burkina-Faso. La rencontre internationale, notons-le, sera aussi orpheline de Sembène, "l'aîné des anciens" à qui d'ailleurs un hommage sera rendu.

Africiné : Depuis votre nomination en tant que Délégué Général du Fespaco, quelles sont les priorités que vous avez identifiées, et quels sont les objectifs que vous vous êtes fixés ?

Michel Ouédraogo : Je crois que la première des priorités, c'est véritablement de travailler à la promotion du cinéma africain en faisant du FESPACO le socle majeur ou encore le creuset central du cinéma africain qui doit s'affirmer de plus en plus sur la scène internationale. La seconde priorité se veut institutionnelle et va dans le sens d'une plus grande visibilité du FESPACO en tant qu'institution. Il s'agit de travailler à faire du FESPACO une institution forte, qui puisse représenter l'identité africaine. Enfin, c'est aussi œuvrer à internationaliser le FESPACO pour que notre action puisse s'inscrire dans l'universel.

Le Fespaco vivra sa 21ème édition dans moins de six mois. Où en êtes-vous avec les préparatifs ?
En fait, il faut faire la part des choses entre l'organisation de la biennale et la question même de la refondation, même si l'un n'exclut pas l'autre. En effet, une telle refondation implique nécessairement celle de l'organisation. Cependant, l'objectif que nous nous sommes assignés, c'est d'apporter à l'étape des préparatifs des modifications et des retouches qui tiennent compte des observations qui nous sont faîtes. Sinon, il faut préciser que l'axe majeur de notre action va se dégager dans un document cadre que nous avons baptisé "Vision 21 : répondre aux défis du 21è siècle". Dès lors, nous travaillons dans ce sens si bien que plusieurs aspects de cette vision vont se ressentir lors de la 21è édition du FESPACO.

Devrait-on s'attendre à des innovations pour l'édition prochaine ?
C'est vrai qu'il y a des innovations en perspectives. Mais il est pour nous trop tôt pour en parler dans la mesure où nous sommes en concertation pour dégager un consensus autour de ces innovations. Disons que le FESPACO est une institution ouverte ; aussi pensons-nous que les innovations ne sauraient se faire de façon unilatérale. Le FESPACO appartient aux Africains. Il est donc souhaitable qu'il puisse gagner le sceau de l'ensemble du monde des cinéastes africains, des autorités burkinabès et combler les différentes attentes des uns et des autres.

Quel sera le thème du prochain festival ? Et pourquoi un tel thème ?
Le thème choisi est "Cinéma africain : tourisme et patrimoines culturels". Il s'agira pour nous de cerner l'interaction entre cinéma, tourisme et patrimoines culturels. Autrement dit, c'est tout un questionnement sur l'apport du cinéma visant à valoriser le tourisme et les patrimoines qui sont en amont un vivier pour le cinéma africain. Aujourd'hui, le tourisme est une industrie forte, une industrie de service et il existe des pays qui ne vivent que par le tourisme. Nous pensons que le cinéma africain peut apporter une valeur ajoutée à ce secteur en faisant de l'Afrique une destination riche et diversifiée par sa culture. En retour, notre tourisme et nos patrimoines culturels sont des richesses sur lesquelles notre cinéma peut s'appuyer pour devenir une véritable industrie cinématographique.

En tant que Délégué Général, vous avez assisté en juin dernier à Dakar à un hommage à Sembène Ousmane, "l'aîné des anciens", et l'on sait que le Fespaco 2009 sera orphelin de ce cinéaste de grande envergure. Est-il prévu quelque chose en sa mémoire lors de cette 21ème édition ?
Pour l'hommage de Sembène Ousmane, il existe deux paramètres : il y a le paramètre que le FESPACO va prendre en charge en tant qu'institution et il y a le paramètre national parce que les autorités burkinabè veulent effectivement, à l'instar de ce qu'ont fait les autorités sénégalaises, prouver leur reconnaissance et leur gratitude à Sembène.
Pour le FESPACO, disons que la libation que Sembène a imaginé et inventé pour rendre hommage à ceux qui l'ont devancé dans l'au-delà, sera, je pense, une cérémonie qui va l'immortaliser davantage et rendre encore plus forte son image.
Nous envisageons l'érection d'une effigie grandeur nature que nous allons disposer à la place ou la rue qui lui sera réservée au Burkina-Faso pour montrer son attachement au FESPACO. Nous aurons par ailleurs des conférences autour de son œuvre cinématographique et littéraire ainsi qu'une rétrospective des films du cinéaste. Nous avons donc le soutien des autorités burkinabèes sans oublier la disponibilité de plusieurs associations nationales et internationales qui comptent s'associer à tout ce que nous prévoyons pour rendre un hommage africain au prestigieux cinéaste que fut Sembène Ousmane.

En portant un regard sur la production cinématographique de ces dernières années, pensez-vous que l'Afrique commence à produire son propre cinéma ? Un cinéma qui parle de ses réalités propres…
Si l'on analyse les productions cinématographiques africaines, il faut reconnaître que la production est à 90% tournée vers les réalités africaines. A un moment donné les réalisateurs traitaient des questions périphériques et non centrales ; de plus en plus les questions sur la gouvernance sont traitées. Par exemple Ezra, l'Etalon de Yennenga 2007, parle de conflits en Afrique alors qu'il n'y a pas longtemps encore, personne ne s'y aventurait. Avec l'espace démocratique que nous connaissons les cinéastes africains assument de plus en plus leurs responsabilités et permettent à l'Afrique de comprendre ses réalités à travers le cinéma. Les cinéastes ont donc compris que les Africains veulent voir leur propre image. Cela constitue un plus qui nous motive en tant que promoteur, pour ramener les Africains vers un plus grand intérêt pour le cinéma africain.

D'habitude, qui sont vos partenaires et quelle est la nature du soutien qu'ils vous apportent ?
Nous voulons un partenariat ouvert, institutionnel aussi bien avec les Etats qu'avec les organisations internationales. Mais il y a celui que nous avons avec le privé, les médias notamment. Nous pensons à TV5, CFI, Canal+ Horizons et RFI. Dans ce sens, nous allons élargir le partenariat existant. De plus en plus nous pensons pouvoir impliquer certaines industries qui sont des labels internationaux en Afrique et partout dans le monde. Il va sans dire qu'aujourd'hui le FESPACO travaille à ce qu'il y ait un partenariat diversifié. À ce jour, nous sommes très satisfaits du partenariat institutionnel que nous entretenons avec le Burkina-Faso, la France, l'Union européenne, la Chine, la Belgique, le Canada, l'Allemagne, la Hollande, l'OIF, l'Unesco, Uemoa... En ce sens, il ne faut jamais oublier la dimension africaine de la manifestation qui gagne en visibilité grâce à tous ces partenaires. En retour, le FESPACO vise le renforcement de ce partenariat afin d'assurer son autonomie financière.

Peut-on avoir une idée du budget du Fespaco ?
Le sujet est plus ou moins prématuré, à mon sens. Toutefois, cette manifestation se préparant depuis de longues dates, il y a donc des esquisses du budget. Mais en la matière nous restons toujours prudents. Car il y a bien entendu ce que nous souhaitons et ce que nous pouvons mobiliser. Ce qui est sûr, c'est qu'il est difficile au FESPACO de boucler son budget à 100% sur les différentes éditions. Il est donc mieux qu'on travaille à arrêter le cadre formel de tout ce que nous envisageons pour la 21è édition afin de donner par la suite un budget qui se rapproche de la réalité.

Comment voyez-vous le cinéma africain de demain ?
Le cinéma africain de demain, ce sera une industrie cinématographique florissante. Aujourd'hui, il y a des jalons qui indiquent qu'autant les USA sont passés par cette étape, autant l'Inde est devenue une véritable industrie cinématographique. En Afrique, le Nigeria nous donne déjà l'exemple d'une industrie cinématographique, même si celle-ci est pour le moment embryonnaire. L'Afrique du Sud, le Maroc, l'Égypte constituent des locomotives et des pays d'Afrique francophone emboîtent le pas. Le Burkina enregistre plusieurs structures de production ; elles attendent d'être financièrement accompagnées pour que nous puissions décoller. Les efforts mis bout à bout doivent être renforcés pour que cette industrie cinématographique souhaitée soit une réalité et que le cinéma africain puisse véritablement s'épanouir.
Je pense que l'Afrique ne va pas rester en retard, qu'elle va avancer et rentrer dans une production cinématographique qui sera à l'image du cinéma universel ; techniquement et qualitativement. C'est donc un défi que l'Afrique doit relever.

Propos recueillis à Ouagadougou par
Bassirou NIANG

Article paru dans Émergence Plus (Dakar) N°6, Octobre-Novembre 2008

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