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Sorcière, la vie ! de Monique Phoba
Un procès des angoisses existentielles
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 18/11/2008
Fortuné Bationo
Fortuné Bationo
Monique Phoba et un témoin
Monique Phoba et un témoin

La 25ème édition du Festival international du film francophone de Tübingen (Allemagne) a abrité la projection du documentaire Sorcière, la vie ! de Monique Phoba. Ce documentaire braque un regard nouveau sur le drame de la sorcellerie.

Certains retours aux sources ont toute la détente d'un examen minutieux de certains dossiers. Le documentaire de 52 mn Sorcière, la vie ! s'insère dans cette veine, en scrutant autrement l'épineux sujet de la sorcellerie. Partie en République démocratique du Congo à la rencontre de ses origines, Monique Phoba, qui a grandi en Belgique, est très vite rattrapée par cette croyance qui la tenaille. Son "je" de quête identitaire prend alors les traits d'un jeu dans le labyrinthe des sorciers pour, à défaut de les attraper, au moins percer leur sombre légende, à travers une suite de témoignages.

Si son voyage a pris ce virage, c'est bien parce que Monique Phoba a essuyé depuis longtemps une armée de mises en gardes de la part de sa famille, héritage d'autant plus redoutable qu'il élève autour de soi des barbelés contre d'invisibles ennemis. Veiller à ouvrir soi-même sa bouteille de boisson entre amis, se méfier d'un tel dont la jalousie peut dégénérer en actes de sorcellerie, le catalogue de la prudence est bien là, qu'il faut réviser dans son rapport aux autres. Armée de sa caméra, la réalisatrice n'est pas au bout de ses surprises : l'ex docteur Dieka, aujourd'hui chef coutumier, ami de sa grand- mère, a été accusé de sorcellerie. Un enfant aussi témoigne des pressions subies pour lui arracher l'impensable : avouer qu'il est au service du mal. Sa voix est encore habitée par des larmes qui ne s'arrêteront sans doute jamais…

Sans complexe, ce documentaire aborde sous un angle neuf une vieille question. Avec son lot de drames. Aucune scène ne restitue les conséquences de cette croyance, mais le climat du film reste tourné vers cette tension bien palpable. Mais ce film est aussi le procès des Églises-boutiques qui pullulent au Congo, sous la direction d'obscurs pasteurs armant l'ignorance de leurs fidèles. La fille qui témoigne a en effet eu beaucoup de chance ; car d'autres enfants sont morts pour n'avoir supporté les pseudo-désenvoûtements. Les angoisses pourraient très bien être, d'après le film, le sol fertile à ce déchaînement de l'absurde. Le débat est lancé, la réalisatrice du film ne cache pas son parti : " Diabolisés à nos yeux, nous avançons sur les chemins du monde sans guide et sans repère."

Fortuné Bationo

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