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La part du cinéma dans l'enseignement
Pistes pour un débat
critique
rédigé par Ikbal Zalila
publié le 05/12/2008

Le cinéma en tant que champs de connaissances jouit de traditions solidement installées dans l'université tunisienne. C'est grâce au travail inlassable d'universitaires cinéphiles tels que Hédi Khélil et Tahar Chikhaoui, tous les deux françisants, que le cinéma a pu conquérir ses lettres de noblesse aux yeux des universitaires en Tunisie. On ne compte plus aujourd'hui les séminaires consacrés au cinéma aussi bien dans les départements de français, que dans les écoles de beaux-arts ou dans les écoles de cinéma.

S'il semble qu'il y ait un accord tacite entre enseignants sur le contenu du savoir à transmettre lorsque le cinéma est abordé en tant que discipline connexe dans l'université, la situation est sensiblement différente pour les écoles de cinéma. Une école de cinéma a pour vocation de former aux métiers du cinéma donc théoriquement de consacrer la majeure partie de ses enseignements à des ateliers de spécialités censés inculquer aux étudiants les compétences techniques indispensables à l'exercice de leur métier. S'agissant d'écoles supérieures, il est indispensable d'accompagner l'acquisition de ce savoir-faire technique par des enseignements théoriques articulés autour de l'histoire, de l'analyse de film et de l'esthétique du cinéma. La première question qui se pose à ce niveau est relative à la part de ces enseignements théoriques dans l'ensemble de la filière. La seconde porte sur le type de questionnements qui doit guider ces cours au regard de la spécificité de la formation dispensée dans ces écoles.
La légitimité de ces cours est indiscutable si on ne veut pas faire de ces écoles de simples centres de formation professionnelle. Évidence qui ne va pas de soi pour certains professionnels enseignants dont le culte pour la technique est quasi -obsessionnel.
Le cinéma est aussi un art qui a son langage, son histoire, son esthétique, la technique cinématographique est purement instrumentale. Il serait illusoire de prétendre former aux métiers du cinéma en faisant l'impasse sur ce qui a constitué le cinéma en art, technique et industrie. Plus, existe la conception actuelle des deux écoles publiques d'enseignement supérieur, en fait des structures bâtardes, entre les écoles de cinéma à l'instar de ce qui se fait en Europe et les filières des études cinématographiques telles qu'elles se sont constituées dans les universités françaises et dont la vocation est plus théorique. Il y a un compromis à la tunisienne source de tous les malentendus entre universitaires et professionnels opérant dans ces écoles.

Il nous semble qu'un des moyens de dépasser de ce clivage réside en une meilleure communication entre enseignements artistiques et enseignements techniques. Du côté des techniciens du cinéma il est indispensable de se départir de cette suspicion contre tout ce qui a trait à la théorisation, du côté artistique, il s'agit de trouver le juste équilibre entre l'ambition (légitime) de faire des étudiants autre chose que des presse boutons et la nécessité de calibrer les cours en prenant en considération le niveau des apprenants et la spécificité de la formation. Ceci est d'autant plus vrai qu'il est incontestable qu'aujourd'hui, la connaissance du cinéma par les jeunes est en nette régression du fait de l'agonie des salles de cinéma, du rétrécissement de l'audience des ciné-clubs ou des cinéastes amateurs. Il serait illusoire et anti-pédagogique de commencer par aborder le cinéma par ce qui le constitue en champ de connaissances à savoir ses théories, de surcroît si on s'adresse à des étudiants qui savent à peine ce qu'est un film. L'esthétique, l'histoire et l'analyse de film doivent toutes tendre vers l'objectif d'inculquer avant tout l'amour du cinéma. Cette transmission n'est pas exclusive d'un souci de définition des prémisses méthodologiques et conceptuelles.

Une démarche qui doit prendre en considération dans son déploiement ses destinataires : les étudiants de cinéma. Cette démarche doit par ailleurs penser son articulation avec les enseignements techniques censée fonctionner de concert. Si on prend l'exemple de la formation à l'image à titre d'exemple, la contribution des cours d'analyse et d'histoire est de nature à faire prendre conscience aux étudiants de la richesse du pouvoir d'expression d'un plan de par l'hétérogénéité des matériaux qu'il utilise et agence en une constellation signifiante, que le cadre est une vision du monde enracinée dans une histoire et une culture, que la beauté d'un plan n'est pas réductible à sa plastique mais se fonde aussi et surtout sur sa capacité à faire sens par rapport à la totalité constituée par le film.

Ces pistes méritent d'être creusées si on veut rompre avec les préjugés qui inhibent toute communication entre les tenants d'une vision technicienne de l'enseignement du cinéma et les défenseurs de la primauté de démarches d'inspiration artistique.

Ikbel Zalila

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