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Mascarades
L'Algérie en comédie
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 06/12/2008
Michel Amarger
Michel Amarger
Lyes Salem
Lyes Salem

LM Fiction de Lyes Salem, France / Algérie, 2008
Sortie France : 10 décembre 2008

Voilà un film qui arrive à point pour décrisper. Et rappeler que le cinéma algérien a le sens de la dérision. Cela a donné quelques films cultes dans les années 70, comme Les Vacances de l'Inspecteur Tahar de Moussa Haddad, tandis que les comédies italiennes de Dino Risi ou Ettore Scola faisaient recette. Ces références ont pu inspirer Lyes Salem qui reconnaît : "Je n'ai pas appris à faire du cinéma, les films que j'ai aimés ont été mon école." Formé comme acteur en France où il réside depuis l'âge de 15 ans, ce fils d'Alger s'est signalé par deux courts-métrages, Jean-Farès, 2001, et Cousines, lauréat d'un César en 2005, remarqué partout. Il y compose un émigré, en vacances à Alger, au milieu de jeunes filles opprimées mais énergiques. "Cousines traitait en effet de cette mal-assurance des hommes qui rend la vie des femmes si compliquée", rappelle le cinéaste qui enfonce le clou avec Mascarades.

Mounir est un villageois un peu hâbleur, joué par Salem moustachu. Son désir d'être respecté est plombé par la maladie de sa sœur, Rym, qui s'endort fréquemment en amusant le village. Khliffa, le copain de Mounir, qui voudrait ouvrir un vidéo club, fait la cour à Rym sans oser le dire à Mounir. Et quand ce dernier, un soir qu'il a trop bu, déclare que Rym va épouser un riche étranger, les quiproquos s'enchaînent. Mounir s'efforce de donner corps à sa parole, entraînant sa famille dans un mensonge que Rym ne veut pas dénoncer pour pousser Khliffa à se déclarer. Derrière, le village propulse Mounir au rang de nouveau riche potentiel. Et comme il y prend goût, il ne sait pas reculer.

"Je voulais que l'endroit soit un peu étriqué, que tout le monde s'y épie, qu'aucun geste ne soit possible sans provoquer le qu'en-dira-t-on", commente Lyes Salem, habile à cerner l'ambiance du village algérien. "J'ai cherché, en tout cas, à trouver un équilibre entre une représentation réaliste et une histoire improbable." Alors Mascarades épingle les mesquineries de la société algérienne. "Dans un pays dominé par la confusion, la rumeur et l'illusion sont reines : il y aura toujours des gens pour raconter des histoires, qui s'arrogeront par là un certain pouvoir ; et des gens pour avoir envie d'y croire", observe le réalisateur qui emploie avec pertinence le langage du cinéma pour distraire.

En se faufilant entre les thèmes actuels qui marquent les dernières productions algériennes, de la présence intégriste au désir de partir, Lyes Salem resserre le cadre sur des personnages encerclés par les problèmes du quotidien et de la tradition, dont les sursauts pour s'en sortir rebondissent sur l'affirmation de soi. "Il y a des Algériens qui rêvent leur vie en Algérie, qui voudraient juste que ce soit un peu plus simple. Pour eux, voyager n'est pas émigrer, ça devrait être aussi pouvoir partir en vacances, dans un pays dont beaucoup ont oublié la splendeur", souligne Salem.

Produit à 20 % par l'Algérie, dialogué en arabe, Mascarades tire parti de la lumière des Aurès où il a été mis en scène, et de l'implication des figurants locaux. Aux côtés de Lyes Salem, convaincant dans le rôle du bluffeur dépassé, s'imposent de jeunes acteurs de télévision, Sarah Reguieg (Rym) et Mohamed Bouchaïb (Khliffa). Ils contribuent à bousculer les questions qui touchent la jeunesse comme l'amour avant le mariage, la vie en couple choisi, la relation à la famille. Lyes Salem profite de sa double culture pour décomplexer le cinéma algérien. "Il s'agit aussi, à travers ce film, de montrer autre chose de l'Algérie", précise-t-il. "J'ai voulu faire un film qui ne donne aucune prise à la victimisation." Message reçu par les spectateurs, réjouis de voir leurs travers démasqués par une comédie bienvenue.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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