D'avoir eu l'honneur d'assister aux dernières heures de Sembene Ousmane, de savoir le privilège qu'il a eu de conduire a la morgue sa dépouille, mais davantage, connaissant l'érudition de cet enseignant de littérature devenu, par un merveilleux coup du sort, compagnon de lettres du "vieux sage", le comité d'organisation du Fespaco 2009 ne s'est pas trompé de sujet, en proposant au professeur Maguèye Kassé, de présenter l'exposé hommage à cet illustre fils d'Afrique, à qui la communauté des cinéastes d'Afrique a tenu à rendre un hommage appuyé. La salle de conférence baptisée en son nom ce dimanche 1er mars 2009, en l'enceinte même de l'Indépendance hôtel Azalai, nouvellement restauré et dont l'inauguration prochaine est prévue ce jeudi 05 mars, s'est emplie d'un parterre bigarré de personnalités, journalistes et autres comédiens ayant été ou non sous la férule du héros posthume du jour, ainsi que d'un public de curieux, tous venus rendre hommage à celui que l'on considère comme un des "pères fondateurs" du Fespaco.
Selon le professeur Maguèye Kassé, "l'esthétique cinématographique de Sembène Ousmane a passablement emprunté au passé d'ouvrier immigré, de syndicaliste presque marxisant, de peintre amateur, de récupérateur de son auteur, mais surtout, à sa vision particulière de cet art qu'il a aimé jusqu'a la fin de son séjour terrestre". Pluridisciplinaire, indistinctement écrivain et cinéaste, auteur de plus de dix romans et nouvelles, ayant porté la plupart de ses œuvres littéraires à l'écran, Sembène Ousmane aura été, de l'avis autorisée du professeur Maguèye Kassé, un combattant permanent de la dignité humaine, un précurseur de la modernité et partant, de l'émancipation de la femme, une révolte constante contre l'establishment politico administratif, un orfèvre patient de cette union africaine qui a échappé aux politiques. Alors même que ses pairs avaient choisi de devenir ministre ou dans une moindre mesure agents du service public, Sembene Ousmane s'est muni de sa caméra pour décoloniser l'image africaine, molestée qu'elle l'était jusque-là par les réalisateurs d'ailleurs et fait tourner des acteurs de tous les pays africains, autres que son Sénégal natal.
Des témoignages les uns aussi éloquents qu'émouvants vont se succéder. Baba Diop, critique sénégalais, regrette que l'obsession refoulée de son compatriote Sembene, à savoir le tournage de Samory Touré, ne se soit pas réalisée de son vivant. Sijiri (Sidiki) Bakaba, l'un des meilleurs comédiens du continent encore en activité, a confessé avoir appris aux cotés du maître que "le travail du comédien commence la où le texte du scénario s'arrête". Gustave Sorgho, le président de l'association des comédiens du Burkina Faso pleurera éternellement ce père fouettard, qui "en demandait plus qu'il n'en fallait à ses comédiens". Mais en même temps, il reconnaîtra tous les bienfaits de cette tutelle qui a contribué à façonner le "bon" comédien qu'il est devenu plus tard.
Sembène Ousmane est mort en 2008, mais son image planera éternellement sur le Fespaco, notamment dans cette chambre numéro 1 de l'hôtel Indépendance Azalaï ou le vieux aimait prendre ses quartiers à Ouagadougou. Mais aussi dans cette salle de conférence qui porte son nom pour l'éternité.
Jacques Bessala Manga
Cinepress, Cameroun