AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 002 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Fantan Fanga d'Adama Drabo (Mali)
Un peuple relégué à la marge
critique
rédigé par Sid-Lamine Salouka
publié le 01/04/2009
Adama Drabo et Ladji Diakité
Adama Drabo et Ladji Diakité

Les veilles d'élections sont marquées, dans maintes capitales africaines, par la découverte de cadavres mutilés auxquels on a prélevé qui le sexe, qui la langue ou encore la tête pour, semble-t-il, des messes noires censées garantir le succès à tel ou tel candidat.

Cette collusion entre pouvoir (politique en l'occurrence) et les forces occultes est un thème récurrent du cinéma populaire nigérian qui le traite dans une vision d'évangélisation. La démarche d'Adama Drabo et de Ladji Diakité est plutôt celle d'un polar au ton politique nettement marqué.

Dès les premières scènes qui surviennent après une vision nocturne de Bamako, le spectateur est prévenu que, s'il y a une parenté entre Taafé Fanga (dernier long métrage d'Adama Drabo, une satire sociale aux accents de mythologie et qui traite du "pouvoir des femmes"), Fantan Fanga lui, s'inscrit dans la réalité contemporaine d'un Mali faisant douloureusement son apprentissage de la démocratie.

L'histoire est celle de Fafa (Souleymane Diakité), jeune metteur en scène du théâtre des sans voix à travers lequel des handicapés tentent de prouver leur utilité dans la construction de la nation. Il s'agit d'une agitation politique de type citoyen encouragée par Daouda, le directeur de publication d'un journal local "Le Patriote". Alors que des échéances politiques majeures s'annoncent, Lassine, un albinos ami de Fafa, est assassiné par deux inconnus qui ôtent la tête. S'ensuit une enquête policière menée par une jeune inspectrice stagiaire dont la coupe de cheveux à la garçonne annonce la détermination d'une femme qui rejette les seconds rôles que la société lui destine. Doussou (Djénébou Koné) parviendra ainsi, malgré les entraves d'une bureaucratie où le respect dû à l'âge est parfois un handicap, et surtout malgré les manigances d'un supérieur, le commissaire Douga (Belco Diallo), à retrouver les assassins de Lassine.

Le film se situe dans la tradition du cinéma militant malien qui fait de l'image un moyen de conscientisation politique tel qu'on le voit chez Souleymane Cissé ou Cheik Oumar Sissoko. Mais il tente surtout de faire la jonction entre le passé de l'Afrique et son présent, le futur ne pouvant se construire que grâce à des personnes conscientes de leur histoire. C'est ainsi que Fafa et Dousou sont aidés dans leur quête par le maître-chasseur Djineblen, oncle de Lassine, qui contribue à la progression de l'enquête par son apport mystique. Le processus démocratique actuel est ainsi lié à la charte du Mandé, prononcée sous l'empereur Soundjata Kéïta au 13ème siècle et qui, dès cette époque, garantissait l'essentiel des droits humains aux citoyens du Mandingue.

Drabo et Diakité refusent que les connaissances ésotériques traditionnelles alliées à l'islam, servent de tremplin à ceux qui ont trahi ce serment fondamental (Les Natan Kolon) pour exercer un pouvoir despotique et avide.

Ainsi, alors que les films de Nollywood donnent dans le prêche chrétien, les deux réalisateurs maliens fléchissent l'histoire vers le mythe révolutionnaire où le peuple exerce (ou exercera) le pouvoir dans la transparence. On peut leur reprocher de tomber dans la facilité des clichés maintes et maintes fois remis au goût du jour. De même, on peut regretter que Fantan Fanga n'ait pas la fraîcheur des images de Taafe Fanga ou de Ta Donna, mais on reconnaitra à ce film son approche intéressante d'un thème alors que la démarche nigériane commence à lasser. Surtout, à ce stade de pessimisme généralisé, n'est-il pas salvateur d'introduire du rêve et une vision historique dans le quotidien d'un peuple tellement relégué à la

Sid-Lamine SALOUKA

Article paru dans le Bulletin Africiné n°10 (Ouagadougou), du jeudi 05 mars 2009, durant le Fespaco 2009.
Bulletin publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar), avec le soutien du ministère burkinabè de la Culture, du Tourisme et de la Communication, du Fespaco, de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, Paris), du Ministère français des Affaires Etrangères, du Centro Orientamento Educativo (COE, Milan) et du Rurart (Poitou Charentes, France)

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés