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Waramutsého !, de Auguste Bernard Kouemo Yanghu
Une vérité si pesante
critique
rédigé par Jacques Bessala Manga
publié le 07/04/2009
Jacques Bessala Manga
Jacques Bessala Manga
Bernard Auguste Kouemo Yanghu
Bernard Auguste Kouemo Yanghu

Le jeune réalisateur camerounais a commis un court métrage pour participer à la séance d'exorcisme collective sur le génocide des Tutsis du Rwanda.

Le génocide des Tutsis de 1994 cessera-t-il un jour d'inspirer les réalisateurs ? Pas certain. Le court métrage Waramutsého !, largement inspiré du drame qu'a connu le Rwanda durant cette année damnée, met en scène deux étudiants, Kabera et Uwamungu, qui partagent les douleurs et les maigres joies de leur expatriation en France. Tout se passe pour le mieux, jusqu'au jour où Kabera apprendra par téléphone, que son frère et son cousin restés au Rwanda, ont participé au massacre de la famille de Uwamungu. Le petit univers des deux amis va traverser une grave crise. Kabera portera lourdement le remords de ce crime qu'il n'a pourtant pas commis. Mais comment l'annoncer à son ami, vu les circonstances graves de cette situation ? Lorsque Uwamungu va finalement être informé du secret que lui cache son ami Kabera, une violente dispute va éclater entre eux, jusqu'à la limite extrême de la revanche. Heureusement, la force de leur amitié, surtout le pouvoir de l'humanisme dont Uwamungu se fait le chantre, chrétien convaincu qu'il est, va avoir raison des instincts de haine.

Bernard Kouémo, résidant actuellement à Toulouse en France où il est étudie le cinéma, entre de plain-pied avec ce court métrage de fiction, généreusement agrémenté d'archives des atrocités du génocide rwandais, dans l'univers du drame psychologique. Pendant toutes les vingt et une minutes que dure le film, la tension est soutenue à l'extrême. Les deux principaux protagonistes jouent à la perfection leur rôle, dans la stricte naïveté de leur adolescence agressée par une histoire dramatique à laquelle ils sont de simples témoins impuissants. Sobre dans sa construction, le film se contente d'une variété très sélective des plans et des décors, qui oscillent entre l'étroitesse de l'appartement des acteurs, les ateliers d'usine où l'un et l'autre exercent de petits boulots et l'amphithéâtre de leur université. Le grand espace du stade d'entraînement, qui seul permet les rare panoramiques du film, ouvre et clôture le film, comme pour exprimer le désir de liberté de deux êtres qui doivent exorciser leur douleur en mettant toute leur énergie dans le sport.

Si le film pêche par les défauts de la plupart des premières œuvres, notamment avec une synchronisation sonore à améliorer, des dialogues assez simplistes et un éclairage assez moyen, il est néanmoins à créditer d'une logique politiquement correcte. L'auteur ne condamne pas. Il propose une grille de lecture personnalisée au spectateur. En cela, il fait œuvre de cinéma, parce ce qu'il réussit à toucher les émotions du public en un temps assez contraignant. Face à la question de la fin: "Pourquoi ne m'as-tu rien dit ?". Le silence de Kabéra est plus éloquent que toutes les justifications du monde.

Jacques Bessala Manga (Cameroun)

Article paru dans le Bulletin Africiné n°11 (Ouagadougou), du samedi 07 mars 2009, durant le Fespaco 2009.
Bulletin publié par la Fédération Africaine de la Critique Cinématographique (FACC, Dakar), avec le soutien du ministère burkinabè de la Culture, du Tourisme et de la Communication, du Fespaco, de l'Organisation Internationale de la Francophonie (OIF, Paris), du Ministère français des Affaires Etrangères, du Centro Orientamento Educativo (COE, Milan) et du Rurart (Poitou Charentes, France)

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