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Épé Ekpé ou la prise de la pierre sacrée, de Zavier Balouki (Togo)
Au cœur de la tradition Guin
critique
rédigé par Sitou Ayité
publié le 07/04/2009
Sitou Ayité
Sitou Ayité

Depuis des générations, les cérémonies de épé ékpé ou la prise de la pierre sacrée en milieu Guin, sont restées cachées au public. Ces cérémonies déterminent le mode de vie de tout un peuple. La couleur annuelle d'une pierre de moins de 10 cm de diamètre affecte la manière de vivre de toute une ethnie et même de toute une nation. C'est le parcours de la pierre sacrée (avec tous les rituels autour) du quartier Djossi au quartier Gbatonoun au sud du Togo que le réalisateur a choisi de montrer à travers ce documentaire.

On sent dans ce film, une progression qui, toujours, est dirigée vers l'inconnu. Des libations, des interviews des dignitaires de divinités, une permanente masse de gens, mais aucun personnage n'est suivi en particulier.
C'est un documentaire où le personnage principal est la pierre sacrée. Loin d'être un simple caillou, cette pierre porte le message du monde des esprits. Il apparaît en milieu de film et le folklore organisé pour le mettre en scène n'est pas pour déplaire. Les costumières et maquilleuses sont les voudoussies elles mêmes ; ces dames en pagne blanc, adeptes du vodou qui, en transe, vont de gauche à droite en balançant les mains. Elles portent sur tout leur corps des perles adaptées pour l'occasion et se décorent le corps.
Grâce à leurs atours, on remarque une dominance constante de blanc dans le décor, emblème de la pureté. Le réalisateur a choisi la pierre de l'année 2008, dans sa couleur blanche ; signe de bonne année. On aurait pu s'en tenir là ; mais le fait d'évoquer dans une des scènes les conséquences négatives quand la pierre est bleue ou rouge pousse le spectateur à vouloir regarder la pierre dans cette couleur.

C'est un film qui flirte avec le tabou, mais le réalisateur n'assouvit pas totalement cette soif de l'interdit. Ce film est un modèle de cinéma vérité parce que personne à part les esprits eux-mêmes ne peut anticiper l'action de la minute suivante : le réalisateur semble devancer l'action. Le montage est simple mais réussi. Le réalisateur a privilégié le fondu pour faire la transition entre les grandes parties du film. L'avantage également fait à la musique intra diégétique donne une certaine esthétique au film.

Les cérémonies de prise de la pierre sacrée en milieu Guin, à travers ce documentaire rassemblent non seulement un peuple mais plusieurs. On le ressent dans la scène où se déroule la cérémonie du Tchessi. Tchessi est un mélange d'eau de mer, de rivière, de fleuve, de lac, et aussi d'eau du Nil laquelle semble-t-il a abreuvé les ancêtres du peuple Guin. Il y a très belles scènes qui mettent en avant la culture africaine en générale comme la traversée du fleuve, la cérémonie qui réunit moralement le Togo, le Bénin et le Ghana. Selon le réalisateur, le Bénin, le Ghana, les Antilles se retrouveront parfaitement dans ce film à caractère unificateur.
Les nombreux plans de coupe de lune et de soleil sont présents non pour sauver des images, mais pour participer aux cérémonies temporelles de Épé Ekpé et marquer la présence des esprits.

Par analogie, la prise de la pierre sacrée en milieu traditionnel traduit les fêtes de la nouvelle année et en milieu occidental. Ceci prouve encore que l'Afrique a toujours eu un système de vie propre à elle.

Le spectateur se verra malheureusement raconter doublement le film à cause de l'excès de commentaires qui ponctuent les images. C'est un film qui intéressera particulièrement les avertis des cérémonies vodoues.

Film en compétition dans la catégorie documentaire au Fespaco 2009.

Sitou Ayité (Togo)

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