AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 940 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
7ème Art au Niger
Le meilleur hommage à rendre à Damouré Zika
critique
rédigé par Maman Sani Soulé Manzo
publié le 10/04/2009
Sani Soulé Manzo
Sani Soulé Manzo
Sani Magori brandissant son trophée AMAA
Sani Magori brandissant son trophée AMAA
Danny Glover et Sani Magori
Danny Glover et Sani Magori

Ce mois d'avril 2009 est riche en actualités cinématographiques au Niger.
Le premier évènement, plutôt malheureux, est le décès de l'acteur Damouré Zika, le lundi 6 avril 2009 à l'hôpital national de Niamey. Le ban et l'arrière-ban du Tout-Niamey culturel et politique - Premier ministre et ambassadeur de France en tête - l'ont accompagné, le mardi 7 avril dans l'après-midi, à sa dernière demeure : le cimetière musulman de la capitale nigérienne, où il repose à côté de l'écrivain Boubou Hama.

Fils d'un pêcheur sorko, Damouré Zika naît en 1924 à Niamey où il fait, en 1941-42, la connaissance d'un jeune français, ingénieur des TP féru d'ethnologie et de cinéma : Jean Rouch.
La suite est connue : Damouré Zika devient, avec ses compatriotes nigériens Lam Dia et Tallou, l'acteur-fétiche de Jean Rouch qui tourne, du Niger au Ghana en passant par la France, des films comme Bataille sur le grand fleuve, Jaguar, La chasse au lion à l'arc, La chasse à l'hippopotame, Les danses des initiés de Firgoune, Petit à petit, Cocorico ! Monsieur poulet, pour ne citer que les plus célèbres.
Ce touche-à-tout (pêcheur, pointeur sur les chantiers des TP, guérisseur, aide-infirmier, assistant de recherche de Jean Rouch, etc.) toujours hilare et serviable n'était pas tout à fait un "nègre banania" ou un "nègre de service" : il a aussi formé Jean Rouch autant que ce dernier l'a "fait". En effet, l'initiation de Rouch à la religion et à la magie sonraïes est l'œuvre de Damouré Zika et ce n'était pas gagné d'avance !
Une partie de cette saga africaine - faite de rapports professionnels et amicaux - est d'ailleurs racontée par Damouré Zika dans son Journal de route paru en 2007 aux Éditions Mille et une nuits.

Damouré Zika, qui a passé ses vieux jours à veiller sur ses 35 enfants et plus de 80 petits-enfants ainsi qu'à la santé de ses congénères - grâce au "Cabinet médical Jean Rouch" qu'il avait ouvert à son propre domicile du quartier Haro Banda de Niamey, travaillait encore à honorer la mémoire de son ami Jean Rouch lorsque la mort l'emporta : copier, conserver et diffuser au Centre culturel franco-nigérien Jean Rouch de Niamey toutes les œuvres de l'ethnocinéaste disparu le 18 février 2004 au Niger, au retour d'une visite d'amitié à Moustapha Alassane, l'autre pionnier du cinéma nigérien installé à Tahoua (650 kilomètres au nord-est de Niamey)…

Le second évènement, plutôt heureux, qui marque l'actualité cinématographique au Niger en ce mois d'avril, est la distinction, le samedi 4 avril 2009, du documentaire Pour le meilleur et pour l'oignon de Elhadj Sani Magori, qui vient d'obtenir, avec Malcom's Echo du Nigeria, le "Best documentary feature" de l'African movie academy award (AMAA).
Cette 5ème édition de l'African movie academy award (AMAA) - organisée à Yenagoa, dans l'Etat de Bayelsa au Nigeria - avait regroupé plusieurs des films sélectionnés au dernier FESPACO.
"Le plus curieux est qu'on a été distingués en lieu et place de films récompensés au 21ème FESPACO", se réjouit Sani Magori qui, outre le trophée AMAA, se voit ouvrir les portes du "London african film festival" (en novembre 2009) et du "Panafrican film festival" de Beverly Hills, dirigé par Ayuko Babu, président du jury de AMAA 2009.
Le documentaire Pour le meilleur et pour l'oignon de Elhadj Sani Magori avait été sous-titré en anglais par la Française Sylviane Chirouze des studios Adalios à Lussas (Lyon, en France).
Mieux, la banque UBA (United Bank of Africa), qui est l'un des mécènes de l'AMAA 2009, n'exclut pas de participer à la production de Kukan Kurcia ou Le cri de la tourterelle - le prochain documentaire de Sani Magori dont le tournage devrait commencer en novembre 2009 dans la région de Tahoua (Niger) pour se poursuivre à Fada (Burkina Faso), Kumasi (Ghana) et Abidjan (RCI) pour un budget prévisionnel de 120.000 à 130.000 euros.

Réputée pour se vider chaque année de ses bras valides allant en exode saisonnier vers la côte, la région de Tahoua a tout naturellement donné naissance à une "geste".
Chantée par l'ex-cantatrice Zabaya Houssé, cette geste dépite Sani Magori : "Mon père est là bas en exode en Côte d'Ivoire depuis une quinzaine d'années !". C'est pourquoi Sani veut que l'ex-cantatrice Zabaya Houssé fasse, au cinéma, l'inverse de ce qu'elle faisait dans la réalité: inciter les bras valides émigrés de longue date à rentrer au Niger plutôt que de rester loin des leurs...
Belle et poignante perspective !

Enfin, il convient de signaler que la semaine internationale de la parenté à plaisanterie, organisée à Niamey dans la 2ème quinzaine d'avril, sera l'occasion de projeter en avant-première, un documentaire de 33 minutes signé Mahamane Bakabé, le réalisateur de Si les cavaliers avaient été là….
Tourné au Niger et au Nigeria fin 2008, il avait été mis en boîte fin janvier 2009 mais n'était pas au 21ème FESPACO car il s'agit d'une œuvre de commande ayant bénéficié d'une subvention de six millions de francs CFA du ministère nigérien de la Culture, des Arts & Loisirs et de la Promotion de l'Entreprenariat artistique.

Notons, last but not least, que les moyens de tournage film acquis par l'État nigérien en avril dernier commencent à être mis à la disposition des cinéastes nigériens. Ce qui est une bonne chose à l'heure où le projet de dix films devant être présentés au 4ème Forum africain du film documentaire de Niamey sont en cours de réalisation par dix jeunes réalisatrices formées à ce effet…
N'est-ce pas le meilleur hommage qu'on puisse rendre à Damouré Zika ?

Sani Soulé Manzo

Films liés
Artistes liés
Structures liées