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Christiane Chabi Kao, directrice de Lagunimages au Bénin (du 23 au 26 avril)
Il faut qu'on se tourne vers des pays comme l'Allemagne
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 11/04/2009
Fortuné Bationo
Fortuné Bationo
Christiane CHABI-KAO (photo: Fortuné Bationo, Berlin)
Christiane CHABI-KAO (photo: Fortuné Bationo, Berlin)
Christiane CHABI-KAO (photo: Fortuné Bationo)
Christiane CHABI-KAO (photo: Fortuné Bationo)
Monique Phoba et Bärbel Mauch, au Festival de Tüebingen 2008
Monique Phoba et Bärbel Mauch, au Festival de Tüebingen 2008
Idrissou Mora-Kpaï
Idrissou Mora-Kpaï
Festival Lagunimages
Festival Lagunimages

Explorer le métissage et ses richesses qui dégainent des ponts insoupçonnés. Voila le prochain cap de Lagunimage, le Festival de documentaire et de télévision du Bénin, qui entend pour sa 5ème édition, du 23 au 26 avril, rendre hommage à l'Allemagne. Sa directrice, Christiane Chabi Kao, était présente au Festival international du film de Berlin, en février dernier, pour justement inviter des personnalités de ce pays dont le soutien aux cinémas d'Afrique semble avoir fait le pari de la constance dans la discrétion. Entretien.

Qu'est ce qui explique votre présence à la Berlinale ?

Je suis à la Berlinale parce que le Festival Lagunimage qui est le Festival de documentaire et de télévision du Bénin va avoir lieu du 23 au 26 avril. Cette année, c'est l'Allemagne qui est à l'honneur dans la section "Pays invité." Je suis donc venue spécialement pour rencontrer des personnalités que nous souhaitons inviter pendant ce festival là. Il s'agit de personnalités allemandes évoluant dans l'univers du cinéma, mais aussi dans d'autres domaines, et avec qui nous entretenons des relations particulières. C'est par exemple le cas avec la Deutsche Welle ; à travers la Deutsche Welle Academy qui nous offre chaque année des bourses de formation au management de festival. On a également des relations privilégiées avec le Talent Campus. Je suis venu voir si toutes ces personnalités, qui se sont intéressées, pas seulement à notre festival mais à d'autres festivals africains, étaient d'accord à venir à Cotonou pour parler de ce qu'elles font, des liens entre l'Allemagne et l'Afrique et notamment le Bénin. Ma présence a aussi pour but de procéder à une sélection de films allemands puisque le pays invité étant l'Allemagne, il me faut des courts métrages, des fictions et des documentaires allemands. Donc ces personnalités vont m'aider à faire un choix judicieux pour les projections aux populations. Bien entendu je suis venu aussi pour le festival évidemment, voir des films projetés.

Qu'est ce qui motive le choix de l'Allemagne en tant que pays invité ?

Quand je suis arrivée au Festival Lagunimage, l'année d'après j'ai bénéficié d'une bourse de la Deutsche Welle Academy pour apprendre à manager un festival. Et c'est quand je suis arrivée ici, que je me suis rendu compte d'une chose : c'est que le Festival de Berlin et certaines institutions ici à Berlin ont très à cœur d'aider les professionnels du cinéma africain. Généralement, c'est la France qui nous aide tout le temps et beaucoup. Et c'est pour cela que leurs activités sont un peu occultées. Je me suis dit qu'en plus de tout ce que la France fait pour nous, ca serait bien qu'on essaie de montrer aussi aux professionnels qu'ils ne doivent pas tout le temps se tourner vers les mêmes pays, au risque vraiment de les prendre à la gorge. Il y a d'autres opportunités ailleurs qui pourraient permettre d'alléger toutes ces institutions qui nous viennent en aide tout le temps, comme le ministère français des affaires étrangères. Il faut aussi que de temps en temps, qu'on laisse ces aides là à d'autres et qu'on se tourne vers des pays comme l'Allemagne qui ont des activités qui peuvent nous aider et qu'on ignore. J'ai découvert ici qu'il y avait beaucoup de bourses et un intérêt pour les professionnels en Afrique. Il y a des choses qui se préparent, qui se font. Je me suis dit qu'il serait intéressant que ça se sache aussi.

Quelles seront les grandes articulations du festival Lagunimage cette année ?

D'abord Lagunimage est un festival qui en est à sa 5ème édition. Il a ceci de particulier qu'il a été créé en 2000 par une Congolaise qui vivait au Benin, une documentariste de talent qui s'appelle Monique Phoba, et qui a décidé que malgré le fait que le Bénin n'était pas son pays, de créer ce festival là. Et en partant, comme son mari était en fin de mission, elle nous a offert le festival. J'estime que c'est un cadeau inestimable qu'on ne doit pas laisser mourir. Cette année, on va essayer de le reprendre et l'organiser tant bien que mal. Notre gouvernement nous aide beaucoup, on a aussi le soutien d'autres institutions. C'est un festival en fait qui a pour but d'apporter à nos populations des films qu'elles n'ont pas l'occasion de voir ailleurs. Nous projetons des films en plein air. On a cinq sections : il y a la section thématique puisque c'est un festival à thème. Cette année, la thématique c'est le métissage et nous sommes dans l'air du temps. L'avènement d'Obama aux États-Unis et tout cet engouement autour du métissage nous ont un peu inspiré. Mais ce thème ne va pas concerner que le métissage racial. On se focalise sur plusieurs formes de métissage. Il y aura évidemment le métissage tel qu'on le connait de façon classique avec des films qui l'explorent. On va aborder dans des ateliers la question des métissages professionnels, parce qu'on s'est rendu compte que de plus en plus de réalisateurs européens ou américains viennent faire des films en Afrique quand certains réalisateurs africains vont en Europe faire des films, alors qu'avant c'était un peu cantonné. Maintenant on constate cette espèce de métissage, certaines interpénétrations de talent et on veut aussi faire un focus sur cette réalité, réfléchir pour savoir dans quel sens on peut aider nos professionnels qui ont envie de faire un film. Si quelqu'un écrit une histoire qui se passe à Paris, que cette personne ne se dise pas : "ça se passe à Paris, je ne peux pas le faire parce que je suis béninois, je suis de Cotonou." Non, qu'on puisse mettre en place un système en leur disant : "écouter, si vous voulez réaliser une histoire qui se passe à Paris, vous pouvez, tout comme des gens réalisent des films qui se passent dans la Takora qui est un département de chez nous." Il y a une réalisatrice française qui est en train de préparer un long métrage dont l'histoire se passe dans la Takora, et pourtant, elle est française. Et c'est une histoire africaine en Afrique. Il y a ce genre de métissage professionnel là. On pourra également parler de métissage parce qu'il y a une espèce de métissage professionnel au niveau des maisons de production qui maintenant utilisent beaucoup d'équipes locales par exemple en Afrique, pour faire le travail en amont. Ce sont des nouveaux métiers qui se créent qu'on appelle des fixeurs. On va en parler, sans oublier le métissage de talent parce qu'on va faire venir des réalisateurs africains mais qui ont été formés en Europe et notamment en Allemagne puisque notre pays invité est l'Allemagne. Ils viendront parler de leurs expériences et de cette forme de métissage qu'ils ont reçus au niveau de l'apprentissage du métier de cinéaste en Europe. Leurs œuvres témoignent de ce métier.

Quelles sont les autres sections de cette fête du cinéma ?

L'autre section qui est très importante aussi concerne les réalisateurs béninois. On a une école de cinéma et d'audiovisuel qui existe depuis bientôt quatre ans, qui s'appelle Institut supérieur des métiers de l'audiovisuel (Isma), qui forme des jeunes venant de toute l'Afrique de l'ouest. Cette école a été créée par un douanier amoureux du cinéma. Au début de sa création, les gens disaient : " mais ce monsieur, qu'est-ce qui lui arrive ? Il n y aura personne, c'est trop cher." Mais bizarrement, quand l'école a ouvert ses portes, il y a eu tellement de demandes et tellement d'élèves qu'on s'est dit qu'il se passe quelque chose dans le domaine de l'audiovisuel. Maintenant les cinéastes ne veulent plus attendre une bourse pour aller apprendre en Europe, ou apprendre sur le tas, avec des petites cameras numériques, domestiques. Des parents acceptent de payer des centaines de milliers de francs, pour envoyer leurs enfants à Cotonou, dans les écoles, pour sortir comme cadreurs, monteurs, réalisateurs etc. Chaque année, ils font des films d'école et ces films d'école, nous voulons les présenter à nos populations pour les dire : "regardez ce que vos enfants font!" Il y a des réalisateurs béninois qui font de très belles choses. Cette section sera pour eux également. On va y montrer leur film. Ensuite on a une section qu'on a intitulée "Hommage" dans laquelle on honore certaines personnes. Cette année, nous allons honorer une productrice allemande, Bärbel Mauch, qui se bat beaucoup pour trouver des financements pour des films africains. On va honorer également un de nos réalisateurs béninois, Idrissou Mora Kpai qui fait de très bons documentaires et qui a été formé en Allemagne. On va honorer - ce qui n'est pas coutume - une institution qui est la Deutsche Welle, à travers la Deutsche Welle Académy. Cette institution offre depuis quatre ans des bourses de management de festival aux dirigeants de Lagunimage. On a une section "Documentaire" - puisqu'on est un festival de documentaires - qui est intitulé " l'Actualité du documentaire africain", pour montrer à nos populations des documentaires récents ou anciens de réalisateurs africains.

Entretien réalisé à Berlin
par Fortuné Bationo

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