AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 940 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Duel à Dafa, de Ladji Diakité
Plaidoyer pour une autre façon de faire la politique
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 25/04/2009
Moussa Bolly
Moussa Bolly
Faro, la Reine des Eaux, 2007, Salif Traoré
Faro, la Reine des Eaux, 2007, Salif Traoré
Taafe Fanga (Pouvoir de pagne), 1997, Adama Drabo
Taafe Fanga (Pouvoir de pagne), 1997, Adama Drabo
Ta Dona (Au Feu)!, 1991, Adama Drabo
Ta Dona (Au Feu)!, 1991, Adama Drabo
Adama Drabo et Ladji Diakité
Adama Drabo et Ladji Diakité
Salif Traoré
Salif Traoré

Duel à Dafa ! Tel est le titre d'une série malienne de cinq épisodes diffusée en février 2008 par l'Office de Radiotélévision du Mali (ORTM) et sélectionnée au 21ème FESPACO en 2009. Œuvre de Ladji Diakité, ce film retrace le combat électoral entre un "pauvre" enseignant et un riche opérateur économique. Elle met en scène la compétition politique dans une localité imaginaire du Mali.

Duel à Dafa est une rivalité épique entre deux hommes que tout sépare. À commencer par leur conception de la politique. Pour Ladji Kalifa (Magma Gabriel Konaté), le richissime commerçant, la politique est une question de prestige personnel. Il veut conquérir le pouvoir pour consolider son emprise sur la commune de Dafa. Par contre, Makono (Kariba Dembélé), l'enseignant, voit la politique comme une manière de changer le vécu quotidien de ces concitoyens, un moyen de faire avancer la société.

Les deux hommes se lancent dans une compétition serrée pour la conquête de la mairie de Dafa, une commune imaginaire située en zone rizicole. Pour ratisser large, les deux candidats exploitent à fond leurs atouts. L'enseignant profite des retombées de sa fonction sacerdotale. Ladji Kalifa a recourt au levier du pouvoir économique qu'il détient.
Les moyens sont disproportionnés et sont à l'avantage de Ladji. Au Mali comme en Afrique, les électeurs ne se préoccupent pas des idées, des arguments ou des projets de société. Il n'y pas donc mieux que les cadeaux (thé, tee-shirts, pagnes, cubes d'assaisonnement…) pour les appâter ! Ladji en abuse !
N'empêche que certains citoyens, moins dupes, sont acquis à la cause de Makono. L'affrontement entre les partisans des deux camps est inévitable. Finalement, c'est la quiétude de toute la région qui est menacée.

Heureusement, les femmes s'assument sans distinction de bord politique. Aux deux camps, elles rappellent qu'elles ne serviront plus de "bétail électoral" et réclament de vrais projets de société prenant en compte leurs préoccupations. Secundo, elles rappellent aux représentants des deux candidats qu'elles ne toléreront aucune scène de provocation pouvant aboutir à des batailles rangées entres les habitants d'un même village. La leçon est comprise ! La politique se réconcilie avec les femmes et avec elle-même autour d'une partie de balafon.

C'est dans ce contexte que survient brusquement un coup du sort : Ladji Kalifa s'écroule en pleine course, victime d'une maladie secrète qu'il avait cachée afin de ne pas hypothéquer ses chances de victoire électorale. Loin de se réjouir de ce décès brutal que de mauvaises langues lui imputent, Makono est atterré et il se retrouve alors face à un dilemme : continuer seul la course sur la vague insidieuse des supputations ou bien se retirer de la compétition ? Il ira jusqu'à humblement s'incliner sur la tombe de son rival pour lui reconnaître ses mérites et lui demander de le conseiller pour résoudre son dilemme.

Tourné en 2006 à Niono (Delta Central du fleuve Niger, zone agricole par excellence avec ses 80 000ha irrigués), Duel à Dafa se voulait un signal fort à l'attention de la classe politique malienne et des électeurs à la veille des élections législatives et présidentielles de 2007.
C'est une véritable chronique contre l'incurie politique. "Notre pays va bientôt vivre une année électorale. Si nos concitoyens sont emmenés à voter, il faudrait qu'il le face en toute connaissance de cause. Un avertissement ou un conseil n'est jamais de trop. Le cinéma, puissant moyen d'information, de sensibilisation et de formation, ne pouvait demeurer en reste à l'orée de cette période importante pour notre pays. L'initiative d'une série télévisée de cinq épisodes va aussi dans ce sens", disait le réalisateur au début du tournage, en octobre 2006.

Malheureusement, la série n'a pas été bouclée à temps et sa diffusion n'a commencé sur l'ORTM qu'en février 2008, après les élections. Mais, la leçon vaut encore pour tous. Surtout que des élections municipales sont attendues l'année prochaine. "La politique, ce n'est pas de l'argent, mais les idées. C'est ce que les populations doivent comprendre", c'est ce que dit Magma Gabriel Konaté (Ladji Kalifa), l'une des têtes d'affiche de la série.
Le film prend le prétexte de la campagne électorale pour tenter de montrer les difficultés quotidiennes et les énigmes de la localité. Il s'agit par exemple à Dafa des problèmes de cohabitation entre les locataires d'une même concession, mais aussi de la liaison secrète entre deux adolescents qui sont paradoxalement les enfants des deux rivaux politiques.
Les tribulations d'un mari à la jalousie maladive, la problématique de l'emploi des jeunes diplômés, le monde rural et ses préoccupations, différents visages de femmes font partie des points focaux du film. Le réalisateur fait aussi un clin d'oeil à certaines valeurs sociétales du Mali. Sans oublier la station FM de proximité qui aère de ses ondes l'espace vital médiatique de la commune… Jalousie conjugale, rivalité féminine, sexualité et grossesses précoces, insécurité sur les routes… font également de ce duel un cocktail explosif !

Pour un coût total d'environ 95 millions de F FCFA, cette série de 5 épisodes (d'une durée de 26 minutes chacune) a été financée par la coopération française, l'ambassade des Etats-Unis d'Amérique à Bamako, le Programme de soutien aux initiatives culturelles décentralisées (PSIC) de l'Union européenne et Helvetas. Le tournage de cette première oeuvre de fiction de Ladji Diakité a duré 6 semaines.
Elle lui permet surtout de passer du statut de premier assistant au grade de réalisateur confirmé. Un précédent poste qu'il avait tenu sur de nombreuses grandes réalisations maliennes dont Faro de Salif Traoré (2006), Taafé Fanga (1997) et Ta Dona (1991) de Adama Drabo. Il est dans le secteur du cinéma depuis 1979.

Ladji Diakité est aussi le réalisateur d'un documentaire sur "Les chasseurs du Mali" en 2001. Duel à Dafa est coproduit par Sarama films et le Centre national de la cinématographie du Mali (CNCM).
Pour ce coup d'essai dans la série télévisée, il a réussi la prouesse de réunir autour de lui de grands noms de la comédie malienne comme Gabriel Magma Konaté, Maïmouna Hélène Diarra, Kariba Dembélé… Et le résultat est tout simplement merveilleux parce que la leçon politique et socioculturelle véhicule est tout de suite comprise des téléspectateurs !

Moussa Bolly

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés