AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
25 004 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Le Pays à l'envers
Cultiver l'âme de la Guadeloupe
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 27/04/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Sylvaine Dampierre
Sylvaine Dampierre
Léna Blou
Léna Blou
Le généalogiste Michel Rogers, en discussion avec Sylvaine Dampierre
Le généalogiste Michel Rogers, en discussion avec Sylvaine Dampierre

LM Documentaire de Sylvaine Dampierre, Guadeloupe, 2008
Sortie France : 29 avril 2009

Les tensions explosives de l'hiver ont allumé les feux médiatiques sur la Guadeloupe. Et pourtant l'Ile bouillonne depuis longtemps dans l'ombre de la Métropole, étouffée par les injustices sociales sans retenir les regards. Celui que porte aujourd'hui Sylvaine Dampierre sur le sujet surfe avec l'actualité pour prendre racine plus loin dans le temps. Le Pays à l'envers est un portait en creux de l'âme insulaire où s'enchevêtrent art et mémoire, passé et présent, nature et culture. Un véritable jardin créole que la réalisatrice invite à parcourir pour renverser les images attendues de la Guadeloupe. "Quand on passe derrière l'horizon, on ne voit plus que la mer et le pays à l'envers", indique Sylvaine Dampierre pour justifier un des multiples sens du titre, emblématique de sa démarche.



Le film marque un véritable retour sur ses origines pour cette cinéaste élevée en France métropolitaine, engagée dans la pratique du documentaire. D'abord formatrice dans le cadre de stages d'initiation à la réalisation, prodigués par les Ateliers Varan, actifs sur divers continents, Sylvaine Dampierre devient monteuse jusqu'en 1998. Elle travaille sur un canal interne de télévision à la maison d'arrêt de Paris puis s'évade en composant une œuvre en quatre volets autour des "jardins et jardiniers". Et c'est en préparant soigneusement son premier long-métrage qu'elle tente de défricher les vibrations de la Guadeloupe.

Le Pays à l'envers s'enclenche sur la volonté de retrouver ses racines. Sylvaine Dampierre part de l'idée de transmettre l'histoire de ses ancêtres à son fils, en retrouvant la signification de son nom. Cette quête s'appuie sur des images d'hier, films de famille en Super 8 tournés par le père, pour se compléter par les scènes d'aujourd'hui. La réalisatrice enchevêtre les formats, les époques pour questionner l'identité de la Guadeloupe. Elle plonge dans le passé aux Archives où Michel Rogers, généalogiste passionné, la guide dans le décryptage de l'esclavage. Il explique comment ceux qui subissaient cette condition étaient d'abord privés de nom. En approfondissant son regard sur la lignée d'origine de la cinéaste, il explicite clairement la situation de l'île avec ses nuances dans l'appréciation raciale.



Cette percée dans l'histoire de la Guadeloupe est prolongée par les souvenirs d'un militant communiste qui rappelle l'activité des usines à sucre, aujourd'hui délaissées par les intérêts de la Métropole. La richesse, relative, du passé économique, trouve un relais avec le dynamisme de Léna Blou, une chorégraphe qui transmet son enseignement à de jeunes élèves, comme une voie d'expression utile à l'identité singulière de l'Ile. En liant le travail du corps et celui de la mémoire, Léna Blou imprime avec majesté et poésie, ses chorégraphies dans le film. Le Pays à l'envers peut alors se déployer comme un jardin luxuriant où la réalisatrice tresse avec sensibilité les contrastes de la Guadeloupe.

Entravée par une histoire oppressante, échaudée par ses rapports conflictuels avec la Métropole dont elle dépend économiquement, cette île fière et créative a su développer des expressions singulières pour revendiquer son propre langage. Mais le présent est désenchanté. C'est en fouillant ses origines que Sylvaine Dampierre évoque avec sensibilité les nuances de l'identité créole. Vécue à distance ou au cœur de l'Ile, la relation avec l'âme de la Guadeloupe irrigue Le Pays à l'envers. Une manière personnelle de sensibiliser posément, avec de belles images et un montage aéré, aux désaffections qui limitent encore l'essor de l'Ile.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

Films liés
Artistes liés
Structures liées