Mascarades est un film inspiré de la pièce de théâtre Journée de Noces chez les Cro-Magnons du dramaturge libanais Wajdi Mouawad. Il met en scène Mounir et sa petite famille. Mounir travaille comme jardinier chez un colonel ou comme il aime le dire, "ingénieur agricole". Son premier souhait est d'être estimé par les siens, puis que sa sœur, narcoleptique, guérisse, ou au moins qu'elle dorme "juste un peu moins".
Prêt à tout pour gagner l'estime des villageois, un soir d'ivresse, il hurle à qui veut l'entendre qu'un homme d'affaires australien a demandé la main de sa jeune sœur Rym.
Cet incident "improvisé" le remonte dans la hiérarchie du village. Lui qui était la risée du village, devient soudain l'objet de toutes les attentions et de toutes les convoitises. En effet, Mounir, jusque-là ignoré, est à présent associé aux affaires, invité à toutes les fêtes, il reçoit de nombreux cadeaux… C'est ainsi qu'il décide de ne pas rétablir la vérité et de profiter des avantages que son nouveau statut lui offre.
Ce film dénonce l'hypocrisie mais aussi les rapports sociaux hiérarchisés dans une même communauté. Côtoyer un homme d'affaires étranger le hisse à un rang social plus élevé, celui des colonels, ou de son représentant, Redouane. Ces derniers représentent le pouvoir, les réseaux et l'argent.
Mascarades met aussi en exergue l'impact que la réussite sociale a sur un simple citoyen, ici sur un jardinier. Le nouveau statut de Mounir déteint sur sa vision des choses. Si au départ, il se place du côté des faibles (en expliquant à son fils de ne pas s'en prendre aux faibles, à "un scarabée sans défense"), à la fin, il lui demande de toujours être avec le plus fort "de toujours rester debout" étant donné que côtoyer les faible et les pauvres ne mène nulle part. Il est comme ce colonel qui exploite les pauvres avec ce qui en jette en leur vendant un tour de voiture sur la place du village au prix fort.
Pour faire passer son message, Salem ne lésine pas sur l'emploi de l'humour algérien. Les Algériens ont appris à rire de tout, même de la guerre.
Ce recours à l'humour pour "faire passer des choses graves" me renvoie au premier film de Nadir Moknèche, Le harem de Madame Osmane (2003). Ce dernier aborde la guerre qui ravage l'Algérie depuis les années 1990.
L'enjeu principal de Moknèche consiste à donner une autre vision de l'Algérie, une Algérie moins extrémiste et conservatrice, et de faire découvrir un pays normal, en montrant qu'il y a des individualités, bien que la violence soit en permanence en toile de fond. A contrario, bien que Lyès Salem s'attache à donner une autre image de l'Algérie, et rompre avec certains clichés "misérabilistes" par lesquels on se représente le monde algérien, Mascarades occulte cette guerre, Le cinéaste dit ne pas être encore d'attaque à aborder le thème de terrorisme en Algérie.
Mascarades a été primé un peu partout : Coup de cœur du public du Festival Lumières d'Afrique de Besançon, Prix d'interprétation masculine pour Lyes Salem au Festival de la Réunion, Grand Prix du Festival des Cinémas d'Afrique (Angers), Prix du Meilleur Film au Festival d'Angoulême, Prix du Public et du Public Jeune au Festival de Namur ainsi que les Prix du Meilleur Premier Film et Du Public Jeune au Festival de Carthage. Il a également remporté le prix du Meilleur Film au Festival du Film de Dubaï 2008.
Seltana Hamadouche
Mascarades est un film réalisé par Lyès Salem.
Scénario de Nathalie Saugeon et Lyès Salem.
Coproduction franco-algérienne. 2007.