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Adieu Gary
Duos pluriels au soleil
critique
rédigé par Michel Amarger
publié le 05/08/2009
Michel Amarger
Michel Amarger
Nassim Amaouche
Nassim Amaouche
Jean-Pierre Bacri est "Francis"
Jean-Pierre Bacri est "Francis"
Dominique Reymond est "Maria"
Dominique Reymond est "Maria"
Yasmine Belmadi est "Samir
Yasmine Belmadi est "Samir
Francis et Maria
Francis et Maria

LM Fiction de Nassim Amaouche, France, 2009
Sortie France : 22 juillet 2009

Quand la lumière du sud irrigue le cinéma français, elle fait ressortir les correspondances entre les communautés établies sur les deux rives de la Méditerranée. L'histoire des gens qui y vivent, semble se partager autour d'une proximité de gestes qui résonnent dans des cultures différentes. Ainsi, en filmant le quotidien de familles réunies dans une cité ouvrière désaffectée de l'Ardèche, en France, Nassim Amaouche se fait l'écho des échanges et des relations vécues par des Marocains en rupture de territoire. Avec son premier long-métrage, Adieu Gary, le réalisateur, originaire d'Algérie, livre à la fois, un regard pénétrant sur la société française ouvrière d'aujourd'hui, et une évocation discrète de questions identitaires des jeunes Maghrébins.

Cette ouverture aux composantes diverses de la société française s'est déjà manifestée dans le premier court-métrage de Nassim Amaouche, De l'autre côté, 2003. En suivant le retour de Samir, jeune avocat, dans sa famille algérienne pour assister à une cérémonie, le réalisateur pointe une double rupture : celle que Samir vit par rapport à ses parents qui n'ont pas reçu d'éducation, et celle qu'ils subissent en vivant déracinés en France.
Dans la foulée, le cinéaste explore son rapport à l'orient avec Quelques miettes pour les oiseaux, 2005, un moyen-métrage contemplatif, filmé dans un village proche de la frontière, en Jordanie. Il y saisit le temps qui passe, les rêves d'évasion, par un récit ouvert et des ellipses poétiques. Des qualités qu'on retrouve dans Adieu Gary, Prix de la critique au Festival de Cannes 2009.

Le film brosse par petites touches le portrait d'une communauté en suspens, celle de deux familles d'une citée ouvrière abandonnée, dans un petit village de l'Ardèche. Francis occupe son temps à réparer la machine qu'il entretenait avant le démembrement de l'usine. Ses rêves de lutte syndicale se sont désagrégés avec la dispersion des ouvriers et du matériel. L'action commence avec le retour de son fils aîné, Samir, après une absence passée en prison. Décidé à se réinsérer, il veut arrêter de convoyer la drogue qui transite par son copain, et accepte l'emploi de manutentionnaire au supermarché où travaille Icham, son cadet, qui aspire à vivre au Maroc. En apprenant l'arabe à grand peine, Icham cultive le lien avec leur mère disparue.

Sans renier son souvenir, Francis, le père, entretient une relation amoureuse avec Maria, la voisine, dont le fils José attend vainement le retour du mari, Gary. Réputé séducteur comme Gary Cooper, ce qui a motivé son départ, il est guetté par José, mutique, qui s'abreuve de westerns où brille l'acteur américain. Un penchant qui incite, un soir, Francis à endosser le costume du cow-boy pour donner corps aux visions de José. Au croisement de ces sentiments qui unissent un père et son fils, une femme à son voisin, un jeune homme à son frère, un ouvrier au chômage à un employé exploité, un dealer décontracté et son copain repenti, se tisse un quotidien de frictions et de sourires.

Dans cette société où les racines se mêlent, le père désabusé s'étonne que son jeune fils veuille aller vivre au Maroc d'où sa mère est venue, sans en connaître la terre. Nejma, jeune Marocaine que courtise Samir, échappe aux limites de l'endroit en partant vers le nord. La poussière du Teil, ancienne citée ouvrière où a été tourné le film, étouffe les espoirs et dissout les colères. En brossant les vies de ceux qui restent, Nassim Amaouche compose des bribes de scènes réalistes. L'évocation de Gary suscite des références décalées aux westerns de 1958. Le cinéaste en profite pour évoquer les mythes liés aux départs, filmant les rues du village comme le cadre des duels de l'Ouest américain.

Avec ses plans longs, ses ellipses, Adieu Gary laisse glisser des moments de vies arrachées à l'amertume des jours. Sans illusions sur l'avenir social, il laisse planer l'espoir par la communication, la transmission possible entre générations. La contribution des acteurs est essentielle. Jean-Pierre Bacri apporte sa caution bourrue dans la figure du père, Dominique Reymond éclaire celle de la voisine. Yasmine Belmadi incarne avec justesse Samir, avant un accident de scooter qui l'a emporté ce 18 juillet, quatre jours avant la sortie nationale du film. Les autres comédiens illuminent ce portrait de groupe esquissé. Car Nassim Amaouche ouvre des pistes, use d'ellipses, permettant au spectateur de construire les manques à sa manière, aiguisant son attention aux autres.

Vu par Michel AMARGER
(Afrimages / RFI / Médias France)

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