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Délice Paloma de Nadir Moknèche
De l'utilisation de la langue française
critique
rédigé par Seltana Hamadouche
publié le 07/08/2009
Nadir Moknèche
Nadir Moknèche
Ibtissem Djouad dans RACHIDA (2002) de Yamina Bachir-Chouikh
Ibtissem Djouad dans RACHIDA (2002) de Yamina Bachir-Chouikh
Yamina Bachir-Chouikh
Yamina Bachir-Chouikh
Merzak Allouache
Merzak Allouache
Aylin Prandi dans Délice Paloma
Aylin Prandi dans Délice Paloma
Délice Paloma
Délice Paloma
Délice Paloma
Délice Paloma
de gauche à droite: Lyes Salem, Biyouna, Daniel Lundh, Nadia Kaci dans Délice Paloma
de gauche à droite: Lyes Salem, Biyouna, Daniel Lundh, Nadia Kaci dans Délice Paloma
Biyouna (Mme Aldjéria) dans Délice Paloma
Biyouna (Mme Aldjéria) dans Délice Paloma
Biyouna (Mme Aldjéria) dans Délice Paloma
Biyouna (Mme Aldjéria) dans Délice Paloma
Douar de femmes, de Mohamed Chouikh
Douar de femmes, de Mohamed Chouikh
El Manara, de Belkacem Hadjadj
El Manara, de Belkacem Hadjadj

La majorité des films de fiction (comme Rachida (2002) de Yamina Bachir-Chouikh) semble accréditer l'idée que la guerre en Algérie (la guerre civile) se décline toujours sur le même mode : celui de l'intimisme et de l'analyse psychologique "coupée du réel". Il y a ici et là une volonté de personnaliser à outrance son sujet, suivre le sillage d'un personnage principal.
D'autres réalisateurs algériens, à l'instar de Merzak Allouache et Hafsa Zinai-Koudil, jouent avec lucidité de cette guerre. Il n'y a pas chez eux une capitalisation d'effets de nostalgie, mais un engagement à vif contre la barbarie actuelle. À leur manière, chacune des entreprises fonctionne comme des interrogations lancinantes sur cette guerre, une guerre sans nom.

Quant à Moknèche, il présente une Algérie confrontée à la violence, mais dans laquelle la vie continue. Là où le malaise existe, les femmes bougent. Elles n'ont pas disparu de l'espace social. Elles travaillent, sortent en ville, dansent. La violence est en permanence en toile de fond, mais le désir de vivre et de ne pas s'effondrer domine. Son objectif consiste à donner une autre vision de l'Algérie et de faire découvrir un pays normal en montrant qu'il y a des individualités ; il y a une volonté de rapprochement plutôt que de fracture des civilisations. Les problèmes des gens sont les mêmes. L'Algérie devient plus proche quand on voit Délice Paloma. "De toute façon, c'est vrai. Alger est à deux heures de Paris ! En se rapprochant, on peut mieux combattre toutes les formes de discrimination qui nous pourrissent la vie. Parce que l'intégrisme religieux pourrit la vie des Français, mais aussi celle des Algériens" affirme Moknèche.

Délice Paloma met en exergue l'islamisation rampante de la société, symbolisée par l'évolution de Shéhérazade d'"escort girl" en mère au foyer voilée, et le statut d'incapable majeure réservée aux femmes dans le code algérien de la famille. Il est aussi question de la corruption et d'adultère. Le film montre combien la corruption est présente partout. Elle est monnaie courante et est pratiquée par tous : du simple citoyen jusqu'au Ministre des Droits de l'Homme.

Ce troisième film de Nadir Moknèche est tourné intégralement en français. Filmé à Alger durant l'été 2006, Délice Paloma met à nouveau en scène Biyouna dans le rôle d'une chef de bande qui n'a pas froid aux yeux.
Parce que tournés en langue française, ces films sont considérés par la critique algérienne (par critique algérienne, on entend ici les quelques rubriques consacrées aux sorties cinématographiques dans les journaux indépendants) comme étant destinés aux regards extérieurs, ce que je considère comme une absurdité étant donné que la quasi-totalité des Algériens comprennent la langue française. Il est utile de noter que les films dont les financements sont intégralement algériens sont tournés quant à eux en langue dialectale "arabe", c'est le cas d'El Manara (2004) de Belkacem Hadjadj et de Douar de Femmes (2006) de Mohamed Chouikh.
Ce recours à la langue française fait exception étant donné que seuls les cinéastes "beurs" dont les films sont tournés en France (tels que les films de Rachid Bouchareb, Mehdi Charef, Yamina Benguigui) ont recours à la langue française.

Mais Nadir Moknèche se défend d'avoir été soumis à une quelconque pression (par ses producteurs) concernant le non emploi de la langue dialectale algérienne. À la question : pourquoi n'avoir pas tourné en cette langue "aldjérienne", posée lors d'un entretien par l'historien Benjamin Stora, Nadir Moknèche a d'abord tenu à rappeler qu'il est le premier à vouloir entendre sa langue maternelle ; d'autant plus que cette langue qu'on appelle par défaut l'arabe, mais qui est aussi loin de l'arabe que l'italien du latin, est censurée à la télévision et à la radio d'État. Mais pour lui, "l'Algérie est le deuxième pays francophone du monde par le nombre de locuteurs effectifs, et la majeure partie de sa littérature est écrite en français, il n'est donc pas illégitime qu'un cinéaste algérien décide d'utiliser le français pour s'exprimer".

Seltana Hamadouche

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