Abderrahmane Sissako pratique la production, à la manière de la tortue transportant sa propre demeure, tout comme beaucoup de ses collègues cinéastes africains condamnés au nomadisme culturelle. Riche de cette expérience, il se lance avec le même esprit dans ce rêve de maintenir quelques salles de cinéma. Il réussira peut-être à faire vivre "Le Soudan" à Bamako, mais ce ne sera pas plus qu'une goutte d'eau dans le sable du sahara africain.

Le projet lancé par le cinéaste mauritano-malien pour sauver les salles de cinéma en Afrique a bien démarré. L'action de l'association fondée par Sissako et qu'il co-préside avec Juliette Binoche, commence à récolter les premiers dons. Plusieurs personnes se sont manifestées pour soutenir cette initiative dont le but est la restauration des salles africaine de cinéma en en vendant, symboliquement, les sièges à 5.000 Euros l'unité. Gilles Jacob et Juliette Binoche ont été parmi les premiers à présenter leurs chèques en public lors d'un point de presse au dernier Festival de Cannes.
L'esprit du projet est que les Africains prennent en main le sort de leurs salles de cinéma même si l'argent viendra essentiellement du Nord. Pour Juliette Binoche, il s'agira de "redonner à ce continent une part de ce qu'il a offert au monde et à l'Humanité, mais aussi de compenser les Africains des injustices aveugles de l'histoire et de l'absurdité de l'économie mondiale."

L'argent récolté après la vente des quelques 420 sièges du "Soudan", le dernier cinéma bamakois à tenir encore debout, sera confié à une association malienne qui veillera à la rénovation et au fonctionnement de l'établissement. La salle sera ainsi sauvée et aussi plusieurs emplois seront créés. Ce cinéma dont l'inauguration est annoncée pour décembre 2010, est supposé être africain dans son âme. Un siège sera précisément financé par de l'argent collecté auprès de la population de la ville de Bamako et portera symboliquement le nom du "Siège du Bamakois."

Les premiers sièges de ce projet pilote ont été déjà achetés, mais deux questions au moins méritent d'être soulevées.
Le pari de vendre l'ensemble des sièges de cette salle sera-t-il toujours tenu ? Et même si c'est le cas, sera-t-il toujours aussi possible de répéter l'opération dans d'autres pays ? Au-delà du côté sensationnel, le projet pourrait-il jamais se substituer à un programme réel et efficace de développement pour la culture en Afrique ? Ou bien celle-ci passera toujours parmi les dernières des priorités. En l'absence d'une volonté politique réelle, de la part des gouvernements africains et de leurs partenaires mondiaux, d'inscrire la culture et le cinéma comme priorité dans l'agenda du développement qu'ils conçoivent pour le continent, on continuera toujours à collecter les aides pour financer la construction.

Hassouna MANSOURI

Pour les versions anglaise et néerlandaise : www.powerofculture.nl