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Réseauter pour braver les barrières linguistiques
critique
rédigé par Télesphore Mba Bizo
publié le 25/09/2009
Télesphore Mba Bizo
Télesphore Mba Bizo
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Télesphore MBA BIZO et John OWOO
Télesphore MBA BIZO et John OWOO
Selo Galane,John Owoo, Télesphore Mba Bizo, Sibongile Khumalo et Bongani Mahlangu
Selo Galane,John Owoo, Télesphore Mba Bizo, Sibongile Khumalo et Bongani Mahlangu

Un symposium sur les médias s'est tenu le 23 septembre 2009 à Johannesbourg (Afrique du Sud) en marge du 4e sommet mondial des arts et de la culture. Télesphore Mba Bizo d'Africiné comptait parmi les discutants. Son intervention révèle les perspectives capables de consolider la cohésion entre journalistes culturels anglophones et francophones. Les lignes suivantes sont le contenu de son intervention

Je voudrais aborder ici la rupture de l'isolation entre francophones et anglophones en matière de journalisme culturel. En plus d'être un honneur rendu à ma modeste personne, Il s'agit d'un défi individuel et collectif à relever. De l'établissement de cette passerelle linguistique dépend le devenir du journalisme culturel dans notre continent.
Rendre compte de la proximité est l'un des principes fondamentaux du journalisme. Ladite proximité a toujours été vécue de deux manières en Afrique. La première est le rapprochement géographique. Les journalistes culturels ont davantage relayé les faits issus de leur environnement immédiat quand le courant dominant américain ne les noyait pas simplement. Tels sont les sujets qui reviennent au quotidien au sein des pays ou des localités africaines. En tant que journaliste culturel camerounais, je me suis le plus souvent et exclusivement frotté aux questions concernant Manu Dibango ou Richard Bona parce qu'ils sont mes compatriotes. Ici émerge encore le volet géographique des choses.

Le second aspect est la proximité coloniale. Elle a fait l'objet d'un usage abusif dans la presse culturelle. Les potins entre vedettes françaises ou anglaises inondent les ondes. Pourtant, je suis incapable de citer le meilleur acteur ou la meilleure actrice nigériane alors que le Nigeria, c'est la porte d'à-côté pour le Cameroun. Cette situation est imputable à la barrière linguistique. Ici le français sédimente ses égoïsmes et, là-bas, l'anglais en fait autant.
En réalité, ce que je désigne par proximité coloniale, c'est un rapprochement affectif. Paris, Londres, Berlin, Madrid nous occupent encore l'esprit. Quand nous cessons de nous soucier de nos pays respectifs ou, pour certains, de nos propres sous-régions, nous ne pensons plus qu'à nous anciens colonisateurs. Nous perdons d'esprits les pays africains qui ne partagent pas notre langue officielle. Notre proximité affective est demeurée un axe vertical. Il va du Sud pour le Nord. Il part de Nairobi pour Londres ou de Libreville pour Paris et inversement. C'est une ligne qui relie le bas et le haut. Et cette situation, à mon avis, est un sentier battu. Il me serait difficile de préconiser la suppression totale de l'axe de proximité affective Nord-Sud.
Cependant, il est grand temps pour les journalistes culturels africains de faire l'expérience d'un autre courant de proximité affective. C'est l'axe horizontal. Il élargit le spectre de la collecte de l'information culturelle à travers le continent. Les professionnels traversent les frontières géographiques et linguistiques nationales pour traiter l'information. Ils peuvent s'offrir les services des expertises nationales au titre de correspondants locaux. À ce sujet, Gwen Ansell et Nicky Bloomfield sont des individus de haut vol à contacter quand un Sénégalais ou un Congolais éprouve le besoin de mettre sur pied une banque de données relative à l'audience des autres rythmes africains dans le pays arc-en-ciel. Il suffit d'approcher Vanessa Perumal pour obtenir un rendez-vous avec l'artiste ou la personnalité de votre goût. C'est cela le réseautage.
Consolider l'axe affectif horizontal demande une large mise en réseau intra-africaine. À ce titre, permettez-moi de citer la Fédération africaine de la critique cinématographique, FACC. Son siège est à Dakar au Sénégal. Les journalistes de divers pays ou sous-régions rédigent les papiers en français ou en anglais. Le facilitateur, Thierno Ibrahima Dia, les révise, puis il les publie sur www.africine.org. Les rédacteurs sont payés une fois par an. Bon nombre d'auteurs se font assez d'argent quand ils se montrent prolifiques en production écrite. Le départ de l'aventure date d'il y a quelques 5 ans. À ce jour, je sais pouvoir compter sur Bassirou Niang au Sénégal, Jean-Marie Mollo Olinga au Cameroun, Mwenda wa Micheni au Kenya, Ikbal Zalila en Tunisie, Mohammed Bakrim au Maroc et bien d'autres. En dehors du site Internet, il y a un forum. Il aborde le contenu des articles et les questions d'actualité du cinéma. Comparativement aux francophones, les anglophones sont en infériorité numérique. Mais une poignée d'adhérents s'exprime en français autant qu'en anglais avec la même aisance. Ceux des membres plus ou moins bilingues sont encouragés à traduire les contributions en français ou en anglais dans un esprit de tolérance linguistique.

La plupart des adhérents me sont inconnus ; physiquement sentant. Cependant, je suis arrivé à les connaître à travers leurs attitudes et humeurs lors des échanges en ligne. Aussi les connais-je. Parmi les critiques de cinéma africains, je connais ceux qui perdent leurs moyens ou piquent la mouche pour un rien, ceux qui sont laborieux, ceux qui diffusent des informations fiables. En bref, je sais qui peut faire quoi, où, quand, pourquoi et comment. Il y a toujours un suivi individuel. À titre d'exemple, le critique de nationalité béninoise, Espéra Donouvosssi, s'est installé en Afrique du Sud. Tous les deux, nous nous sommes donné le défi de nous rencontrer ici à Johannesburg. Même si les contraintes de temps nous empêchent encore de le faire, nous nous entretenons au téléphone.

Un tel réseau peut également voir le jour dans les autres arts parce que l'horizon n'est pas aussi morose que cela. À cet égard, en finir avec l'isolation francophone-anglophone en matière de journalisme culturel est un rêve qui est en passe de devenir réalité. Le français est ma première langue. Qu'à cela ne tienne, je me fraie un chemin parmi les journalistes d'expression anglaise rassemblés ici. Et, African Synergy accompagne cette nouvelle impulsion en termes de formation et de renforcement des capacités. L'ONG johannesbourgeoise a déjà rassemblé les journalistes culturels dans la capitale sud-africaine, à Mbabane au Swaziland et à Hararé au Zimbabwé. Ces initiatives ont donné naissance à Marimba Media. Le magazine en ligne accueille les articles des rédacteurs anglophones et francophones. Si j'ai besoin d'un infographe, Welma du Kenya, membre de l'équipe, devient immédiatement la bonne adresse. Quand l'expertise d'un rédacteur globe-trotter me fait défaut, je me tourne vers John Owoo du Ghana ; la liste est longue. Même Arterial Network promeut l'intégration africaine au biais des formations similaires où se rencontrent francophones et anglophones en vue de la consolidation de la cohésion continentale. Vous pouvez citer l'École d'hiver et l'atelier sur le journalisme musical. Ils se sont déroulés en début 2009 dans la ville du Cap.

La leçon que je retiens de ceci est que le syndrome de la dépendance vis-à-vis de l'Occident perd du terrain au sein de la nouvelle génération de journalistes culturels africains. Le voyage qui nous mènera à voir le journalisme culturel comme une entité indépendante, et non comme un genre médiatique à la solde du Nord, ne fait que commencer. Son démarrage est effectif grâce à des foulées majeures comme le symposium en cours. De telles initiatives ne devraient jamais connaître une fin prématurée car il y va du destin d'un journalisme culturel africain uni de par le continent. Tolérance, respect mutuel, formation continue et humilité devraient toujours l'emporter. Le réseautage est la voie qui nous conduit à l'excellence.

Télesphore MBA BIZO

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