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Après l'océan, un film de Éliane de Latour
À chacun son Ulysse
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 25/09/2009
Meriam Azizi
Meriam Azizi
Eliane de Latour
Eliane de Latour
Bronx Barbès, 2000
Bronx Barbès, 2000
Eliane De Latour dirigeant un acteur de Bronx-Barbès
Eliane De Latour dirigeant un acteur de Bronx-Barbès
Frazer James (Shad), Après l'océan
Frazer James (Shad), Après l'océan
Djédjé Apali (Otho), dans Après l'océan
Djédjé Apali (Otho), dans Après l'océan
Sara Martins (Olga) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Sara Martins (Olga) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Fakoly Tiken Jah
Fakoly Tiken Jah
Après l'océan
Après l'océan
Après l'océan
Après l'océan
Tella Kpomahou (Pélagie) dans Après l'océan
Tella Kpomahou (Pélagie) dans Après l'océan
Malik Zidi (Bruno) et Kad Mérad (Oncle Tango) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Malik Zidi (Bruno) et Kad Mérad (Oncle Tango) dans Après l'océan ©Toma Baqueni
Lucien Jean-Baptiste (Tétanos), Sara Martins (Olga) et Frazer James (Shad), dans Après l'océan © Toma Baqueni
Lucien Jean-Baptiste (Tétanos), Sara Martins (Olga) et Frazer James (Shad), dans Après l'océan © Toma Baqueni
Fraser JAMES
Fraser JAMES
Djédjé Apali
Djédjé Apali

Éliane de Latour, est un nom à retenir. Anthropologue de formation, la réalisatrice compte déjà à son actif sept films entre documentaires et fictions de long-métrage. Avec son premier documentaire Les temps du pouvoir, l'année 1983 sera décisive et synonyme de déclenchement d'une carrière fructueuse. Ses sujets, elle les puise dans une société dont elle possède et maîtrise bien les codes. Dans son rapport avec l'Afrique de l'Ouest, longtemps objet de ses recherches, la réalisatrice pose à travers ses films plusieurs problématiques ancrés dans la vie de chaque Africain. La pratique du documentaire est en ce sens une introduction à la fictionnalisation, un genre qu'elle a su adopter.

On se rappelle bien de l'éprouvant Bronx Barbès, sorti en 2000, où la caméra s'immisce dans les ghettos abidjanais poursuivant le quotidien des personnages Nixon et Toussaint, deux frères au contact permanent de la violence, de l'indigence et de la cruauté humaine. Après l'océan reste dans la même continuité. Le scénario reprend presque symétriquement le même schéma actanciel. Cependant, on note quelques différences narratives majeures du fait de l'émergence d'un nouvel élément qu'est cette ouverture sur l'étranger. Les lieux de l'intrigue oscillent entre deux géographies, en l'occurrence l'Afrique et l'Europe.

La thématique dépasse le conflit entre deux individus menant le même combat. Cette fois, il s'agit d'un voyage initiatique mythifié par une légende d'anciennes traversées d'épopées conquérantes, comme celle de Kanta, ce guerrier ancestral à qui s'identifient Otho et Shad. Par ailleurs, de nouveaux personnages fonctionnant aussi sur un mode binaire gravitent autour du couple central.
Du côté des adjuvants, on note le couple féminin Olga et Tango, celui des opposants, Baudelaire et Tétanos. Tango se noue d'une grande amitié avec Shad, une amitié tellement forte qu'elle attise la jalousie de Bruno. Celui-ci, les mettant tous les deux en péril, se rajoute à la liste des opposants.
L'histoire d'amitié est idéalisée. Elle est si pure qu'elle paraît impossible. Le film en donne la preuve en mettant fin à la vie de Tango, l'être céleste qui croise le destin de Shad, son ange gardien.

Partis de leur Abidjan natal à la conquête d'une nouvelle vie et dans l'espoir d'honorer leurs familles, les deux amis se séparent en Espagne lors d'une altercation avec la police. Shad s'en est échappé belle. Ce n'est pas le cas d'Otho, son ami d'enfance et futur beau-frère, qui s'est trouvé reconduit à la frontière. Cet incident constitue la péripétie principale du film. Non seulement elle enclenche la suite des événements, mais en plus, elle symbolise, en quelque sorte, la rupture et la divergence des deux héros.

C'est une nouvelle vision de l'immigration que Éliane de Latour nous propose de considérer dans toute sa complexité humaine et loin du cliché de la France Eldorado. Si son retour au village est vu par Shad comme un échec cuisant, Otho continue son parcours en restant fidèle à sa philosophie de vie. Bien que la pression qu'il subit de la part de sa famille et celle de sa promise est parfois insoutenable, il s'accroche à ses principes. C'est de l'intérieur que la réalisatrice s'attaque à montrer l'immigration. L'esthétique de l'image est choisie pour répondre à cet objectif. Au-delà du profilmique, le film en lui-même dresse implicitement un réquisitoire contre les politiques anti-immigrés qui regardent les étrangers comme un fléau, une menace pour la sécurité du pays. Paradoxalement, on oublie que l'immigration aujourd'hui est un phénomène qui a déjà existé dans le sens inverse et qu'il n'en est qu'une suite on ne peut plus naturelle.

La musique de Tiken Jah Fakoly, chanteur engagé, est d'à-propos quand on sait que les paroles de son répertoire reprennent la même thématique du film et font résonner des histoires marquées par l'expérience souvent douloureuse de ceux qui quittent le chez soi avec un grand espoir. Après l'océan captive le spectateur par sa force d'empathie et d'émotion. Le dernier opus d'Éliane de Latour éclate par sa vérité percutante. Un film qui a sa place parmi les nouvelles productions africaines qui se trouvent au croisement de la même problématique posée.

Meriam AZIZI

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