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Festival International du Film du Moyen Orient - Abu Dhabi 2009
Mohamed Zran consacré meilleur réalisateur
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 27/10/2009
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
MEIFF 2009
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Les Secrets (Dowaha), de Raja Amari
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Essaïda
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Le Prince
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Le Chant du millénaire
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Simon Haddad dans Vivre ici
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Hadi Boufalga et Simon Haddad dans Vivre ici
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Vivre ici, 2009
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Fatma Bent Garaa et Tahar Zran dans Vivre ici
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Vivre ici, 2009
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Tahar Zran face à ses élèves dans Vivre ici
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MEIFF09 Closing Night : Mohamed Zran recevant son prix, à côté de Biyouna (Algérie)
MEIFF09 Closing Night : Mohamed Zran recevant son prix, à côté de Biyouna (Algérie)

Au dernier Festival International du Film du Moyen Orient (Abu Dhabi - Émirats Unis), la Tunisie était représentée en compétition officielle par deux films : Dawaha, le nouveau film de fiction de la jeune talentueuse Raja Amari, et Zarzis, ici et maintenant, le nouveau documentaire de Mohamed Zran. Nous nous réjouissions déjà à l'annonce du programme de ce festival quand nous apprenions que les deux jeunes réalisateurs avaient été sélectionnés. La jeune génération de cinéastes tunisiens arrive à se placer au diapason des manifestations les plus en vue au moins du monde arabe.

Si la chance n'a pas souri au premier film, le second n'est pas passé inaperçu. Il a en effet valu à son auteur le prix du meilleur réalisateur de documentaire moyen-oriental d'une valeur de 50.000 dollars. C'est un prix qui, à notre sens, a une valeur particulière parce qu'il vient consacrer outre le film lui-même, la qualité de la mise en scène. Ceci, pour un réalisateur et un témoignage ainsi qu'une reconnaissance très espérée et rassurante quant à son parcours et travail d'auteur de cinéma. C'est en effet rare qu'un jury soit sensible au côté réalisation dans un documentaire. Souvent, très souvent c'est la pertinence du sujet qui prime. Le jury de cette édition du festival d'Abu Dhabi composé de James Longley (Président), Gonzalo Arijón, Joslyn Barnes, Rashid Masharawi, Hend Sabry, a été sensible à la qualité de l'écriture du documentaire chez Mohamed Zran.

Cela est d'autant plus mérité que le sujet du film est en apparence anodin et donc difficile à traiter. Il est beaucoup plus facile de parler de la famine en Afrique, des droits de la femme dans les sociétés patriarcales, des enfants de la rue dans les cartiers pauvres de Calcutta… Il est encore plus attrayant de filmer dans les contextes de guerre ou de génocides au Rwanda, au Darfour ou à Gaza. Il y a aussi de cela, mais pas uniquement, dans le documentaire de Mohamed Zran. Mais porter son regard juste à côté de soi, pour y voir l'impact de ce qui se passe dans les coins les plus éloignés en plus est très exigeant quant la pertinence du point de vue et à la pénétration du regard, cela reste possible uniquement possible à travers un travail d'écriture si bien conçu qu'il permet d'aller au fond des choses.

Cet intérêt pour les petites gens n'est pas nouveau chez Mohmed Zran. Dans ses deux fictions, Essaida ou Le Prince, il avait toujours placé sa caméra dans les quartiers populaires de Tunis pour aller les sonder dans leurs profondeurs. Les documentaires aussi vont dans le même sens. Le Chant du millénaire (2002) est une épopée de ces gens modestes, à la limite de la pauvreté qui se battent qutodiennement pour gagner leur vie par la force de leur travail et leur ténacité. Le cinéaste faisait de son film l'écho du tournant du siècle, à l'aube du 21ème millénaire chez des gens qui semblent ne pas sentir son arrivée.

Le nouveau documentaire s'inscrit dans un souffle renouvelé de cet intérêt à la réalité la plus proche. Il n'y a pas besoin d'aller très loin de chez soi pour être à l'écoute du monde. Et la lecture la plus pertinente n'a peut-être pas besoin de venir de la bouche des philosophes ou les intellectuels, il n'y a qu'a porter le regard sur les gens "ordinaires", ceux qui habitent juste à côté, pour voir et/ou écouter les échos de la crise économique mondiale, les plus grandes tensions qui déchirent le monde.

Mohamed Zran donne la parole à ces gens-là : un épicier juif, une marieuse, un instituteur… Ils ne se retrouvent pas sur un plateau de télévision, ni autour d'une table de conférence… C'est lors de rencontres anodines, au passage par le petit magasin de Simon, que se font entendre les opinions des "intellectuels" de Zarzis, petite ville du Sud tunisien. Hédi le peintre, Tahar l'instituteur confrontent leurs visions du monde à celles de Béchir le chauffeur de taxis et de Fatma la marieuse pour livrer une analyse de la mondialisation.

De ces discussions, le cinéaste a tiré un matériau des plus riches afin de construire un documentaire dont le sens se laisse entrevoir à plusieurs niveaux. Ne cherchez surtout pas la pertinence des idées développées par les personnages. Ce n'est pas le propos d'un réalisateur qui se respecte que de se contenter de les enregistrer. Ces propos ne sont en fin de compte que le matériau pour une mise en scène qui construit un propos autre. La réalité est ce qu'elle est, le talent d'un cinéaste est aussi de faire un film intéressant en portant son regard vers les situations les plus ordinaires. C'est là où se situe l'épreuve la plus dure mais la plus excitante pour un auteur.
Il semble que le jury du Festival d'Abu Dhabi a bien compris le processus de mise en scène de Mohamed Zran c'est pour cela qu'il lui a attribué le prix du meilleur réalisateur comme reconnaissance, au-delà de la gravité du sujet ou de son aspect sensationnel, de cette qualité fondamentale chez un auteur de cinéma.

Hassouna Mansouri

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