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Lettre de New Delhi
Kama Sutra, Buddha, Lord Krishna...
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 06/11/2009
Elle et lui (Hya wa Houwa), 2004
Elle et lui (Hya wa Houwa), 2004
Elyes Baccar
Elyes Baccar
La Longue nuit (Al Lail Al tawil)
La Longue nuit (Al Lail Al tawil)

Le 11è Festival Osians Cinefan s'est ouvert Vendredi 24 Octobre dans le complexe de belle allure Siri Fort à New Delhi. Parallèlement, une exposition d'œuvres d'art est inaugurée au somptueux Hôtel Taj sous l'égide de Neville Tulli, président d'Osians.

L'inde : un pays aux mains de lettrés

À New Delhi, en tout cas, c'est comme si un parti politique œuvre uniquement pour l'édition et la promotion de milliers de livres chaque jour. Sous les arcades de Connaught Place, à Khan Market, à Urdu Bazaar, on ne voit que des stocks de livres et des librairies qui attirent les passants comme des aimants. On envie l'opulence des maisons d'édition de l'Inde : Viking Press, Rupa and Co, Penguin India, Harpercollins...
Pas une galerie marchande, un lobby d'hôtel, un hall de gare, un passage étroit à New Delhi sans une montagne de livres. On peut dont difficilement quitter un jour New Delhi sans supplément de bagages, un précieux emballage de beaux livres sur les plaisirs et les dieux : Kama Sutra, Maharabarata, Buddha, Lord Krishna...
Pendant ce temps, sous l'oeil vigilant du grand cinéaste indien Mani Kaul, le 11° Festival Osians Cinefan a lancé son programme, avec des films indiens, asiatiques et arabes dont Le Mur des Souffrances du Tunisien Elyes Baccar (Hia ou Houa (Elle et lui)) et La Longue Nuit du Syrien Hatem Mohamed Ali, primé au Festival International du Film Arabe d'Oran en juillet dernier.

En Inde, c'est l'automne des festivals

Après Delhi, c'est au tour de Bombay début Novembre, puis Goa et Calcuta suivront jusqu'à fin Décembre. À Delhi, Osians Cinefan a franchi le pas cette année en proposant un festival totalement original. La projection des films est non seulement accompagnée par des colloques, débats comme ailleurs mais aussi par une véritable plongée dans le monde des arts indiens, peinture, sculpture, vieux manuscrits. Osians Cinefan se démarque ostensiblement de la démarche des festivals habituels en ajoutant une galerie d'art pour les curieux, les amateurs et aussi les acheteurs puisque Neville Tulli, grand collectionneur et président du festival, propose une vente aux enchères dans les salons très huppés du Taj Hotel de Delhi qui coïncide avec la cérémonie de clôture.

Désormais l'ultralibéralisme, comme moteur

Dans les années 70-80, je venais souvent en Inde, tour à tour à New Delhi, Bombay (Mumbai, imposé par le parti Shiv Shena, d'idéologie ultranationaliste), Madras,Calcutta, Trivandrum...Tous les ans, le Festival des films de l'Inde changeait d'État. L'Inde à cette époque-là était encore un pays " socialiste démocratique". Indira Gandhi, suivie de son fils Rajiv, était à la tête du pouvoir et du Parti du Congrès. L'Inde était le chef de file du mouvement des "pays non-alignés" et en même temps très proche de l'Union soviétique. Il n'y avait ni Coca cola, ni McDonald et les seules voitures qui circulaient étaient de marque Tata.
Aujourd'hui, tout a changé, un bouleversement total. L'Inde est entrée dans l'économie de marché. Le socialisme a disparu au profit de l'ultralibéralisme.

Toutes les multinationales de la planète sont présentes en Inde et fabriquent (pour leur profit) les produits les plus divers : mécaniques, électroniques, pharmaceutiques, cosmétiques, alimentaires. Pleines d'efficacité (dit-on), les grandes sociétés de service internationales ont ouvert des succursales en Inde, ou parfois leurs sièges permanents de l'Himalaya aux mégapoles équatoriales de Bombay et Calcutta.

Les résistances ainsi que les bêtes

L'Inde est-elle devenue un autre "dragon" de l'Asie ? C'est une idée déjà assez répandue. Il y a un milliard deux cent millions d'Indiens aujourd'hui, malgré un planning familial soutenu ("a small family is a happy family", slogan affiché partout). Les Indiens heureusement ne sont pas tous tombés dans l'anglophilie ou l'américanophilie. Beaucoup de résistance, sinon dans le business, du moins dans la littérature, le cinéma, la musique, l'université (les enfants indiens ne sont pas tous éduqués à Oxford ou Princeton,même si c'est le rêve de beaucoup de parents riches ici...).

Mais l'Inde a toujours ses bêtes noires. À la Une de l'Hindustan Times, les nouvelles ne sont pas bonnes. Des groupuscules venus on ne sait d'où et qui se disent maoïstes ont attaqué des postes de police à Orissa. Barack Obama a signé un chèque de plusieurs milliards de dollars d'aide à la pire bête noire de l'Inde : le Pakistan où le terrorisme taliban fait rage en ce moment. La Chine aussi se mêle des affaires de l'Inde (selon l'Hindustan) en construisant des barrages dans la zone du Cachemire, litige historique et sanglant entre New Delhi et Islamabad.

Perte de piétons

C'est le moment d'arriver en Inde. La Mousson est passée. Il ne fait que 30 degrés dans la journée à New Delhi. La capitale de l'Inde est très agréable à vivre. Même si le capharnaüm automobile (de toutes les marques) continue à bloquer les rues. Horn Please ("Klaxonnez s'il vous plait !"), c'est écrit à l'arrière des camions et des bus qui se faufilent péniblement entre la marée de taxis, scooters, rickshaws qui lâchent des nuages de fumée... La presse rappelle chaque jour qu'il y a un pourcentage de perte (de piétons) assez élevé dans les rues de New Delhi...

La pomme et le crayon

Les pèlerins venus de partout attendent devant Birla House, la maison du Mahatma Gandhi. Chacun son tour, avec le sourire du Yogi qui fait son yoga au Buddha Jiyanti Park. À propos de Gandhi, les amis indiens sont toujours choqués par la pub de la firme Apple. Une photo montrait Gandhi, son pagne et sa fameuse paire de lunettes rondes et le slogan d'Apple disait : Think different ("pensez autrement"). Cette pub qui a failli récolter un oscar pour avoir osé ! ne plait pas en Inde. Gandhi n'a jamais posé pour Apple qui n'existait pas de son temps. D'ailleurs, il n'aimait pas la technique et utilisait un simple crayon. Mais les pages publicitaires sont toujours tissées d'énormités.

Azzedine Mabrouki

Article paru dans El Watan.

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