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Alexandrie New York, de Youssef CHAHINE
Mémoire froissée, Miroir brisé
critique
rédigé par Mahmoud Jemni
publié le 07/12/2009
Mahmoud Jemni
Mahmoud Jemni
Youssef CHAHINE (يوسف جبريل شاهين)
Youssef CHAHINE (يوسف جبريل شاهين)
Alexandrie, pourquoi ?, 1978
Alexandrie, pourquoi ?, 1978
Alexandrie… New York (Iskendereya...NewYork), 2003
Alexandrie… New York (Iskendereya...NewYork), 2003
L'autre, de Youssef Chahine
L'autre, de Youssef Chahine
Gare centrale, 1958
Gare centrale, 1958
Yousra
Yousra

Un récit émaillé d'autobiographie et de narcissisme auxquels Youssef Chahine nous a habitués depuis "Alexandrie, Pourquoi ?".

Dès l'exposition, Chahine dévoile son ambivalence envers un pays qui n'a jamais cessé de le fasciner : l'Amérique. Il espérait y être reconnu. Chose faite puisque les Américains lui rendaient hommage après un demi siècle de carrière cinématographique. Il refuse par solidarité avec les Palestiniens qui se voyaient quotidiennement massacrés par les Israéliens, alliés préférés des Etats-Unis. La rebuffade cède la place au voyage au pays de l'oncle SAM. Là-bas, Ginger, ses premières amours du temps où il était étudiant en Amérique, exhorte son fils Alexandre d'assister au point de presse du réalisateur égyptien Yahia Choukri. Jeune danseur, Alexandre apprend que ce réalisateur n'est autre que son père. Réaction brutale : " je ne suis pas content que tu sois mon père. Je suis né en Amérique d'un père américain". Son dédain des Arabes, il ne le cache. Et pourtant, l'Autre est le thème central du film.

Dès le premier plan une splendide voix d'un chanteur égyptien tonnait " Comment peux-tu être en même temps toi-même et l'espoir des autres". L'autre, dimension objective et réelle dans notre vie, est incriminé par les deux protagonistes : Alexandre, l'Américain et Yahia l'Arabe. Chacun a ses raisons.

Le fils appartient à un territoire clos. Rien ne compte en dehors de son univers artistique ou spatial. Dans sa vie il n'y a que sa fiancée, sa mère et son professeur. Il ne sait rien sur les autres civilisations. Elles ne l'ont jamais intéressé.

Le père qui désirait volontairement rencontrer l'autre ne perd aucune occasion pour se venger. N'a-t-il pas été humilié du temps où il était étudiant ? Ne l'a-t-on pas chassé des studios Columbia, trois minutes après y avoir accédé tandis que sa petite amie Ginger a quitté les studios avec un contrat dans la poche ? Sa progéniture, ne l'a-t-il pas renié parce qu'il est Arabe ? Ce même Arabe était major de sa promotion et cinéaste reconnu par la plus grande manifestation cinématographique : Cannes.
C'est une Amérique hautaine, cynique, aveugle, pourvoyeuse de la mort. Contrairement à son pays ou sa ville, Alexandrie, berceau des civilisations et de tolérance, New York - avec sa statue de liberté - combat l'amour et la tendresse.

L'Autre est une thématique omniprésente chez Chahine. Un concept fort présent dans son œuvre. Il suffit de se rappeler du film intitulé "L'Autre". Chahine, qui revendique haut et fort le dialogue avec l'Autre, nous a tous (protagonistes et spectateurs) confinés dans des espaces réduits. De sa filmographie il n'a montré au meilleur cas que des plans de demi ensemble (Gare centrale/Alexandrie pourquoi ?). Du nouveau monde, et de New York principalement, on a eu le droit à des intérieurs quasi exigus avec très peu d'individus. Ces derniers ne relatent pas le brassage humain et culturel de l'Amérique. C'est une Amérique uniforme. Le peu de figurants montrés à l'écran reflètent des ambiances égyptiennes américanisées.

Un peu de réalisme ne ferait pas de mal au film. Certainement, il aiderait l'œuvre à se libérer de son atmosphère égypto-égyptienne. Il nous renseignait aussi sur l'évolution de l'Amérique profonde. Car cette Amérique c'est le vrai Autre. Des représentations de la vraie New York nous feraient l'économie des chorégraphies mal conçues, mal représentées et injustifiées (Carmen). À quoi riment-elles ? Quelle filiation démontrent-t-elles ?

Plusieurs fausses notes, voire du remplissage viennent alourdir le temps et le ton. Une seule note d'espoir : dialoguer avec l'Autre à travers ses œuvres. Le père contemple son fils sur scène. Le fils visionne les films du père. C'est bien le dialogue des cultures mais il n'y a pas de cultures sans hommes. L'homme est à la fois point de départ et point d'arrivée. Qu'il prime. Qu'il garde en tête des souvenirs clairs de l'Autre. Que son miroir (l'Autre) lui renvoie des images nettes. Un miroir brisé ne remplit jamais cette fonction.

Mahmoud JEMNI

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