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11° Festival du Film de Mumbai
Curry ou tandoori ?
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 07/12/2009
Mumbai 2009
Mumbai 2009
La Chine est encore loin, de Malek Bensmaïl.
La Chine est encore loin, de Malek Bensmaïl.
Malek Bensmaïl
Malek Bensmaïl

Terminus Mumbai. Dans le vent chaud qui souffle de l'Arabian Sea, la forteresse économique de l'Inde tente d'oublier et de retaper avec soin les éclaboussures des attentats de Novembre 2008. La foule sur le parvis du Cinéma Fan Républic est nombreuse et euphorique. On inaugurait ce soir-là 29 Octobre l'ouverture du 11° Festival du Film de Mumbai (MFF), organisé par la Mumbai Academy of The Moving Image (MAMI) et sponsorisé par Reliance Big Entertainment, une puissante firme appartenant au groupe privé Anil Dhirubhai Ambani.

Je me frotte les yeux en arrivant à Andheri, le quartier artistique de Mumbai où se trouve Fan Cinema. Sur les murs, il y a de grandes affiches du film algérien La Chine est encore Loin de Malek Bensmain.
Les frissons des Aurés sont arrivés jusqu'à ce bout du monde. Les cinéphiles indiens n'ont sans doute que rarement entendu parler des Aurès, mais dans la salle, rien que pour m'asseoir, je dois me contenter d'un petit strapontin. C'est le titre avec le mot " Chine " qui a semé une grande curiosité pour... l'Algérie!

Les sous-titres anglais aidant, ce chant des Aurés est passé avec une extraordinaire finesse sur l'écran de Mumbai. Tout à coup, l'immense décor des montagnes à certaines heures bleues se plante là devant nos yeux et on a l'impression de respirer l'air pur qui baigne les sommets. Une sorte de magnétisme photogénique apparaît dés les premières images du film où l'on voit un homme seul qui avance dans la solitude. Le film ensuite déploie les secrets d'un village et de ses habitants, de ses enfants joyeux, discrets et affables. Ni bruit ni chuchotement dans la salle, le public indien, pris sous le charme de ce morceau des Aurès, est resté sans broncher jusqu'au générique final.

Au Festival de Mumbai, les jours suivants, je voyais que ce même public aimait avec transport, sans restriction le cinéma de son pays. Sans pour autant oublier de remplir les salles où étaient montrés les films d'autres pays.
Bien vivants, bons vivants, les cinéphiles indiens (et surtout les femmes que j'avais grand plaisir à regarder avec leurs saris flamboyants et leurs longues chevelures noires) mettaient chaque jour un pétillement éclatant dans l'ambiance du Festival de Mumbai. On ne trouve nulle part ailleurs qu'en Inde cet engouement joyeux pour le cinéma.
Les images sur grand écran fascinent les Indiens et que dire de l'extraordinaire fascination qu'on éprouve en Inde pour les acteurs de cinéma. Un acteur indien n'est pas seulement un acteur, certains sont considérés comme des Dieux.
J'étais là un beau soir au Fan Cinéma quand le Festival de Mumbai a reçu pour l'honorer un de ces Dieux, une icône, un monument, une légende vivante : Amitabh Bachchan. Il s'est produit comme un tremblement, une secousse humaine. C'était comme si les Grecs revoyaient Alexandre le Grand !
Tout un continent, l'Inde avec son milliard et ses 250 millions d'habitants, gronde de tension, de plaisir dés que Big B (le surnom d'Amitabh Bachchan) apparaît en chair et en os quelque part. "Il n'y a d'autre Big B que Big B", c'est la leçon qu'on enseigne dans les écoles de l'Inde.

Amitabh Bachchan est un grand brun au charisme "méga-watt". Il a tourné dans 180 films dans les studios de Bollywood depuis 30 ans. Il sait chanter, danser, sauter, de bagarrer. Il a aimé de très belles actrices sans toutefois les embrasser... Après les premières années où il jouait les "angry young man", maintenant, à 60 ans, il a des rôles softs, romantiques, très sages. Il a lâché la politique, il écrit chaque jour son Blog et anime une émission à la télévision.
À Mumbai,on ne présente pas Amitabh Bachchan. On le remercie d'être là, vivant,ce qu'il est : un oiseau rare, svelte pour son âge, souriant, bon vivant.

Cela aurait paru invraisemblable qu'il ne vienne pas au festival de Mumbai. Contre toute attente, il s'est mêlé sans façon à l'énorme foule qui l'attendait, signant des papiers, se faisant photographier. Le mythe s'est retrouvé au milieu d'une sympathique foire d'empoigne et il semblait aimer ça.

Le 11° Festival de Mumbai qui s'est achevé le 5 Novembre a connu plusieurs succès. Le succès d'une organisation parfaite (Reliance Entertainment), le succès d'un programme de 200 films venus de 56 pays choisi par la MAMI (le travail du service de presse et le bouche à oreille ont fait remplir les salles), le succès de l'extrême gentillesse et hospitalité indiennes. Les invités se payaient le luxe d'être logés au Sun and Sand Hotel, palace de Juhu Beach, face à l'Océan Indian (Arabian Sea),et côté "food" : Biryani, Curry et Tandoori à volonté...

En Inde, en cette période d'automne aprés les chaleurs et la mousson, les festivals de films se succèdent à une cadence rapide: Mumbai, Delhi, Goa, Kolkata (Calcutta),Trivandrum...
Au 11° Festival de Mumbai (MFF),on a eu le grand mérite de tourner les projecteurs aussi vers le cinéma des pays peu producteurs de films, comparés au mécanisme pharaonique des studios indiens qui franchissent chaque année joyeusement la barre des 1000 films.
Ici et ailleurs dans le monde, il y a mille obstacles pour faire un film. En Inde, on accumule les bobines d'images avec une rapidité exceptionnelle et la hautaine assurance que le cinéma participe aussi à l'effort de développement du pays (l'Inde a un taux de croissance énorme de 8 à 10%).
Au Festival de Mumbai, j'ai surtout suivi le programme de la section Indian Frame (cadre indien). Un choix captivant de 15 films, en plusieurs langues, véhiculant des légendes, des critiques sociales, des légendes, des enquêtes criminelles. Certaines productions très attendues étaient d'exceptionnelles réussites, comme les oeuvres de Rituparno Gosh, Amit Dutt, Sachin Kudalkar.

Tel fut mon voyage en Inde, à Mumbai, cette machine de cinéma jusqu'à l'hypnose. On dirait qu'une lave de feu (cinématographique) coule en permanence dans cette mégapolis étonnante. Et c'est là qu'un beau film algérien a déroulé sa toile, là où les splendeurs du décor des Aurès ont rempli les cadres des écrans.

Azzedine Mabrouki

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