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Yankel ! L'Afrique à l'atelier, d'Idriss Diabaté
Le portrait d'un passionné de la diversité
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 08/02/2010
Fortuné Bationo
Fortuné Bationo
Idriss Diabaté
Idriss Diabaté
Yankel
Yankel

L'Institut Goethe Côte d'Ivoire a abrité le 05 février la projection du dernier documentaire du réalisateur ivoirien Idriss Diabaté. Yankel ! L'Afrique à l'atelier a été accueilli par des applaudissements enthousiastes à la fin de la séance.

Plus qu'un maître, un éclaireur de destinées.

Dans son atelier de Paris grouillant de nationalités différentes dans les années 70 à 80, le peintre Jacques Yankel Kokoïne ne variait jamais son mot d'ordre de formation : lancer ses disciples sur des chemins autonomes, les encourager à cultiver un lien différent avec la création picturale Cette philosophie a tant marqué ses élèves ivoiriens que le souvenir de ce juif français au sourire espiègle et au verbe attachant est omniprésent dans leur pinceau. Mais aussi dans leur causerie entre amis. C'est ainsi qu'Idriss Diabaté, professeur - mais surtout documentariste prolifique, lauréat du prix spécial Uemoa au dernier Fespaco pour son film La femme porte l'Afrique - a appris à pénétrer l'univers de ce peintre affable, pour qui peindre était aussi avant tout une autre manière de réaffirmer ses origines. D'où son admiration devant les techniques de ses élèves africains, qui ne se gênaient pas de débarquer en France avec sable, cauris et tissu local tapa, à l'aide desquels ils semblaient proclamer sur leurs toiles un cordon ombilical territorial. Une fascination pour Yankel, passé maître dans l'art d'accueillir les étudiants coupés des normes académiques et refoulés par d'autres enseignants.

Le documentaire d'une heure qui lui est consacré démarre sur une comparaison entre le dessin et la peinture, où Yankel, nez plongé dans une page, conteste le jugement d'un grand maître, dont il reprend la phrase à haute voix. Loin d'être anodine, cette entame annonce les couleurs en affichant une des facettes du personnage, son indépendance d'esprit. Alors qu'on s'attend à ce que le discours s'enfonce dans des démonstrations savantes sur l'art, c'est plutôt la nature sympathique de l'homme qui apparaît, servie par une voix chaleureuse, et un humour corrosif. Dans une ambiance générale de huis clos où les œuvres ne cessent jamais d'exister, Yankel se raconte par bribes, parle des femmes des grands peintres, dans l'ombre de leur démiurge. Personnage profondément à part sous ses dehors avenants, Yankel est un être indéchiffrable autant que peut l'être une peinture sûre de ses multiples scenarii.

En se racontant, tout ce que son humilité gomme revient cependant sur les lèvres des témoins, ses anciens élèves qui ne tarissent pas d'éloges à son endroit : "C'est un homme d'une liberté absolue. Il ne te demande pas de le suivre, il te suit", a témoigné le peintre ivoirien Ibrahim Keita. Un concert de louanges a salué l'humaniste, dont la maison est garnie d'œuvres hétéroclites, parmi lesquelles des acquisitions africaines.
Se décrivant comme écrivain sans le grand "E", sa plume traque tout type de sujet, où l'on retrouve notamment un désir d'Afrique parfois hérité de certains clichés étroits. N'empêche, il les assume en lisant ses escapades au Sénégal à haute voix.

Le documentaire peut également être vu comme un hommage à certains peintres ivoiriens, que l'on voit à l'œuvre d'un bout à l'autre du film. C'est en même temps un appel à la jeune génération africaine, pour ne pas qu'elle se laisse attirer par les pieuvres de l'argent facile, où la personnalité se noie sans retour.

Fortuné Bationo

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