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Avatar, de James Cameron
La perversité... quel prix !
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 10/02/2010
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
James Cameron
James Cameron

L'un des films qui marqueront ce début 2010 c'est Avatar du Canadien James Cameron. Souvent il est évoqué d'abord pour les effets très spéciaux réalisés avec la technologie la plus avancée dans le domaine de l'image tridimensionnelle. C'est à se demander si le débat ne risque pas de passer à côté de l'essentiel : le cinéma. On dirait que l'art est devenu un prétexte pour jouer sur l'effet que la technologie peut provoquer chez les spectateurs.

Quand James Cameron réalisait Titanic avec 200 millions de dollars on avait crié à la folie. Avec Avatar, il met la barre encore plus haut avec plus de 500 millions de budget. Des chiffres… faramineux… mais pas virtuel. C'est peut-être là où le bât blesse. C'est à frôler l'amoralisme par les temps qui courent. Pire, les statistiques montrent que le film serait déjà rentabilisé après deux semaines seulement d'exploitation dans les salles sans compter les gadgets, les jeux vidéo et toutes autres formes de produits de marketing. En Décembre 2009, il avait déjà réalisé 250.419.951 dollars au box-office américain et 476.192.825 à l'étranger, le total est donc de 726.612.776. Et monsieur Cameron, en un bon calculateur, annonce encore une suite à cette folie, c'est le moins que l'on puisse dire.

A-t-on vraiment besoin de tous ces moyens pour faire un film intelligent. Est-t-il vraiment nécessaire que tant d'argent soit utilisé pour un film ? Peut-on se permettre ce genre de faste alors que le monde est confronté à la crise économique et financière la plus grave de tous les temps, alors que des milliers de gens meurent de faims chaque jour, alors que des millions vivent au-dessus du seuil de pauvreté ? Et pourquoi ? Pour une prouesse technologique, pour un produit d' "Entertainment" ? L'émotion que l'on a à voir ce film est presque criminelle. Un sentiment de culpabilité ou de quelque indescriptible sensation d'amertume et de malaise s'empare des consciences et amène à se poser plein de questions.

Le contenu du film en soi n'a rien de nouveau. Il est construit sur un message aussi naïvement moraliste que celui de Titanic avec en plus un élan patriotique, humaniste et écologique sans grande profondeur. C'est un mélange de plusieurs topos cinématographiques puisé dans des genres différents. L'univers de science fiction dans lequel une armée américaine part à la conquête d'une nouvelle planète armée de sa technologie la plus sophistiquée reprend les genres classiques de film de guerre, de western, et de conte de fée à la Walt Disney.

Des êtres mis-humains en osmose avec la mère nature ne sont pas loin des indiens qu'on voyait dans les films de la conquête de l'ouest américain où le méchant homme blanc est confronté à la bonté de autochtones pacifiques. Les mêmes qu'on voit dans les films d'exploration Christoph Colomb et compagnie avec un reste de Péplum… Les combats quant à eux ne sont pas sans rappeler les scènes de films de guerre : le clin d'œil à tous ces films s'inspirant des campagnes américaines en Vietnam ou en Corée, et encore plus récemment dans d'autres coins du monde, est évident.

Mais le motif le plus évident est certainement l'idée de voyage de conquête inter-galaxique menée par une expédition militaro-scientifique dans une planète lointaine appelé Pandora synonyme d'Eldorado. Là encore, l'idée est très simple comme en on a vu beaucoup : les militaires sont les méchants, les scientifiques sont les bons ainsi que tous ces êtres magiques qui sont les habitant de cette planète. Alors que les hommes de science, menés par une excellente Sigourney Weaver dans le rôle de Dr. Grace Augustine, cherchent à rentrer en communication avec les Na'vi sauvages (Natives, "indigènes" en anglais) et trouver une solution diplomatique, les militaires pensent bombardements et extermination. Ces derniers n'ont qu'un objectif : l'exploitation des minéraux abondant susceptibles de résoudre la crise énergétique à laquelle la Terre est confrontée. C'est dans l'air du temps… rien de nouveau.

Ce côté naïf ne pouvait que trouver une traduction dans la magie. James Cameron est allé le chercher dans le fond féerique. La bataille - entre d'une part les méchants militaires irrationnels et sans âme, et d'une autre part, les Aliens, les bons enfants de la nature et les hommes de science et du savoir - se résout grâce à une intervention divine de mère Nature suite à un moment de recueillement du Marine Jake Sully, alias Sam Worthington. Instant pendant lequel il est rentré en communion mystique avec le Monde-Nature après avoir été initié à ne le nommer que "chez soi" ou en anglais "Home". Finalement, Jake rentre définitivement dans la peau du mythique protecteur de cette population des Omaticaya et chasse les conquérants des terres de Pandora.

La fin en conte de fée renoue avec les émotions recherchées et provoquées par la technologie. Comme le récit féerique, la 3D transporte le spectateur en dehors de la réalité concrète. L'effet extraordinaire de l'image, la musique envoûtante et le travail extrêmement minutieux du son mis à part, le récit risque d'être d'un grand ennui. L'image extrêmement sophistiqué additionnée aux schèmes sensori-moteurs hérités du patrimoine narratif agissent sur les sens et sur l'esprit jusqu'au désarmement totale du spectateur. Le résultat final est une adhésion finale à un monde de mensonge réel. On est pris au piège matérialisé par ces lunettes bizarres qu'on délivre à l'entrée de la salle pour pouvoir apprécié la 3D à son juste effet.

Drôle d'effet que de sentir qu'on se laisse volontiers prendre par le piège, plus encore on met beaucoup d'énergie pour avoir l'une des dernières places qui restent dans la salle. En ce début d'année, le film fait salle pleine presque partout. Jusqu'où ira-t-on dans la recherche de cette prise sur le spectateur ? Et à quel prix ? Ce film est l'exemple typique de la machine encore plus gigantesque et qui est de plus en plus sophistiquée pour contrôler nos esprits et réduire le fonctionnement de la pensée au jeu vidéo. Dès lors, le prix vaut plus que le budget de ce film où finalement, il y a moins de place pour Nintendo que pour le cinéma.

On parlera certainement longtemps de ce film dans l'histoire de la consommation, mais très peu dans celle de l'art comme une œuvre d'art.

Hassouna Mansouri

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