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Rencontre avec… Fethi Haddaoui, comédien
"Je ne suis pas une star !"
critique
rédigé par Mehrez Karoui
publié le 10/02/2010
Mahrez Karoui
Mahrez Karoui
Fethi Heddaoui
Fethi Heddaoui

Pas moins d'une vingtaine de films et autant de feuilletons tunisiens et arabes. Si on y ajoute sa brillante carrière dans le théâtre depuis feu Habib Chebil au début des années 80 jusqu'à Peter Brook en 2003, en passant par l'expérience du Nouveau Théâtre avec Fadhel Jaïbi et Fadhel Jaziri, l'acteur tunisien Fethi Haddaoui semble aujourd'hui atteindre l'apogée de sa carrière artistique.

Lors d'une rencontre organisée par l'Association tunisienne pour la promotion de la critique cinématographique, il a précisé qu'il ne se considère pas comme une star. "Je suis simplement un homme connu, pas une star, affirme-t-il, avant d'ajouter : Je n'ai pas envie de devenir star tel un Samir Ghanem ou un Hussine Fahmi". De mémoire d'homme, aucun acteur tunisien n'a eu la chance de réaliser une carrière aussi riche et aussi diversifiée. Sa popularité auprès du public de la télévision fait de lui une star, du moins sur le plan local. Quant à sa notoriété au-delà des frontières, elle ne fait aujourd'hui aucun doute au regard des nombreuses productions auxquelles il a pris part en Syrie, mais aussi au Koweït, aux Émirats Arabes Unis et au Qatar. Cette rencontre, qui a eu lieu récemment à la Maison de la culture Ibn-Khaldoun, dans le cadre des Rencontres de l'Atpcc, était une occasion pour le public et les journalistes d'interroger l'invité sur ses expériences passées, mais également sur sa nouvelle vocation de producteur.

La dernière fois où Fethi Haddaoui a joué sur scène remonte à 2003, au théâtre Les bouffes du Nord à Paris, sous la direction du célèbre metteur en scène britannique Peter Brook. "C'était une expérience exceptionnelle", a-t-il déclaré. À l'origine, la pièce devrait être mise en scène par Sotigui Kouyaté qui, à cause de sa maladie, s'est fait remplacer par Peter Brook. Depuis, Haddaoui, installé dans la capitale syrienne Damas, avoue qu'il a eu du mal à retrouver le chemin de la scène. "Je ne vais quand même pas laisser la Tunisie où le théâtre est le plus évolué dans le monde arabe pour aller jouer sur d'autres scènes, se défend-il. Là-bas, je préfère travailler dans des feuilletons, chose qu'ils savent faire mieux que nous, d'ailleurs".

L'acteur
Évoquant sa carrière d'acteur, Haddaoui a insisté sur la difficulté pour les jeunes de sa génération de se frayer un chemin que ce soit au théâtre, au cinéma ou à la télévision. Il a souligné également que la génération d'aujourd'hui connaît des difficultés. En raison de l'absence de reconnaissance du métier d'acteur dans la profession. "Pourtant, ce sont les acteurs qui portent l'œuvre avec leurs corps". Le rapport avec les réalisateurs et les metteurs en scène ne facilite pas les choses. Certains réalisateurs qui manquent, selon lui, de professionnalisme compensent leur manque de savoir-faire par un acharnement impitoyable sur les acteurs. Pour lui, le réalisateur doit d'abord maîtriser tous les détails de la création, sinon il y a risque de nuire à l'œuvre et, par conséquent, aux acteurs. "Prenez Robert De Niro, par exemple, et faites-le travailler avec un réalisateur médiocre. Il apparaîtra sans doute comme un acteur médiocre !", s'est exclamé Haddaoui avec indignation.

Les secrets du succès syrien

Pour ce qui est des productions télévisuelles, la Syrie s'est imposée au fil des années comme un concurrent sérieux, sinon une véritable menace pour le monopole égyptien. Y a-t-il un secret particulier ou une recette magique derrière cette "success story" des feuilletons syriens ? Eh bien non, répond le héros de Sayed Errim, c'est juste un concours de circonstances dans une conjoncture politique favorable. "En fait, explique-t-il, les Syriens produisent avec l'argent des pays du Golfe qui détiennent le plus grand nombre de chaînes satellitaires. C'est, en effet, pour meubler les programmes de ces chaînes qu'on produit autant de fictions. L'industrie égyptienne, qui fournit chaque année environ 20.000 heures de fiction, n'arrive plus à satisfaire la demande du grand marché des télés arabes. D'ailleurs, au début, c'était la Jordanie qui devait jouer ce rôle, mais pour des raisons politiques en rapport avec la guerre du Golfe en 1991, c'est la Syrie qui a été choisie. L'intelligence des Syriens, réputés, par ailleurs, pour leur sens développé du commerce, réside dans le fait qu'ils ont su saisir cette opportunité. Leurs productions, comparées à celles de l'Égypte, font preuve de rigueur, de professionnalisme et de recherche. Ils ont abandonné les décors des studios chers aux Égyptiens pour les décors naturels. Par ailleurs, ils ont adapté à leurs feuilletons un genre nouveau, auquel les téléspectateurs arabes n'étaient pas habitués, à savoir la "fantasy historique" qui a rencontré un grand succès".
Que peut faire alors la Tunisie dans ce business florissant ? Et Haddaoui de répliquer : "Certes, il s'agit d'un grand enjeu politico-financier qui nous dépasse et qu'on ne peut pas affronter avec une production de 60 ou 70 heures de fiction par an qui ne suffisent même pas pour le marché local. Néanmoins, la Tunisie jouit de grands atouts très déterminants sur ce plan. Nous avons des techniciens bien rodés, des acteurs bien formés et des décors naturels en tous genres. Mais, malheureusement, l'argent fait défaut. Il faut que nos investisseurs s'y mettent, sachant que c'est un commerce qui rapporte beaucoup".

C'est pour ces raisons, explique F.Haddaoui, que lui-même s'est lancé dans la production. Ainsi, il a réalisé et produit une série de 25 épisodes pour le compte d'une chaîne arabe destinée aux enfants. Il produit actuellement un documentaire sur Soltan Pacha Al-Atrach, grande figure historique de la guerre de libération syrienne. Un autre projet de feuilleton historique traitant du thème de la Grande Discorde (El-fitna El-kobra) entre chiites et sunnites sera tourné prochainement au Maroc.

Et le cinéma ?

Quant au cinéma, Fethi Haddaoui a annoncé qu'il ne jouera pas dans le prochain film de Chawki El Mejri, Le Royaume des fourmis. Il a précisé qu'il ne maîtrise pas le dialecte palestinien. "J'interprète des rôles en arabe classique, ou dans d'autres langues étrangères, tels le français, l'anglais ou l'italien. En fait, je ne maîtrise que le dialecte tunisien", explique-t-il. En revanche, Haddaoui a révélé qu'il réalisera et produira lui-même un making of relatant le tournage du film Le Royaume des fourmis. À ses yeux, c'est une manière de rendre hommage à son ami Chawki pour lequel il a toujours éprouvé une grande estime. "Dès le début, j'ai cru en lui et voilà qu'après des années, on m'a donné raison", ajoute Haddaoui avec une grande émotion, sans oublier de saluer l'acteur syrien Aymen Zydane qui a produit le premier feuilleton de Chawki El Mejri, Tej Min Chouk (La couronne des épines).

Mahrez KAROUI

26 12 2009

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