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Mustapha Alassane, un pionnier qui persévère
39ème Festival International du Film de Rotterdam (27 janvier-07 février 2010)
critique
rédigé par Hassouna Mansouri
publié le 19/02/2010
Hassouna Mansouri
Hassouna Mansouri
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010
IFFR 2010
IFFR 2010
Bon voyage Sim, 1966
Bon voyage Sim, 1966
Le retour d'un aventurier, 1966
Le retour d'un aventurier, 1966
Toula, 1973
Toula, 1973
Kokoa, 2001
Kokoa, 2001
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010
Mustapha Alassane, Rotterdam 2010

À l'occasion du 39ème Festival International du Film de Rotterdam (27 janvier-07 février 2010), un programme spécial a été dédié à l'Afrique. Plusieurs films de jeunes réalisateurs ont été projetés et un hommage a été rendu à deux pionniers du cinéma en Afrique : le Sénégalais Momar Thiam et le Nigérien Mustapha Alassane. Nous avons rencontré ce dernier qui nous a fait part de ses impressions.

Comment se passe l'hommage que le festival vous rend cette année. Il semblerait que c'est la première fois pendant votre longue carrière que vous êtes invité par ce festival.

La Hollande, c'est vraiment la première fois oui. Mais le monde est devenu un petit village. Si le monde dit développé pense pouvoir vivre sans le reste du globe, il se trompe. Pour le moment, ils ont projeté quelques-uns de mes films que j'ai présentés. J'ai aussi parlé du cinéma au Niger, en Afrique un peu partout et surtout en Afrique de l'Ouest. Et il y a encore d'autres films qui passent demain. Je trouve que c'est bien qu'ils programment des films d'autres cinéastes comme Momar Thiam et même de jeunes cinéastes. Cela donne une idée sur ce qui se passe.

Sentez-vous que le public suit ces projections de films africains ? Avez-vous eu des échos ?

Il y a un public mais pas beaucoup. Il faisait tellement beau le jour où j'ai passé mes films que moi-même je me suis étonné de voir les gens dans les salles. Je leur ai dit vous avez du courage pour venir vous enfermer dans une salle avec le temps qu'il fait dehors. Il faisait vraiment beau. Mais dans l'ensemble les gens sont curieux. Il y a eu un petit débat après les projections.

Et le cinéma d'animation, est-ce qu'il se porte bien en Afrique ? Y a-t-il des choses qui se font dans le domaine de l'animation et du cinéma en général en Afrique ?

Pour ce qui est de l'animation cela ne bouge pas vraiment. On dirait que nous n'avons pas encore mis les pieds dans l'étrier. Les seules sources pour la diffusion des films en Afrique restent les télévisions seulement. Et nous sommes en train de nous battre pour que celles-ci s'intéressent un tant soit peu aux choses que nous faisons. J'ai rencontré personnellement le directeur le la télévision sénégalaise pour discuter de la possibilité de diffuser mes films, il y a de cela quatre mois. Jusqu'à maintenant je n'ai pas eu de réponse de sa part. Donc vous voyez. Si je prends cet exemple, moi qui ai fait beaucoup de films animation, je pense que pour les autres c'est pareil sinon pire. Mais on n'y peut rien. Même en Afrique du Nord, les gens préfèrent Tom Sawyer et compagnie.

Mais pour vous, vous ne baissez pas les bras. Vous continuez à vous équiper de matériel nouveau.

En été dernier, à l'occasion des Rencontres Cinématographiques de Hergla en Tunisie, on m'a remis une médaille et on m'a offert du matériel informatique. Je vais le réceptionner bientôt et je crois que c'est une forme de reconnaissance utile. Ce sont des machines plus performantes qui vont m'aider à travailler d'une manière plus confortable et d'améliorer mon travail.

Vous avez de nouveaux projets de films d'animation ?

Je fais l'expérience de traiter des documents du Centre Africain de Recherche sur la Tradition Orale. Nous avons pris des contes : un exemple de Côte d'Ivoire, un autre du Mali et enfin un autre du Niger. Nous les avons traités en stroyboard dont la lecture est très facile. Dommage que je n'ai pas amené les trois premiers films que j'ai réalisés déjà. Je les ai livrés avant même de venir.

Est-ce qu'il vont être diffusés ou distribués dans les cinémas ?

Dans un premier moment, le Centre Africain des Cultures Orales, devrait convaincre les autres pays de faire de même avec les légendes et les contes qu'ils ont sur place. Lorsque l'histoire est enregistrée de cette manière, il devient plus facile d'en faire un film.

Pensez-vous que ces films peuvent être diffusés à la télévision ou bien est-ce que le Centre Africain va pousser les télévisions à les diffuser ?

Puisque le Centre appartient à tous les États africains, cela leur donne le droit de regard ou le droit de passage. Le jour où le centre produira les films, chacun des pays membres aura le droit de le passer chez lui. C'est le principe heureux de cette institution. Maintenant est-ce que cela va être réellement fait ou pas, c'est une autre pair de manche. Le centre appartient à l'Union Africaine et il est situé à Niamey.

Il semble que vous avez aussi un projet avec l'Unicef. Cela avance- t- il ?

L'Unicef a un grand bureau au Niger. Je les ai contactés pour développer des projets d'animation. Les premiers contacts se sont bien passés. Ils connaissent mes travaux et ils s'y intéressent beaucoup. Ce seront des films destinés essentiellement aux jeunes. Nous réfléchissons à des films éducatifs et de sensibilisation pour l'essentiel. L'Unicef a des spécialistes en information et dans différents domaines, et nous les cinéastes nous apportons la forme qui porte le message. Cela va être dans l'intérêt de tout le monde parce que moi seul je ne peux pas tout faire même si je voudrais bien. Je fais le premier pas parce que les gens me connaissent et après si d'autres veulent s'investir, ce sera plus facile pour eux.

Est-ce que vous parvenez à vivre de votre travail et comment vous faites vivre votre studio ?

Ce n'est pas énorme mais le peu que je gagne me suffit. Vous savez à partir du moment où nous avons de quoi acheter du mil, du riz et du sorgho c'est largement suffisant. Le reste des condiments on pourra les chercher ailleurs. Le plus important c'est ce que nous apportons au monde non pas ce que nous en prenons. Quand le ministère français des affaires étrangères m'a donné la médaille de la légion d'honneur je leur ai dit : "Mais qu'est-ce que j'ai fait pour mériter cela ?" Ils m'ont dit : "Tu as fait des films qui sont passés dans tous nos centres culturels". C'est le vrai mérite que nous récoltons.

D'aucuns disent qu'en l'absence du soutien national, le cinéma africain dépend beaucoup de la France. Qu'en pensez vous ?

Mais il y a l'histoire. Personne n'y peut rien. Si ce n'était pas l'Afrique, ç'aurait été l'Amérique Latine. Le français est parlé en Afrique plus qu'en France. Beaucoup de pays africains ont le français comme langue officielle. Ensuite viennent les langues locales. Et même les pays arabes parlent de plus en plus la langue de Molière : le Maghreb, le Liban, la Syrie,… Il y a une grande culture francophone qui dépasse le seul pays qu'est la France et qui a un grand rayonnement. Sinon la France elle-même c'est un quartier dans certains pays africains. Mais l'Afrique est un marché énorme et stratégique pour la France. Prenez un avion de n'importe quelle capitale africaine pour Paris, c'est complet à l'aller comme au retour.

Il n'en reste pas moins vrai que les États africains n'aident pas le cinéma, ou du moins ils ne l'aident pas assez.

Est-ce qu'ils ont pris conscience de la nécessité de le faire ? Je ne pense pas pour le moment, en tout cas pas comme il le faut. Mais certains pays commencent à faire de petits pas dans ce sens là. J'espère que cela arrivera parce que sinon ce serait la mort pour nos cinémas.

Au Niger, est-ce qu'il y a des initiatives ou des projets pour promouvoir le cinéma Nigérien ?

Actuellement il y a une direction du cinéma au ministère de la culture. Ils sont en train de monter un projet d'une école de cinéma. Il y a aussi la volonté de mettre en chantier un plan pour l'acquisition des films pour que le Niger détienne les images des films tournés sur son territoire. Si quelqu'un vient tourner son film au Niger, on lui demandera de laisser au moins une copie au pays. Je trouve que cela est d'une grande importance c'est un travail pour la mémoire du pays. Il en est de même pour les films nigériens. L'État achète trois copies : deux copies pour la cinémathèque, et une copie pour les archives. Il y a eu un débat à Niamey, il y a seulement une semaine, avec le Directeur du cinéma.

Il y a de quoi être optimiste donc ?

Il faut être toujours optimiste. Même quand la filmothèque de Ouagadougou est emportée par les pluies diluviennes, ce n'est pas un drame. Cela permet de reculer pour mieux sauter. Chez nous il y a un dicton qui dit "quand la maison du chef du village prend feu, c'est la promesse d'une maison meilleure". On en construira une autre qui ne sera que meilleure.

Propos recueillis par Hassouna Mansouri

Une version anglaise de cet articlé a été publiée dans African review
Credit Photos : Belinda Van de Graaf
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