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Entretien avec Mohamed Ali Nahdi et Hazem Berrabeh, réalisateurs
Visions et alternatives
critique
rédigé par Mehrez Karoui
publié le 09/03/2010
Mahrez Karoui
Mahrez Karoui

Le court métrage souffre d'un problème de statut professionnel. Est-il vraiment "le parent pauvre" du long métrage ? Pourquoi continuer à faire des films qui n'ont aucune chance de rencontrer leur public ? La projection du court métrage dans les salles de cinéma a pratiquement disparu ou presque.
N'y a-t-il pas d'autres alternatives ? Ou est-ce que ce genre de films est condamné à ne circuler que dans les festivals ? Peut-on penser à une diffusion sur Internet comme le proposent certains jeunes cinéastes ? Voilà les questions que nous avons posées à deux jeunes cinéastes tunisiens qui ne partagent pas la même vision cinématographique ni les mêmes choix artistiques.
En effet, Mohamed Ali Nahdi et Hazem Berrabeh, auteurs respectivement du film Le projet et de Refuge, deux courts métrages qui ont suscité l'attention du public et des critiques, évoluent chacun à sa manière et selon la vision qu'il se fait du cinéma. Si le premier cherche à porter un regard et à présenter un témoignage qu'il estime urgent sur la société tunisienne d'aujourd'hui, le deuxième préfère explorer de nouveaux horizons cinématographiques en étudiant la représentation du corps dans la culture arabo-musulmane. Si l'auteur du court métrage Le projet tente de rendre compte d'une certaine réalité de la jeunesse tunisienne, le réalisateur de Refuge préfère, quant à lui, expérimenter de nouvelles formes d'expression cinématographique. Nous les avons rencontrés et ils se sont exprimés sur leurs films mais aussi sur l'avenir du court métrage et des possibilités de sa diffusion dans notre pays.

Mohamed Ali Nahdi : "Le court métrage, un genre à part entière"

Considérez-vous le court métrage comme étant un choix artistique ou simplement une étape avant de passer au long métrage ?

Mohamed Ali Nahdi :
Je pense que le court métrage est un film à part entière. Je n'accepte pas qu'on le considère comme un test ou un essai. Il vaut aussi bien un long métrage. Certaines histoires ne peuvent être traitées que dans le cadre d'un court métrage. Mon film, Le projet, par exemple, est basé sur une histoire courte. Il ne peut pas donc donner lieu à un long métrage. Je compte continuer à faire des courts métrages ; même si je ferais des longs métrages. Mon rêve est de relever, un jour, le défi de réaliser un court métrage d'une durée de 10 minutes. Voire moins.

D'après l'expérience de votre film Le projet, que pensez-vous des problèmes de la distribution du court métrage en Tunisie ?

Mohamed Ali Nahdi :À mon avis, le court métrage est un genre destiné aux festivals, aux chaînes de télévisions spécialisées et au circuit culturel. J'estime que mon film a circulé un peu partout par rapport à un film court. Il faut faire preuve d'imagination et essayer de chercher en dehors des circuits classiques. La commission d'achat du ministère de la Culture nous aide d'autre part à faire vivre le court métrage.

Dans vos films, on constate que vous misez plutôt sur l'action, pourtant le court métrage a été souvent un genre adéquat pour l'expérimentation et la recherche d'un nouveau langage cinématographique. Qu'en dites-vous ?

Mohamed Ali Nahdi :
Dans mes films, je m'exprime sans calcul. Je ne veux pas faire de l'expérimental dans le sens connu du terme, mais j'ai quand même essayé d'expérimenter certaines choses au niveau du rythme, du découpage, de la caméra portée…. Quant aux sujets traités, je suis cinéaste mais je me considère aussi comme citoyen vivant ici et maintenant. Mes films sont ancrés dans la réalité actuelle de mon pays. Malheureusement, nous n'avons pas les moyens qu'on mérite. Personne ne veut nous produire. Pourtant, dans le court métrage tunisien, il existe plus de créativité, de dynamique et de diversité par rapport au long métrage. Je ne parle pas seulement de mon film. J'ai beaucoup aimé Le poisson noyé de Malik Amara, Obsession d'Amine Chiboub et La Traversée de Nadia Touijer. Mais il n'empêche que les films des jeunes cinéastes pèchent encore par manque d'audace et de liberté de ton.



Hazem Berrabeh : "L'Internet, une alternative sérieuse au court métrage"

Que représente pour vous le court métrage ?

Hazem Berrabeh :
C'est un format à part. Il y a de grands cinéastes qui ont fait des courts métrages et qui continuent aujourd'hui à le faire. Pour moi la différence avec un long ne se situe pas seulement au niveau du budget mais aussi au niveau de l'histoire et du traitement. C'est aussi par rapport au spectateur qui ne peut voir un court que lorsqu'il est accompagné d'un autre film.

Selon vous, quels sont les problèmes dont souffre le court métrage en Tunisie ?

Hazem Berrabeh :
Il souffre en fait du problème de l'absence de statut professionnel mais aussi de celui inhérent à la distribution. Nous sommes condamnés à nous contenter des festivals et parfois d'une diffusion à la télé. Sinon, il y a aujourd'hui l'Internet qui, à mon avis, représente une alternative sérieuse pour ce genre de films. Il se passe des choses incroyables sur la Toile concernant le court métrage. Il faut que les sponsors fassent plus d'attention à ce nouveau média. Mais je crois aussi qu'il ne faut pas tomber dans la facilité non plus. Pour améliorer la visibilité de ces films, il faut changer de mode de production. On peut aussi penser à faire des séries de courts métrages à thème qui permettent une distribution au grand public. L'expérience de 10 courts, 10 regards de Ibrahim Letaïef est très intéressante même si je trouve que les films ont été faits dans l'esprit d'un "travail à la chaîne", ce qui a limité la marge de création chez les cinéastes.

Depuis Refuge, votre premier court métrage, vous avez participé à d'autres films mais en tant que directeur photo. Qu'est-ce qui vous empêche de faire votre deuxième film ?

Hazem Berrabeh :
Je n'ai pas tenté de tourner un nouveau film, car j'essaie de faire d'autres expériences. Ce qui va me permettre d'approfondir mes connaissances cinématographiques et de bien réfléchir sur le type de cinéma que je veux faire. Je travaille actuellement avec le cinéaste Naceur Khémir sur la représentation du corps. J'ai aussi des projets sur la danse contemporaine et la culture arabo-musulmane.

Propos recueillis par Mahrez KAROUI

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