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Mahama Johnson Traoré, l'unificateur
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 17/03/2010
Kiné Sène
Kiné Sène
Mahama Johnson Traoré
Mahama Johnson Traoré

Panafricaniste engagé, un rassembleur, et un militant de la cause féminine…Les qualificatifs sont exhaustifs pour témoigner de la générosité du réalisateur, Mahama Johnson Traoré. Décédé le 8 mars à Paris (France), il a été inhumé vendredi 12 mars à Dakar (Sénégal) en présence de nombreux réalisateurs africains.

"Le seul mot pour qualifier Mahama, est qu'il était un rassembleur". Le témoignage est du réalisateur malien, Cheick Omar Cissokho venu accompagner à sa dernière demeure le cinéaste sénégalais Mahama Johnson Traoré, inhumé vendredi au cimetière musulman de Yoff. Réalisateur, scénariste et producteur sénégalais, Traoré est décédé lundi 8 mars, à Paris, à l'âge de 68 ans. Il est mort des suites d'une longue maladie.
Sous un chaud soleil à Dakar, parents, amis, autorités et réalisateurs africains sont venus rendre un dernier hommage au militant du cinéma africain lors de la levée du corps à la mosquée de Mermoz à Dakar vendredi 12 mars.

Le défunt réalisateur aimait l'Afrique. Car, "il se souciait toujours de la visibilité du continent, il était le premier à trouver des solutions aux nombreux problèmes du cinéma africain" soutient Cheick Omar Cissokho. Mahama Johnson Traoré était aussi un panafricaniste engagé. Il a voulu à travers sa filmographie faire prendre conscience au public africain des problèmes du continent.

Pour le cinéaste sénégalais Mansour Sora Wade, c'est encore une grosse pointure du septième art africain qui s'en va. "C'était quelqu'un qui avait une force de caractère et digne, il savait ce qu'il voulait. Il n'était pas quelqu'un de fermé, mais ne se donnait pas facilement". Des qualités dont la jeune génération doit s'approprier, estime son ami et "petit frère" Mansour Sora Wade. Selon le producteur Moctar Diouga Ba, il avait un œil sur les jeunes et s'intéressait à leur travail. "Il était un grand-frère bienveillant, courageux et n'avait peur de rien", affirme le producteur du film Ramata, Moctar Ndiouga Bâ. "Mahama Johnson Traoré est un symbole, un homme tout court, généreux, intelligent et un créateur", certifie l'ancien ministre de la culture du Sénégal, Mame Birame Diouf. Ce dernier a travaillé avec lui lorsque le cinéaste était directeur général de la société nationale de la cinématographie du Sénégal, en remplacement de la Sidec, et conseiller du président Abdou Diouf.
Traoré était parmi les professionnels du cinéma africain l'un des plus prolifiques.
Il était un militant de la cause féminine. Sa disparition coïncidant avec la célébration de la journée mondiale de la femme est un clin d'œil du destin. Car il avait débuté sa carrière en 1968 par un moyen métrage, Diankha-bi (La Jeune fille, en wolof). Cette fiction sera récompensée par le Grand prix du festival du film de Dinard (Bretagne, France).
La filmographie de Traoré poursuivra le thème de la prédilection sur la femme, avec le long-métrage Diègue-bi (La Femme) en 1970. Dernièrement le cinéaste travaillait sur le film Nder ou Les Flammes de l'honneur. Une fiction historique sur l'héroïsme des femmes de Nder, village au nord du Sénégal, qui s'étaient immolées par le feu en novembre 1819, pour ne pas être réduites en esclavage par des flibustiers maures. Mansour Sora Wade devait travailler sur la direction artistique du film. Mahama johnson Traoré a co-écrit le scénario du film avec la réalisatrice algérienne Mariem Hamidat.

Il a voulu - à travers ses films sur la corruption (Lambaay, 1972) et sur la gouvernance Réou Taakh (1972) - sensibiliser sur les problèmes du continent. C'est pourquoi "Mahama Johnson était un visionnaire", affirme le président des cinéastes sénégalais, Cheikh Ngaïdo Bâ.
Le magazine des cultures africaines, Cahiers d'Afrique, participe de cette volonté de revaloriser la culture africaine. Il l'a lancé en mars 2009, en marge du Festival panafricain du cinéma et de la télévision de Ouagadougou (Fespaco). "Il est temps, écrivait-il, de considérer la culture comme un véritable levier économique, capable de générer des profits substantiels, des emplois durables et, ainsi, de faire la fierté de ceux qui évoluent dans ce secteur jusque-là négligé par les pouvoirs publics".

Né en 1942 à Dakar, Mahama Johnson Traoré a suivi des études au Sénégal et au Mali. Il devient cinéaste contre le gré de son père, qui le destinait à une carrière d'ingénieur électronicien. Il suit des cours au conservatoire libre du Cinéma en France avant de parachever sa formation théorique par des stages à l'Office de radio et télévision français ainsi que dans des équipes cinématographiques italiennes et allemandes.

Au Fespaco 2007, lors de l'hommage rendu au réalisateur ivoirien Henri Duparc, il disait pour montrer les exigences de son métier, que "créer, c'est comme accoucher".
Pionnier du 7e art africain, Mahama Johnson Traoré a participé, aux côtés de Sembène, à la création de la Semaine du cinéma à Ouagadougou, ancêtre du Fespaco. Il a été honoré par le Fespaco en 2009. En juillet dernier, il a présidé le Jury d'aide à la coproduction du Festival panafricain d'Alger (Panaf), où huit projets de films ont été retenus pour financement. Durant le Panaf, il s'était occupé de la programmation des films.
Mahama Johnson Traoré a rejoint Ousmane Sembène, Thierno Faty Sow, Samba Félix Ndiaye, laissant orphelin les jeunes réalisateurs africains. Il repose désormais au cimetière musulman de Yoff.
Paix à son âme ! Adieu maître !

Fatou Kiné SENE

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