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24ème festival international de films de Fribourg du 13 au 20 mars 2010
Hommage à Jean Rouch
critique
rédigé par Meriam Azizi
publié le 18/03/2010
Meriam Azizi
Meriam Azizi
FIFF 2010
FIFF 2010
Jean Rouch
Jean Rouch

Pendant toute une semaine, la ville de Fribourg invite le monde. Une programmation aussi dense que diversifiée semble demeurée la gageure de ce festival qui se renouvelle pour sa 24ème fois. Sa fonction de fenêtre sur des cultures lointaines le hisse au rang des festivals les plus prestigieux. Hormis le public, l'événement a drainé plus de 315 invités, artistes et journalistes de tout horizon confondu. L'engagement culturel et humaniste de l'organisation présidée par Edouard Waintrop, journaliste de métier et membre du jury "Caméra d'or" Cannes 2009, se manifeste par un hommage exclusivement réservé au père du "cinéma-vérité".

Depuis sa création, l'objectif est fixé : coopérer avec les pays du Sud. Cependant, à regarder cette année la liste des films en compétition officielle, on s'aperçoit vite de l'absence frappante de film africain devant, à l'inverse, l'effervescence du Moyen Orient, de l'Amérique du Sud et des pays de l'Est, théâtre d'un perpétuel bouleversement sur tous les niveaux. Il a donc fallu intelligemment combler ce vide inquiétant.

C'est donc, entre autres, pour parer à cette carence que s'est décidée l'intégration d'un volet entier consacré à l'œuvre de Jean Rouch. À ce nom s'associe chez cinéphiles et documentaristes, la pratique du cinéma direct aujourd'hui encore prisée. Mais aussi un continent, l'Afrique. Faut-il le rappeler, c'est encore à lui que l'on doit la création du premier DEA en études cinématographiques en France.
En 2004, Jean Rouch nous quitte, suite à un accident tragique au Niger. Cette année, pour saluer son départ, la mission du comité d'organisation est de remettre à jour l'opus du fondateur des ateliers varan.
De sa monumentale filmographie, le choix est porté sur 6 films qui font l'objet d'un cycle. Richard Boidin, directeur de l'audiovisuel extérieur auprès du ministère des Affaires étrangères, Marc Henri Piault, anthropologue et président du Comité du Film ethnographique se sont ralliés à la cause.

Leur mobilisation s'est couronnée par la sortie d'un catalogue intitulé "Hommage à Jean Rouch: un cycle de 6 films" à la collection "Grand écran". On y trouve un résumé détaillé de chacun des 6 films et deux analyses "Un cinéma miroir: Vers une réalité partagée", "La mise en scène de la réalité et le point de vue documentaire sur l'imaginaire" et pour finir, une filmographie quasiment exhaustive inclut les 120 films tournés entre longs et courts métrages.

Ce qu'on a pu remarquer dès le premier coup d'envoi du cycle, c'est l'affluence non négligeable du public. À dire que l'œuvre de Rouch n'en finit pas d'attirer les curieux. Par ailleurs, ce dont le festival peut se féliciter, c'est la stratégie suivie dans la sélection des 6 films. Celle-ci reflète délibérément la volonté de faire découvrir en si peu de films les différents genres adoptés:

De l'enregistrement des rituels africains illustrés par le célèbre "Les maîtres fous" (1955) au micro-trottoir révélé dans "Chronique d'un été" (1960) où pour la première fois Rouch s'intéresse aux Parisiens. À noter que ce film est bien le fruit de la collaboration avec le sociologue Edgar Morin qui se prête au jeu en adossant l'habit d'un interviewer sur la question du bonheur à une période où la société française vivait des transformations profondes. "Moi un noir" (1959), "La chasse au lion à l'arc" (1965), "Petit à petit" (1970) et finalement "Mosso, Mosso, Jean Rouch comme si" (1998) complètent la liste bien que le dernier soit une réalisation signée Jean André Fieschi.
73 minutes de proximité avec Jean Rouch au cours de laquelle nous est dévoilé un homme en symbiose avec l'Afrique; une méthode en harmonie avec le respect de l'autre et de la dimension humaine qui l'habite. Un hommage cette fois en film, porté à l'écran. Un rendez-vous avec Jean Rouch lui-même qui prend la parole et nous fait partager son expérience. Cette louable initiative d'inclure ce film-hommage ne fait qu'appuyer l'idée que chaque film projeté est un hommage à lui seul.

Ainsi l'hommage à Jean Rouch a double mérite celui de nous faire redécouvrir l'Afrique avec une approche directe relative à la naissance d'une conception moderne du documentaire, mais aussi celui de marquer, ne serait-ce fictivement, la présence-absence alarmante d'une production cinématographique qui peine encore, à l'aube de ce XXIème siècle, à construire son autonomie.

Meriam Azizi

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