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Entretien avec Pascal Capitolin, ingénieur du son de Kinshasa Symphony
"Quand on commence un film, il faut laisser nos préjugés de coté"
critique
rédigé par Fortuné Bationo
publié le 04/04/2010
Fortuné Bationo
Fortuné Bationo
Pascal Capitolin
Pascal Capitolin
Claus Wischmann, coréalisateur
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Kinshasa Symphony
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Nathalie Bahati, flûtiste
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Armand Diangienda, fondateur et chef de l'orchestre, il est le petit-fils de Kibangu
Armand Diangienda, fondateur et chef de l'orchestre, il est le petit-fils de Kibangu
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Joseph Masunda Lutete, altiste et responsable lumières. Il est électricien et coiffeur
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Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Kinshasa Symphony
Berlinale 2010
Berlinale 2010
Bettina Haasen, réalisatrice de HOTEL SAHARA - DIE SUCHE NACH DEM PARADIES
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Bärbel Mauch
Bärbel Mauch
Dorothee Wenner
Dorothee Wenner

Avec le film Kinshasa symphony projeté à la 60 ème édition de la Berlinale, la musique classique retrouve des notes d'héroïsme sur fond de combat gagné sur les écueils du quotidien. Le public a particulièrement apprécié ce documentaire qui prend à revers des idées répandues. Le journaliste Pascal Capitolin, qui a travaillé sur ce documentaire comme ingénieur du son, s'est beaucoup investi dans les premiers contacts avec certains membres du groupe. Entretien.

Comment l'idée de Kinshasa Symphony est née ?

Le contact avec l'orchestre Symphony kimbanguiste a été établi petit à petit, tout d'abord par l'intermédiaire d'emails. Mais il faut dire que l'orchestre avait l'habitude d'être contacté par des journalistes mais ces derniers n'avaient pas fait grand-chose dans cette direction. Donc, il y avait tout un travail de confiance à établir, puisque d'autres personnes, venant d'Europe, avaient promis monts et merveilles mais, en fait, avaient profité de la situation. Donc il y a eu un long travail de confiance mutuelle.

Qu'est-ce qui vous a le plus marqué dans cette aventure ?

Ce qui est toujours fascinant pour moi et pour d'autres également, c'est de voir que dans un environnement hostile, des personnes qui non seulement sont dignes, mais continuent à avoir ce qu'on appelle une muse tout en vaquant à leurs occupations, à faire des activités culturelles qui leur donnent une raison, une joie de vivre. En l'occurrence, une musique qui est considérée comme morte. La musique classique, c'est une activité très européenne ; mais l'orchestre symphonique kimbanguiste est composée d'Africains qui ont décidé que c'est une musique qui leur donne beaucoup.
En effet, ça leur donne beaucoup parce qu'ils se retrouvent là tous les soirs à 17h30, et ça va jusqu'à 120 personnes qui ont une activité commune, qui tout à coup se retrouvent en un seul corps. C'aurait pu être n'importe quel type d'orchestre. Mais, comme le disait le chef d'orchestre, c'est pour lui la plus grande possibilité d'avoir autour de lui le plus de monde qui fait de la musique. C'est comme ça qu'il a commencé et maintenant ils sont tous des aficionados de cette musique parce qu'ils s'aperçoivent de ce que ça leur donne.

Quelles sont les difficultés pour tourner un tel film ?

Pour moi la plus grande difficulté c'est d'arriver avec une équipe de tournage européenne dans une ville en Afrique. On a l'habitude en Europe d'avoir un certain regard sur les Africains et les Africains ont également l'habitude d'avoir un certain regard sur les Européens. Donc il faut laisser tout ça derrière nous quand on commence un film. Il faut laisser tous nos préjugés et mettre tous nos a priori de coté, puis commencer d'abord par la confiance et l'échange mutuels. C'est ainsi qu'on peut arriver à faire un film réussi, puisqu'il ne s'agit plus de regard sur l'autre, il s'agit de partager un bon moment ensemble. Et la musique est le meilleur allié qu'on puisse avoir pour ça.

Avez-vous senti la naissance de quelque chose de différent chez ces personnes, après les séances de répétition ?

Le quotidien dans les villes africaines est très divers. À Kinshasa nous avons vu des gens qui combattent pour le quotidien et qui, comme souvent en Afrique, le font en toute dignité. Un membre de l'orchestre symphoniste kimbanguiste a un peu plus que la dignité puisqu'il joue une musique qui se fait en groupe. Ces personnes très fatiguées se lèvent le matin, vont prendre le taxi collectif, travaillent avec un ventre vide. Ils arrivent l'après midi à la répétition à 17h30, avec toujours un ventre vide, ne sachant pas comment ils vont avoir la petite monnaie pour reprendre le taxi collectif le soir pour retrouver leur famille, ne sachant pas non plus ce qu'ils vont donner à leur famille, mais ils se retrouvent tout de même là, à faire de la musique.
D'autres vont dire c'est gaspiller son temps et son énergie, mais nous avons pu observer que ces personnes se retrouvaient grandies en jouant, pas seulement parce que c'est de la musique classique, mais parce qu'ils ont une activité qui se fait en groupe. Il y a des moments où ça se passe mal, on a des difficultés à s'entendre, à s'écouter, à faire quelque chose ensemble et puis il y a des moments magiques où tout le monde a presque les larmes aux yeux.

Vous avez aussi travaillé sur le film Hôtel Sahara dans lequel des immigrés sont présentés différemment. C'est un film qui bat en brèche certains clichés véhiculés sur l'Afrique. Est-ce que vous n'avez pas craint que cette proposition gêne les chances de succès de ce film en Europe ?

Oui, en Europe on est très habitué à avoir un certain regard sur l'Afrique. On me demande très souvent de participer à des films qui ont pour propos le SIDA, les sidéens, les enfants soldats etc. Quand j'ai fait ce film avec la réalisatrice Bettina Haasen, il s'agissait également de laisser certains clichés derrière nous. Pour nous, ce n'était pas du tout difficile. Nous n'avions justement pas envie de reproduire des images qui sont habituelles ici en Europe d'Africains sans visage, d'une masse de migrants qui va venir mettre en danger la prospérité européenne. Ce n'était pas du tout notre intention. Au contraire, on voulait donner un visage à des Africains qui ont des revendications et des attentes qui sont universelles.
Pour moi, à chaque fois que je fais un film qui parle de l'Afrique ou qui a lieu en Afrique, on peut montrer des particularités mais c'est très important pour les Africains également de se retrouver dans quelque chose qui est universel. Quant aux attentes de ces migrants, ce sont des jeunes tout simplement qui veulent tous réaliser quelque chose dans leur vie, avoir les possibilités de réaliser quelque chose dans leur vie. Donc c'était notre intention. On ne voulait pas reproduire des images qui feraient peur non seulement à des Africains mais également aux Européens. Donc nos protagonistes sont de jeunes gens qu'on pourrait retrouver à Berlin, à Paris ou n'importe où. Des jeunes qui quittent la maison familiale pour essayer de réaliser quelque chose.

Il est souvent reproché à certains festivals de films de sélectionner des films qui pérennisent une certaine idée de l'Afrique. Votre avis sur le sujet ?

À partir du moment où il y a une ignorance mutuelle en Europe, il y a très peu de connaissance du film africain dans les grands festivals. Il faut savoir qu'à Berlin, nous avons des personnes comme Dorothee Wenner et Bärbel Mauch, des gens qui sont maintenant, en tant qu'européens, très familiers de l'Afrique et qui font tout pour que la présence du cinéma africain soit établie dans les festivals, je ne dis pas seulement à Berlin. Nous devons franchement à ces personnes la présence du cinéma africain, la recherche d'une continuité du cinéma africain et également un choix particulier de films ; puisqu'il y a beaucoup de films sur l'Afrique. Il y a beaucoup de films européens avec un regard européen sur l'Afrique. Donc le plus difficile pour ces personnes qui font des sélections c'est de trouver des regards qui soient africains. Parfois, il ne s'agit pas nécessairement que ce soit un réalisateur africain. Au Cameroun, j'ai entendu par exemple des gens dire que la réalisatrice d'Hôtel Sahara n'était pas une Européenne.
Il ne s'agit pas de la provenance de la personne mais du regard de la personne. Je remercie très fort les personnes, qu'elles soient en Hollande ou ici à la Berlinale, qui font en sorte que la présence du cinéma africain soit établie en toute dignité.

Entretien réalisé par Fortuné Bationo à Berlin

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