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Décès du comédien Sotigui Kouyaté
Un "Trésor" à immortaliser
critique
rédigé par Moussa Bolly
publié le 21/04/2010
Moussa Bolly
Moussa Bolly
Sotigui Kouyaté ©Alessandro Brasile
Sotigui Kouyaté ©Alessandro Brasile
Sotigui Kouyaté © DR
Sotigui Kouyaté © DR
Sotigui Kouyaté © DR
Sotigui Kouyaté © DR

Un baobab vient de s'écrouler laissant la savane africaine sous la menace de l'érosion intellectuelle. Oui, c'est à ce triste destin qu'a condamné la culture africaine le regretté Sotigui Kouyaté en s'éclipsant définitivement de la scène ce 17 avril 2010 à Paris à l'âge de 74 ans.

Le Vieux sage, le maître de la parole s'en est allé, plongeant le monde du cinéma et du théâtre africains dans le chagrin, l'émotion et le regret. Comme Joseph Ki-Zerbo, Sembène Ousmane, Amadou Hampâté Bâ…, la culture africaine est désormais d'un de ses meilleurs ambassadeurs, d'une de ses icônes ! Au dernier Festival de Carthage (Tunisie), il était apparu très affaibli ! Mais, on était loin d'imaginer qu'il allait nous quitter si tôt tant "il était toujours très alerte et passionné de cinéma".

Cet "homme affable et d'une grande sagesse" était très respecté dans le milieu du cinéma et du théâtre en Afrique et dans le monde. On comprend aisément alors les hommages qui lui sont rendus ici et là. Sans compter ces œuvres qui l'ont immortalisé de sont vivant comme "Sotigui Kouyaté, un griot moderne" du Tchadien Mahamat-Saleh Haroun et "Sotigui Kouyaté" d'Olivier Delahaye. Et Lors de la dernière édition du FESPACO, le festival panafricain lui avait rendu un hommage discret, mais mérité.

Celui qui a atteint sa renommée mondiale avec les pièces de théâtre mises en scène par Peter Brook et le film "Little Senegal" de Rachid Bouchareb, n'est plus à présenter. Inutile donc de rappeler le chapelet de rôles joués (au cinéma et au théâtre) par ce talentueux interprète. N'empêche qu'on ne peut pas non plus s'empêcher de signaler que "Faro, la reine des eaux" de notre compatriote Salif Traoré est son dernier film connu.
Issu d'une famille d'origine guinéenne, Sotigui est né en 1936 à Bamako et il a grandi au Burkina dont il avait la nationalité. Et il a vécu en panafricaniste refusant de tomber dans des pièges nationalistes.

Le décès de Sotigui est une autre immense perte pour la culture africaine, le cinéma notamment, après les disparitions d'Ousmane Sembène, Adama Drabo... Heureusement, que cette prestigieuse "bibliothèque" n'a pas entièrement brûlé car Sotigui a toujours cherché à partager son immense talent et son immense savoir avec toutes les générations. Et comme dit le poète Birago Diop, "les morts ne sont pas morts…".

L'esprit de Sotigui sera à jamais parmi nous car il est un immortel par l'œuvre accomplie de son vivant et par ses qualités morales et humaines. "Sotigui était un homme bien, à tout point de vue. Il refusait d'être la sagesse pour en être que l'enveloppe. En diffusant à la radio la dernière interview que j'ai eu avec lui, j'ai pris encore plus conscience de ce que nous avons perdu. Il me disait : "si chaque africain, en se levant se disait: qu'est ce que je peux faire pour l'Afrique ce serait déjà énorme"", se rappelle M. Baba Diop, président de la Fédération africaine de la Critique Cinématographique (FACC).

"Nous avons toujours, et malheureusement, porté notre attention sur les réalisateurs et pas souvent sur les femmes et les hommes qui font qu'une histoire devient un film. Je veux parler des acteurs. Sotigui mérite plus qu'un livre. [Notre] fédération a un devoir de reconnaissance", regrette M. Diop au nom des critiques africains. Et comme il le conseille, rassemblons donc nos documents, nos écrits, nos interviews et nos souvenirs de l'homme pour éditer un ouvrage et le remercier de tout ce qu'il nous laisse en héritage. Un palmarès éloquent, un fabuleux trésor ! C'est le peu que Sotigui pouvait attendre de nous, de ces intellectuels africains dont il est l'une des grandes références, de cette Afrique pour l'intégration de laquelle il s'est battu avec son bagage intellectuel, son talent et son humanisme engagé.

Vieux sage, repose en paix dans la grâce infinie d'Allah ! Amen !

Moussa Bolly
Président de l'Association malienne des Critiques
(AMACRI)

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