AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 363 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Cinéma et audiovisuel au Burkina
Un studio-école pour de nouvelles ambitions
critique
rédigé par Emmanuel Sama
publié le 19/06/2010

La relance du cinéma burkinabè, naguère si florissant et renommé, frétille dans les couveuses du ministère en charge de la Culture. Le comité de pilotage du projet a balisé le champ d'action et les cadres d'une relance qui soit intégrée de manière à imprimer une dynamique d'ensemble de tous les secteurs cinématographiques et audiovisuels en synergie.
Nous avons fait une synthèse de la question avec Pierre Ernest Rouamba, récemment promu directeur du studio-école à l'Institut supérieur de l'image et du son (ISIS/SE).

Le cinéma burkinabè semble amorcer une sortie de creux de la vague avec les récents succès de certains films (le Fauteuil, une Femme pas comme les autres) et séries (Le Testament, 3 Femmes, un village…). Il reste cependant en dessous de ses performances des années 80 à 1998 pendant lesquelles paradoxalement le support argentique et le matériel étaient plus onéreux.

Les réflexions ont permis de dégager un ensemble d'actions organisées de façon cohérente et articulées autour de cinq principaux axes directeurs en vue de sa relance :
-le développement et l'accompagnement des projets ;
- la formation continue et le perfectionnement des professionnels ;
- le développement de la qualité des prestations ;
- l'animation professionnelle des secteurs ;
- l'insertion des jeunes dans le tissu professionnel.


Mûrir et mieux ficeler les projets

Nombreux sont les projets originellement mal conçus et présentés à l'emporte - pièce comportant de ce fait, tant au niveau de la forme que du contenu, des lacunes graves. La recevabilité des projets, de nos jours, auprès des partenaires techniques et financiers et même la Direction Générale de la Cinématographie Nationale pour le soutien de l'État obéit à des normes de présentation et de qualité.

Le dépôt des dossiers devra être mieux organisé par des appels à projets qui seront dans un premier temps, sélectionnés annuellement par un comité.

Les porteurs des meilleurs projets entreront en atelier de trois à quatre semaines avec des "scripts-doctors" possédant les ficelles pour diagnostiquer les lacunes et proposer des recettes susceptibles de les rendre plus attrayants. Ces projets doivent être bien finalisés afin de leur conférer les atouts nécessaires pour franchir le cap des financements et par la suite, aller à la conquête des marchés Reste aux producteurs impliqués à prendre en charge la suite qui s'impose. Ils seront conviés à ce qui s'apparente à des bourses aux scénarios.

Les ressources humaines dans un fort pourcentage au niveau des différents corps de métiers ont besoin d'une remise à niveau.

Être en phase avec son temps

Le domaine de l'audiovisuel et du cinéma, par excellence,est un domaine dans lequel les techniques évoluent à une vitesse effarante exigeant des hommes qui y travaillent, une adaptation permanente aux nouvelles technologies.

Monsieur Rouamba, directeur de la structure, pense que : "l'avancée doit se faire à tous les niveaux dans une progression d'ensemble car il ne sert à rien d'avoir des réalisateurs excellents et des comédiens ou techniciens médiocres".

La remise à niveau, le recyclage et le perfectionnement seront à l'ordre du jour à travers d'abord la mobilisation des compétences nationales avérées qui existent bel et bien.

"Les professionnels conscients de leurs insuffisances peuvent s'investir un tant soit peu dans leur propre formation afin de rester performants et compétitifs. Décider de nous prendre en charge va créer un bouillonnement, un réveil qui va insuffler un nouveau tonus chez les acteurs du terrain".

En appui aux compétences nationales, il y a lieu de réactiver les accords de coopération cinématographique et culturelle passés avec un certain nombre de pays pour impliquer également des formateurs extérieurs réputés pour leur expertise.

L'ensemble du patrimoine technique et une bonne partie du personnel de la Direction Générale de la Cinématographie ont été réservés au studio-école.

La structure naissante reprend à son compte les prestations techniques et la gestion des ressources matérielles de cette direction.

Le matériel abondant et performant à une certaine époque s'est vite détérioré du fait de l'inorganisation de sa gestion.

"Il est opportun aujourd'hui de cerner la manière appropriée et de capitaliser le matériel dont nous disposons en prenant en compte des paramètres comme la durée de vie, l'exploitation rationnelle, l'amortissement et le renouvellement" préconise Monsieur Rouamba.

Une culture de l'entretien et de la maintenance

L'entretien et la maintenance sont des services à systématiser. Il est urgent de disposer d'une structure de maintenance au niveau national car en général nous dit Pierre Rouamba "le matériel n'est pas vérifié avant et après exploitation et réintégré à l'État. Des productions ont connu des pannes à cause de ces négligences. Cette culture de l'entretien et de la maintenance doit devenir un réflexe pour éviter qu'à l'avenir on ne se retrouve avec du matériel hors d'usage prématurément comme aujourd'hui".

Cet axe directeur a prévalu dans la perspective de préserver durablement les équipements actuels et ceux dont l'Union Européenne dotera bientôt le cinéma national.

Cette aide de l'Union Européenne d'une valeur d'environ 312 millions prend en compte non seulement le volet équipement en matériels numériques de haute définition mais également le volet formation à son utilisation.

Ce projet de fourniture en matériels et en formation en cours depuis 2007 vient de faire l'objet d'un contrat signé le 18 décembre dernier entre le Burkina Faso et la Commission de l'Union Européenne. Le marché a été attribué à la société IEC, SAS, RCS basée à Rennes (France).

La location du matériel de l'ISIS / studio-école ne se fera qu'à des professionnels aux compétences avérées. Un cahier des charges a été élaboré à cet effet. La gestion des ressources matérielles sera confiée à un comité de gestion dont font partie les professionnels du secteur privé et les structures associatives, lequel est un peu la réplique de la composition du conseil d'administration de l'ISIS / studio- école.

Dynamiser le milieu et mieux insérer les jeunes

Les deux derniers axes du nouveau chantier sont l'animation professionnelle et l'insertion des jeunes formés.

La création d'un environnement propice au maintien du physique et à l'enrichissement culturel pouvait s'opérer à travers la mise en œuvre d'un ensemble d'activités qui concourent au développement des aptitudes individuelles.

De la bonne insertion des jeunes formés à l'ISIS et dans d'autres grandes écoles dépend l'avenir de la cinématographie. Il ne s'agit plus de former des gens pour les retrouver en chômage ou dans des métiers de survie. La préoccupation de l'heure est de former des jeunes tout en pensant à leur insertion dans le milieu professionnel.

Les relations subjectives et complaisantes doivent cesser et faire place à la culture de la recherche de la valeur intrinsèque dans l'emploi et le recrutement.

Autonomie et souplesse de l'ISIS / studio-école

La décision de lier le studio-école à l'ISIS n'est pas fortuite. Son statut d'établissement public à caractère scientifique et technique conférera du même coup au studio-école l'autonomie et la souplesse nécessaires à son fonctionnement efficient.

"Faire du cinéma, nous dit le Directeur du studio-école, c'est prendre des décisions qui comportent des risques. C'est également faire des choix artistiques et techniques qui impliquent des coûts. Si en formation initiale, l'objectif majeur est de délivrer des formations diplômantes,au studio-école la mission fondamentale est d'agir pour opérer le changement en faisant avancer les projets,les prestations et adapter l'environnement aux exigences nouvelles. Et souvent dans l'extrême urgence".

Le studio-école se présente donc comme une entité au sein de l'ISIS sous forme de direction rattachée à la délégation générale de l'ISIS/SE comprenant toutes les ressources nécessaires à son opérationnalité autonome et efficace.

Tout est question de recensement des potentialités, de planification, d'organisation et de programmation dans l'esprit et la philosophie qui guident les axes de la relance du cinéma au Burkina Faso.

Emmanuel SAMA
Journaliste-critique de cinéma
DGCN

Artistes liés
Structures liées