AFRICINE .org
Le leader mondial (cinémas africains & diaspora)
Actuellement recensés
24 364 films, 2 562 textes
Ajoutez vos infos
Ouverture du 25ème Festival International du Film Amateur de Kélibia (FIFAK 2010, Tunisie)
Mariage à trois visages, de Pierre Laba (Martinique / Côte d'Ivoire)
critique
rédigé par Bassirou Niang
publié le 12/07/2010
Bassirou Niang
Bassirou Niang

Film d'ouverture de la 25ème édition du Festival International du Film Amateur de Kélibia, "Un mariage à Trois visages" constituera une belle entrée en matière du fait du débat passionnant qu'il créa entre l'auteur et le public à l'occasion d'une rencontre organisée ce dimanche 18 juillet 2010.

"Film débile et débilisant", film aux personnages beaucoup "trop naïfs" et/ou "trop caricaturés…" Pour une première projection mondiale, "Un mariage à Trois visages" du Martiniquais Pierre Laba aura reçu les critiques les plus virulentes, en présence du réalisateur-producteur qui vit depuis 1999 en Côte d'Ivoire.

mariages à 3 visages from Africiné www.africine.org on Vimeo.



Né du prétexte de la célébration du cinquantenaire des indépendances, ce long métrage d'une heure trente épouse le mode du rire pour dérouler l'histoire d'un mariage entre un Blanc et une "paysane" africaine. Cette union a été rendue possible grâce à la magie de l'internet et le désir incontrôlé de Zass, "photographe professionnel" (plus connu dans "Commissariat de Tampy") de s'éloigner de la misère de son propre continent.

Conçu au début pour arracher le rire aux cinéphiles burkinabè habitués à ce mode de vie, Pierre Laba finit par en faire un film qui aura pour défi de réunir autour d'une idée de réconciliation entre Français, Ivoiriens et burkinabè. Les comédiens ayant incarné les différents rôles sont composés de ces trois nationalités.
Et pourtant, à n'en point douter, même si on lui reproche d'avoir trop poussé la caricature sur ses personnages, le réalisateur a mis le doigt sur une réalité bien sensible pour ne pas dire honteuse. Il s'agit de cette tendance à vouloir, par tous les moyens, forcer le destin ou du moins son propre destin à travers la richesse de l'homme blanc, symbole d'aisance matérielle et financière. L'Afrique y est le continent où les esprits vivent la tentation de l'émigration, en permanence. La France demeure le mirage de Zass (tout comme des autres). Le "photographe professionnel" est le "frère" de Sokoda (Amoin Koffi), cette "paysane" dont le "français n'est pas allé trop loin" et qui pourtant finit par faire soupirer Monsieur Jacques grâce à une photo sur internet.
Le malaise de l'homme africain est très bien compris par Pierre Laba puisque "Un mariage à trois visages" fait redécouvrir le sentiment de désespoir et les combines les plus inimaginables pour… un visa. C'est une Afrique à plusieurs visages.

Sokoda focalise les attentions du public tunisien qui a eu le privilège et l'honneur d'avoir été le premier à voir ce film. Les attributs que l'on soulève ne militent pas en sa faveur : on la juge analphabète et bête. On s'est même demandé comment Pierre Laba a pu laisser Amoin Koffi incarner ce rôle au détriment de sa copine Sita (Pauline Ouatara). Sita joue une sorte de "professeur" qui lui enseigne les bonnes manières d'une femme civilisée, la bonne démarche, la façon de s'habiller pour taper dans l'œil de son fiancé. Ce dernier est d'ailleurs perçu comme le seul personnage, à l'exception de sa fille, à être "normal". Son arrivée au village d'Amoin de Bobo Dioulasso permet de percevoir la survivance du complexe du noir face au blanc. Une certaine fierté se lit sur les visages à commencer par celui du père de Sokoda qui, peut-être par un acte inconscient, fit l'accolade à Monsieur Jacques, regardé comme une planche de salut.
Les festivités du mariage traditionnel disent tout l'opportunisme d'une société perméable au pouvoir de l'argent et oublieuse des principes d'honneur et de considération de soi. Une caricature, en a-t-on pensé, d'une Afrique faite par un regard exotique, même si le réalisateur s'en défend désespérément. Le souvenir de "La cousine bête" de Balzac vous en revient en travers de la gorge.

Un film à refaire en le dépouillant de ses infirmités pour gommer les frustrations et déceptions d'un public, quand bien même l'idée conductrice reste géniale.

Bassirou NIANG
Kélibia (Tunisie)

Films liés
Artistes liés
Structures liées
événements liés