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Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Intrusion dans l'univers de petites frappes
critique
rédigé par Jean-Marie Mollo Olinga
publié le 15/07/2010
Jean-Marie Mollo Olinga
Jean-Marie Mollo Olinga
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Zigoto Tchaya Tchameni, réalisateur de Extension4
Zigoto Tchaya Tchameni, réalisateur de Extension4
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni
Extension4, de Zigoto Tchaya Tchameni

Dans le cadre de son ciné-club mensuel, l'Institut Goethe de Yaoundé a projeté, le 30 juin dernier, une vidéo expérimentale, "Extension4", de Zigoto Tchaya Tchameni.

Le film du jeune réalisateur camerounais s'ouvre sur l'image d'un désœuvré, visiblement affamé, qui empoigne sensuellement un bâton de manioc, l'enfonce voluptueusement dans sa bouche et le mastique goulûment. Cette image on ne peut plus suggestive de l'acte sexuel renseigne à suffisance le spectateur sur la trame conductrice du film ?

De fait, Tchaya Tchameni prend pour prétexte un fait divers qui a créé une psychose au sein de la population il y a quelques années : les voleurs de sexe, dont une simple poignée de mains suffisait à faire disparaître un pénis.
Ce détail constitue le fond sur lequel le réalisateur détache quatre caractères, portés par quatre individus : une fille belle comme une déesse, qui a choisi la facilité pour sortir de la précarité ; un adepte des arts martiaux réfractaire à toute forme d'autorité ; son ami, simple suiviste ; un dur, costaud, froid, méchant et hypocrite.
A ces quatre personnages, le réalisateur associe quatre situations sociales (la misère, la loyauté, la pauvreté et le chômage), qu'il explore au travers d'un film d'action qui se veut expérimental.

Et parce que son film se veut expérimental, le réalisateur s'est engagé, avec un bonheur relatif, à construire un langage d'images différentes de celles auxquelles les cinéphiles sont habitués. L'on a ainsi, par exemple, un faisceau de lumière en pleine nuit noire, sans être renseigné sur sa source. Et comme en plus son système narratif, façon Jean-Pierre Bekolo, est constitué d'histoires juxtaposées ou superposées, la perception du spectateur et son confort de réception en sont désorientés.
Et dans la vidéo de Tchaya, l'autre inconvénient qui brouille davantage la perception est qu'elle mêle des référentiels connus à sa recherche. D'où la difficulté de regarder son film uniquement que comme film expérimental, cette forme basée sur l'esthétique et l'émotion, que Tchaya Tchameni rend tout de même remarquablement au travers de très gros plans de regards qui participent de sa manipulation du public, en lui faisant voir ce qu'il veut lui faire voir.

Malgré cette éclaircie et bien d'autres, "Extension4" apparaît comme un film inclassable, qui emprunte à plusieurs genres cinématographiques connus. On y trouve des éléments du film d'action, mais que le réalisateur exploite à sa manière ; une autre expérience. C'est ainsi qu'aux personnages surhumains et manichéens luttant sans complexes ni scrupules pour la défense des valeurs des films d'action classiques, Zigoto Tchaya substitue de petits caïds opposés à l'ordre établi.

Sur le plan formel, aux découpages très morcelés et aux plans très courts des films d'action ordinaires, Tchaya préfère des plans longs, qui imposent un rythme lent à son film, rythme caractéristique des cinémas africains, un continent dans lequel on "se hâte lentement".
"Extension4" emprunte aussi aux films d'arts martiaux. Et comme eux, il ne s'embarrasse guère des jeux subtils de la complexité dramatique ou psychologique. A contrario, il ne dépeint pas un univers où les forces du Bien combattent sans ambiguïté les forces du Mal. Ici, un peu comme dans le théâtre classique où toute l'action se déroule en un lieu, le réalisateur nous entraîne dans le quotidien d'un quartier mal famé, "Danger Zone", où tous les coups sont permis, tant qu'ils peuvent permettre de survivre.

Zigoto Tchaya Tchameni s'est aussi inspiré du cinéma de Quentin Tarantino. Par moments, son film nous plonge dans le genre gore, exploité également par les frères Cohen et surtout par John Woo, dans lequel le sang versé, aspergé, éclaboussé, cherche à provoquer la réaction de dégoût du spectateur, à l'amener à affronter l'horrible, l'insoutenable, pour l'en prévenir.
Tout bien considéré, le géniteur de "Extension4" a certes voulu faire un film expérimental, c'est-à-dire un film irrespectueux des normes esthétiques, formelles, techniques, artistiques établies, mais le réalisateur n'a pas réussi, au préalable, à s'en émanciper totalement. En se servant de matériaux différents, condition sine qua non pour inventer de nouvelles formes cinématographiques, n'aurait-il pas défini d'autres codes porteurs de nouvelles lois ? Tant qu'il n'en sera pas ainsi, son film dit expérimental ne s'apparentera qu'à une simple expérience, et ne sera regardé que comme ce qu'il est, à savoir un film. Sans épithète.

Jean-Marie Mollo Olinga

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