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Tournage du nouveau film de Cheick Fantamady Camara
Morbayassa, la belle Afrique
critique
rédigé par Fatou Kiné Sène
publié le 30/08/2010
Fatou Kiné Sène
Fatou Kiné Sène
Cheick Fantamady Camara, réalisateur-producteur
Cheick Fantamady Camara, réalisateur-producteur

Après le succès retentissant de Il va pleuvoir sur Conakry, sorti en 2006, le réalisateur guinéen Cheick Fantamady Camara tourne son deuxième long métrage. Morbayassa parle d'une prostituée qui veut se réconcilier avec son passé pour se construire un meilleur avenir. C'est la métaphore d'une Afrique qui lutte pour sortir de ses difficultés.

Le prochain film du Guinéen Cheick Fantamandy Camara traversera trois capitales africaines. Morbayassa, son deuxième long métrage, se déroule à Dakar, Conakry, Bamako. Paris est la capitale européenne choisie au hasard pour la suite de l'histoire. L'étape sénégalaise est déjà tournée. C'était du 15 au 30 juillet 2010. C'est dans une boîte de nuit dakaroise, près de l'université Cheikh Anta Diop, appelée Le Pen'art que nous avons rencontré le réalisateur le 20 juillet dernier.

Le lieu, transformé en cabaret pour les besoins du film, reçoit dès 14 heures les premiers figurants : des Camerounais et des Sénégalais.
Chimi, le régisseur donne les dernières directives à un groupe de jeunes. "On ne vous a pas dit qu'il fallait bien vous habiller, en chemise cravate ?", lance-t-il à des comédiens portant tous des t-shirts.
À l'intérieur du cabaret, le chargé du décor, Jean-Jacques Derneville, règle les détails, l'emplacement des chaises, des tables et des boissons. Les rideaux rouges sont baissés pour filtrer la lumière qui pénètre dans la pièce. C'est une scène de nuit filmée en intérieur jour. L'équipe technique, composée de Maliens, Guinéens, Sénégalais, Italiens et Français, s'affaire sur le plateau.

Le réalisateur donne les consignes aux figurants et aux acteurs avant le premier clap : "Il ne faut pas être timides, on doit sentir que vous êtes dans une boîte de nuit, défoulez-vous ! Silence, on y va, moteur, ça tourne !", lance Cheick Fantamady Camara, assisté par le cinéaste sénégalais Clarence Delgado, ancien collaborateur d'Ousmane Sembène. Après un premier essai, place aux réglages. "Bien fait, mais c'était peu", remarque Camara. "Il y avait des boissons sur les tables, mais on n'a vu personne boire, il faut mimer le geste", note Delgado.
Sur scène, Bella, une jeune femme de 30 ans, chante et danse. Elle est accompagnée dans ses chorégraphies par quatre autres filles. Toutes sont des prostituées, employées par un puissant proxénète, Kéba, propriétaire du cabaret.
Le lendemain, c'est dans un hôtel de la place que se joue une autre séquence. Au bord de la plage, Bella accouche d'une petite fille et compte la jeter à la mer. Elle hésite et décide de l'abandonner à la porte d'une clinique.

La tumultueuse vie de Bella, métaphore d'une Afrique qui lutte

Tout le film repose sur la recherche de cet enfant abandonné 15 ans auparavant. Morbayassa, nom d'une danse rituelle mandingue, est l'histoire de Bella, une Guinéenne qui, après la mort de ses parents, se laisse entraîner de Conakry à Bamako par un garçon qui finira par la mettre sur le trottoir. Prostituée dès l'âge de 15 ans, elle tombe enceinte et abandonne son enfant à la porte d'une clinique.
Une fois à Dakar, la jeune femme âgée maintenant de 30 ans vit sous la coupe de Kéba, un puissant proxénète gestionnaire d'un cabaret. Bella attire la clientèle par sa beauté. "C'est une perle, elle est symbole de cette belle Afrique", fait savoir le réalisateur.

La jeune dame est prisonnière de Kéba et ses tentatives de fuite sont réprimées. Elle réussit à s'enfuir de Dakar grâce à un fonctionnaire des Nations-Unies, Yélo. Bella part à la recherche de sa fille à Bamako. Mais la clinique est remplacée par un immeuble d'habitation. Elle apprend que sa fille est adoptée par un couple occidental. Elle s'appelle Vanessa, âgée de 17 ans, est musicienne saxophoniste en Europe.
Comment se présenter à cette fille et lui apprendre qu'elle est sa mère biologique ? Pendant l'adoption, Bella était déclarée morte dans un accident de la circulation.

Cheick Fantamady Camara ressort dans cette partie du film les émotions, la recherche d'identité, la réconciliation avec le passé pour construire l'avenir. Selon le cinéaste guinéen, Bella a trois visages. "Un visage d'adolescente, naïve tombée dans un piège ; un visage de prostituée, et celui d'une mère qui n'a pas assumé sa maternité et qui se sent mal dans sa peau", explique-t-il.
Le film symbolise, selon le réalisateur, une Afrique qui ne veut pas mourir. "C'est le seul continent sur la planète qui a un vécu atroce, elle est la proie de vautours, mais elle refuse de mourir", indique le réalisateur.

Cheick Fantamady Camara a plusieurs casquettes dans ce film. Il est réalisateur, producteur, scénariste. La production exécutive de ce long métrage est assurée par le réalisateur sénégalais Clarence Delgado. Les deux hommes ont déjà travaillé ensemble dans un court métrage du Guinéen, Bé Kunko, sorti en 2004, où Delgado était son premier assistant. "Dans la logique de ne pas changer une équipe qui gagne, je l'ai maintenu pas seulement comme premier assistant mais aussi comme producteur exécutif à Dakar", explique Camara.
Les caméramen, deux Français, assurent avec une technologie de pointe les prises de vue. L'ingénieur du son est un Malien, Bakary Sangaré. Le Sénégalais Arona Camara et son équipe veillent à la technique (lumière et machinerie). La costumière et photographe Fatou Kandé Senghor ainsi que la scripte Khardiata Pouye font aussi partie de l'équipe de tournage.

Cheikh Fantamady Camara a réalisé six films. Son premier long métrage Il va pleuvoir sur Conakry a remporté une vingtaine de récompenses, dont le "prix du public Rfi" au Fespaco 2007. Morbayassa devrait sortir courant 2011, mais après le grand rendez-vous du septième art africain.

Thème principal du film, une mise en scène d'un rituel mandingue

Cheick Fantamady Camara reprend avec la thématique du sacré. Après son premier long métrage Il va pleuvoir sur Conakry, le réalisateur guinéen ré-interroge la tradition africaine avec Morbayassa, son prochain film. "Morbayassa", c'est une danse rituelle mandingue. Elle est faite par des femmes, habillées en haillons, et qui traversent tout le village jusqu'à un marigot pour conjurer le sort. Le rituel est exécuté par les femmes qui éprouvent des difficultés de procréation. Plus rarement, des hommes peuvent aussi danser le "Morbayassa" pour des raisons de stérilité.

Cheick Fantamady Camara trouve "les rituels africains très jolis, beaux et naturels", d'où la part importante qu'ils occupent dans ses réalisations. Ses films sont pour lui un moyen de retrouver ses racines. Pour Camara, toute nation a un repère culturel traditionnel. "Je préfère parler à mes ancêtres que de parler du christianisme ou de l'islam, ces choses ne me ressemblent pas, j'ai honte de dire que je suis musulman ou chrétien, je suis animiste, la première religion de mes ancêtres", clame le réalisateur de Morbayassa.
Dans le film Morbayassa, l'actrice principale, Bella, 30 ans (Fatoumata Diawara) promet de danser le Morbayassa une fois qu'elle aura retrouvé son enfant. Prostituée à Dakar, elle part à Bamako, à la recherche de son enfant qu'elle avait abandonné il y a 15 ans à la porte d'une clinique...

Casting de Morbayassa, On prend les mêmes et on tourne

Dans Morbayassa, on retrouve des acteurs du film Il va pleuvoir sur Conakry de Cheick Fantamady Camara, produit en 2006. Le scénario du premier long métrage du réalisateur guinéen tournait autour du jeune couple formé par Alexandre Ogou, Tella Kpomahou. Ces personnages jouent ici les seconds rôles.
Tella Kpomahou fait partie d'un groupe de prostituées de Kéba, proxénète à Dakar. Alors que Alexandre Ogou interprète le rôle de Yéro, fonctionnaire des Nations-unies qui viendra en aide à Bella, l'héroïne. Bella est interprétée par Fatoumata Diawara qui a tenu un rôle secondaire (la rappeuse, amante de Bengali) dans Il va pleuvoir sur Conakry.

En tournage à Dakar au mois de juillet dernier, Cheick Fantamady Camara a expliqué qu'"on ne change pas une équipe qui gagne. Dans ce film, les rôles leur convient. Les comédiens ont bien joué, tout le monde a apprécié".
Pour les acteurs, c'est un plaisir de travailler avec un réalisateur que l'on connaît. "On s'habitue à sa méthode de travail et c'est facile de le suivre", indique Alexandre Ogou.

Fatou Kiné SENE

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