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Ouverture de la 67° Mostra
Venise, née des vagues, sortie de l'écume...
critique
rédigé par Azzedine Mabrouki
publié le 03/09/2010
Nous étions communistes (Sheoeyin kenna), de Maher Abi-Samra
Nous étions communistes (Sheoeyin kenna), de Maher Abi-Samra

Sur le Lido de Venise, avec quelques longueurs d'avance,les envoyés spéciaux des grands quotidiens du monde sont déjà à pied d'œuvre. Pas d'entracte pour la 67° Mostra du cinéma du 1° au 11 septembre. La chasse à courre du Lion d'Or a commencé.

Le Corbusier disait :" Venise est le plus prodigieux évènement urbanistique existant sur terre." Lord Byron et William Shakespeare, des siècles auparavant, étaient de cet avis. Shelley a aussi célébré la ville : "Cité ceinte de mer, tu as été de l'Océan l'enfant et puis la reine." Venise fut aussi une cité arabe, le Fondato dei Arabi (le Fondouk arabe) était situé prés du rio de la Madonna dell'Orto, au nord du ghetto juif. C'était l'époque où la cité des Doges multipliait les échanges de commerce d'art et de culture avec l'Orient.
On entre aujourd'hui à Venise par la Ferrovia (gare) Santa Lucia. Et aussitôt on cherche le premier bateau partant pour l'île du Lido où se déroule la Mostra. Le vaporetto glisse tout le long des quatre kilomètres du Grand Canal entre les palais et les églises. Il y a un arrêt en face du palais des Doges et de la place Saint Marc où la plupart des voyageurs descendent. Ensuite, c'est la longue traversée de la Lagune, immense étendue d'eau, pour débarquer au Lido. C'est le cœur de la Mostra, là où on trouve les salles de projection, une succession d'hôtels, de bars,de restaurants et le palais de marbre du festival autour duquel tourbillonne chaque soir toute une foule de Vénitiens venue pour les stars et aussi pour voir les films.

Le Lido, c'est Byzance pendant la Mostra ! Un déploiement inouï de luxe où tout est hors de prix. Même les bus publics qui circulent au Lido se prennent pour des Rolls Royce et font payer un simple ticket 6 euros ! Du coup, les boutiques qui louent des vélos se délectent de la ruée de journalistes qui préfèrent pédaler dans l'île.

Chaque année, la Mostra de Venise présente sur cette île, havre de richissimes vacanciers, ses deux aspects.
Sérieux : les longues files devant les salles jusqu'après minuit, signe que la Mostra draine un grand nombre d'Italiens venus de tout le pays.
Excentrique : la faune frivole et guindée qui traine tous les soirs sur la terrasse de l'hôtel Excelsior et qui provoque tout un tumulte dès qu'apparait le bout d'une star. Mais la même faune, smoking et robe du soir de rigueur, disparait soudain de ce haut lieu mondain pour aller fouler le tapis rouge à la séance officielle.

La 67° Mostra de Venise,ce sont 80 longs métrages en première mondiale. 23 films en compétition pour le Lion d'Or et 70 dans la section Orizonte, longs et courts métrages. Le président du jury c'est l'Américain Quentin Tarantino qui parait un peu égaré sur les rives de la Mer Adriatique. Il y a beaucoup de films américains cette année. Ils sont faits par Sofia Coppola (fille de son père), Vincent Gallo, Julian Schnabel, Monte Hellmann et Kelly Reichards. Le film d'ouverture est aussi américain : Black Swan, cygne noir, de Darren Aronofsky, dont l'histoire se passe aujourd'hui à New York dans le milieu d'une troupe de ballet classique où les rivalités sont très vives autour du rôle principal, la danseuse étoile.

Vénus Noire, quatrième film d'Abdellatif Kéchiche est le portrait d'une jeune femme sud africaine dans l'Europe du XIX° siècle, montrée comme une "bête de foire, en raison de son physique particulier". Elle connaîtra un destin tragique et la mort à l'âge de 26 ans.
Roschdy Zem apparait dans Happy Few d'Anthony Cordier tandis que le trio de choc Gérard Depardieu, Fabrice Luchini et Catherine Deneuve sont dans Potiche, de François Ozon.
Tran Anh Hung, cinéaste vietnamien, est aussi en visite à la Mostra avec une production japonaise, Norvegian Woods, inspirée à la fois d'une chanson des Beatles et d'un roman écrit par Haruki Murakami, un récit nostalgique des années soixante.
Alors que le Bengali de Calcutta, Amit Dutta, reconstitue la vie du grand peintre du XVIII° siècle Nainsush, qui a vécu dans le Gujarat, le Libanais Maher Abi Sabra inaugure une série de films sur l'histoire à la Mostra. Les militants libanais sont au centre de son récit Shouyouïn Kounna (Nous étions communistes).
Le Chilien Pablo Larrain dans Post Mortem parle du coup d'État contre le président Salvador Allende en 1973 et l'Espagnol Alex de la Iglesia raconte les évènements qui ont conduit l'Espagne franquiste au retour du roi et de la démocratie dans Balada Trista.
Incontournable, le singulier opus nouveau de Manoel de Oliveira, Visio Poetica, est une réflexion sur un chef d'œuvre de la peinture portugaise du XVI° siècle.
Et aussi l'unique cinéaste africain à la Mostra c'est le Ghanéen John Akomfrah à la section Orizonte avec son documentaire (musical) The Nine Muses sur le thème du voyage, de l'émigration, de la mémoire, comme dans L'Odyssée de Homère...

Il y a une forte présence italienne cette année. Une rétrospective sur le cinéma comique italien, avec pour commencer Vittorio Gasmann dans Parfum de Femmes, de Dino Risi. Marco Bellocchio, Marco Martone, Carlo Mazzacurati, Ascanio Celestino et Saverio Costanzo sont aussi présents dans les diverses sections. Saverio Costanzo est connu pour avoir décroché en 2004 le Pardo d'Or à Locarno pour son premier film remarquable sur la Palestine : Private, qui montre de quelle manière brutale les maisons palestiniennes sont réquisitionnées par la horde sioniste. Les thèmes italiens cette année, c'est la passion du Christ, les grandes figures de l'Unité italienne (Risorgimento) ou les histoires de familles.
Carlo Mazzacurati montre aussi un portrait de Venise : Sei Venezia (Tu es Venise). On peut prévoir dès maintenant les remous et les convulsions des paparazzi quand apparaitra la superbe star indienne Aishrawiya Rai à la Mostra de Venise pour présenter le film de Mani Ratman, dont le titre est déjà tout un programme : Love in a battle that nobody wins but everybody must fight.

Dans le sillage du vaporetto qui naviguait vers l'île du Lido, on voyait Venise, belle comme le jour, s'éloigner avec ses ombres et ses labyrinthes. Pas d'inquiétude. Après la Mostra, ce n'est qu'une affaire de jours,on retrouvera celle qui frappe chaque fois les yeux de surprise et d'étonnement. La cité, née des vagues, est sortie l'écume...

Azzedine Mabrouki

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